Peut-on s’opposer à une mutation ?
16 mai 2019
5min
Promotion, sanction, difficultés économiques de l’entreprise ou déménagement de cette dernière sont autant de raisons qui peuvent pousser votre employeur à vous muter. La clause de mobilité, très souvent stipulée dans les contrats de travail, encadre la mise en œuvre de cette mutation. Alors, que régie cette clause et que se passe-t-il si vous n’en avez pas ? Quelles sont les conditions pour que cette mutation soit valable ? Quels sont les risques de la refuser ? Welcome to the jungle vous éclaire sur ces questionnements.
La clause de mobilité, le point de départ
Action, réaction : on vous parle de mobilité, référez-vous immédiatement à votre contrat de travail et cherchez le paragraphe intitulé “clause de mobilité”. À la signature de votre contrat, cette clause stipule que vous donnez votre accord pour une mutation éventuelle. Vous êtes dès lors tenu de la respecter et d’accepter une mutation géographique imposée sur le territoire français sous peine de sanction pour acte d’insubordination.
Si cette clause ne figure pas dans votre contrat, le lieu de travail mentionné fait foi et vous pouvez refuser une mutation en dehors de votre secteur géographique sans craindre d’être licencié. Cependant, vous pouvez également l’accepter en posant vos conditions et en négociant la prise en charge de vos frais de déménagement, un véhicule de fonction, une augmentation… À vous d’être malin, la liste est exhaustive.
Les conditions pour que votre mutation soit recevable
Si la clause de mobilité figure bien dans votre contrat de travail et vous impose la mutation, il y a tout de même des conditions que votre employeur doit respecter sous peine de la rendre caduque.
1. Votre employeur doit vous prévenir à l’avance
Le délai qu’il doit respecter pour vous prévenir peut être précisé dans votre contrat, mais aucune loi ne spécifie un nombre de jours précis. En revanche, si vous êtes prévenu seulement quelques jours en amont, moins d’un mois avant la date effective de la mutation, vous êtes en droit de la refuser. En effet, un délai minimal d’un mois est nécessaire pour pouvoir vous organiser (trouver un logement, organiser un déménagement…).
2. Cette mutation doit correspondre à un besoin objectif de l’entreprise pour accroître sa productivité
Votre employeur doit être en mesure de justifier la raison de cette mutation et son importance pour le bien de l’entreprise. Votre mutation ne peut pas être le fruit d’un abus de pouvoir.
3. Cette mutation ne doit pas porter atteinte à votre vie personnelle
Si vous prouvez que cette décision met en péril votre vie personnelle et familiale, vous pouvez la contester. Si par exemple vous êtes une jeune maman et que cette mutation vous empêche de vous occuper de votre enfant, il vous faudra démontrer un abus de droit.
4. Votre employeur ne peut modifier un élément essentiel de votre contrat
Salaire et horaires de travail doivent rester inchangés.
Les risques encourus si vous la refusez
Il faut bien faire la nuance entre modification du contrat de travail (fonction, rémunération, nouveau lieu de travail très éloigné, durée de travail…) et modification des conditions de travail (déménagement de l’entreprise dans le même périmètre géographique, arrivée d’un autre responsable au même niveau que le précédent, obtention d’un nouvel intitulé de poste avec le même niveau de responsabilités…).
Si toutes ces conditions pour que votre mutation soit recevable sont respectées, voici ce que vous risquez en cas de refus :
- Si la clause de mobilité est inscrite au contrat et que les conditions sont respectées, vous ne pouvez pas refuser votre mutation sous peine de vous faire licencier.
- Si la clause de mobilité est stipulée dans le contrat mais que cela entraîne seulement une modification de vos conditions de travail, vous ne pouvez pas refuser votre mutation sous peine de vous faire licencier.
- Si la clause de mobilité n’est pas présente au contrat, vous ne pouvez pas refuser une mutation qui entraîne simplement la modification de vos conditions de travail, sous peine d’être licencié, c’est-à-dire une mutation dans un autre bâtiment de la même entreprise situé dans la même zone géographique, à moins de 1h20 de route ou de trajet en transports en commun.
- Si la clause de mobilité n’est pas au contrat et que la mutation engendre un avenant, vous pouvez la refuser.
3 cas de mutation et leurs implications
1. Mutation promotionnelle
a) Cas où la mutation promotionnelle ne peut pas être refusée
Votre employeur plébiscite votre travail et vous offre une promotion qui nécessite une mutation. Le problème est que cette mutation ne vous arrange pas du tout, et vous souhaitez la refuser pour des raisons personnelles et familiales. Si celle-ci modifie vos conditions de travail et non le contrat, vous fait rester dans la même zone géographique (c’est-à-dire dans un périmètre équivalent à 1h20 de trajet au maximum) ou est régie par une clause de mobilité, alors vous n’êtes pas en droit de la refuser.
b) Cas où la mutation promotionnelle peut être refusée
Si cette mutation promotionnelle engendre la modification de votre contrat de travail, vous pouvez la refuser. Si ce n’est pas le cas, il vous faudra prouver une atteinte grave et excessive à votre vie personnelle. Vous ne pouvez pas simplement refuser votre mutation parce qu’elle est contraignante. Ensuite, votre employeur devra faire de même et prouver en quoi cette mutation est nécessaire, justifiée et proportionnelle au but recherché.
2. Mutation pour sanction disciplinaire
a) Cas où la mutation disciplinaire ne peut pas être refusée
Vous avez commis une faute grave (insubordination, abandon de poste, négligence grave, violence, manquement aux règles de sécurité…) et votre employeur impose une mutation disciplinaire. C’est votre droit de la refuser, mais avant d’agir étudiez si cette mutation change vos conditions de travail, c’est-à-dire votre situation dans l’entreprise, votre fonction, votre carrière ou votre rémunération. Si vous restez à poste équivalent dans le même service, le même bâtiment ou le même secteur géographique, cela n’engendre pas de modification de votre contrat de travail, ce qui signifie que votre employeur peut vous muter sans votre accord et que votre refus peut entraîner votre licenciement pour faute ou la mise en œuvre d’une nouvelle sanction proportionnelle à la mutation.
b) Cas où la mutation disciplinaire peut être refusée
En revanche, si votre tribu vous impose d’être muté en dehors de votre secteur géographique, vous êtes en droit de refuser, de rompre votre contrat en tenant votre entreprise pour responsable ou même d’aller aux prud’hommes.
3. Mutation économique
Si votre entreprise se retrouve dans une situation économique préoccupante, avant de parler de licenciement, elle peut vous proposer, dans les limites de ses capacités, une mutation impliquant une modification de votre contrat de travail. Cette décision doit se prendre avec votre accord et vous être proposée un mois à l’avance. Un délai de 15 jours est envisagé pour les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire.
Suite à la proposition de mutation de votre employeur, vous donnez automatiquement votre accord si vous ne répondez pas ou si vous n’envoyez aucun courrier.
Si vous répondez après le délai fixé pour exprimer votre refus, vous serez licencié sans cause réelle et sérieuse. Nous vous conseillons donc de garder une copie de votre courrier.
Une mutation imposée est toujours difficile à vivre, mais il est dans votre droit de la refuser en prenant bien conscience des risques auxquels vous vous exposez. Cependant parfois, il vaut mieux partir pour une autre aventure que rester et risquer d’être mis au placard.
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