Comment rompre sa période d'essai ?
05 sept. 2019
6min
Rédacteur & Photographe
Voilà quelques semaines que vous avez commencé votre nouveau job. Passée la phase d’intégration, vous vous habituez à votre nouveau quotidien. Celui qui occupera sans doute vos prochaines années. Mais là, bizarrement, vous ne vous projetez pas… Les perspectives d’évolution ne vous emballent pas, ou peut-être est-ce l’ambiance de la boîte qui vous déçoit ? Le café de la machine vous semble soudain amer et le poste que vous avez accepté s’annonce bien différent de celui que vous aviez tant rêvé. Que faire ? Est-il encore temps de prendre ses jambes à son cou et de quitter l’entreprise ? Faut-il rompre sa période d’essai ? Et comment l’annoncer à votre employeur ?
Welcome to the Jungle vous dit tout de la période d’essai, cette phase d’entre-deux où l’on se sent testé, mais aussi le moment où il est encore possible de tout plaquer, sans trop de conséquences.
La période d’essai, c’est quoi ?
Au début de toute relation, il y a une période de “test”… Dans le monde de l’emploi, c’est pareil ! Lorsque l’on débute un contrat de travail (CDD ou CDI), employeur et salarié se “testent”. Pendant ce laps de temps qui précède l’embauche définitive, chacun vérifie que l’autre remplit ses attentes. L’employeur s’assure des compétences et de l’état d’esprit de sa nouvelle recrue. Et le salarié évalue si son nouveau job lui convient, si la culture d’entreprise lui correspond et s’il se sent à l’aise avec le style de management. C’est ce qu’on appelle la “période d’essai”.
Ce délai n’est pas obligatoire mais, lorsqu’il est envisagé, il doit être expressément prévu au contrat de travail qui précisera sa durée et les conditions de son renouvellement. La période d’essai place les deux parties (salarié et employeur) sur un pied d’égalité. Chacun peut la rompre, et elle ne peut être renouvelée qu’avec leur accord.
Depuis 2008, sa durée est encadrée par la loi. Calculée en jours calendaires, elle compte les jours fériés, chômés et les weekends.
En CDI, la durée maximale de la période d’essai et sa durée avec renouvellement varient en fonction de la catégorie professionnelle :
- Ouvrier / Employé : 2 mois (4 mois avec renouvellement)
- Technicien / Agent de maîtrise : 3 mois (6 mois avec renouvellement)
- Cadre : 4 mois (8 mois avec renouvellement)
En CDD, la durée maximale de la période d’essai varie en fonction de la durée du CDD :
- CDD < 6 mois : 2 semaines
- CDD > 6 mois : 1 mois
- CDD « sans terme précis » (dont la date de fin n’est pas certaine) : selon la durée minimale du contrat (pour une durée inférieure à 6 mois, un jour de période d’essai par semaine de travail prévue ; au-delà de 6 mois, entre 1 jour et 1 mois maximum)
Durant cette période particulière, il est possible de rompre sa période d’essai à tout moment et sans motif particulier. Mais n’oubliez pas que l’employeur, de son côté, peut faire de même.
Rompre sa période d’essai : mode d’emploi
Employeur et salarié peuvent tous deux décider de rompre la période d’essai. Lorsque l’un prend l’initiative de mettre fin au contrat de travail, il a divers droits et obligations envers l’autre. Rompre sa période d’essai oblige donc à respecter certaines règles.
Les obligations du salarié envers l’employeur
Le délai de prévenance
C’est le délai imposé au salarié pour prévenir son employeur de son départ. Autrement dit, c’est le préavis qui permet de rompre sa période d’essai. Il court à compter de l’envoi - ou la remise en mains propres - de la lettre recommandée avec accusé de réception qui avertit l’employeur du souhait de rompre sa période d’essai. C’est la date d’envoi de cette lettre qui fait foi du respect des délais.
Sa durée varie en fonction du temps de présence du salarié dans l’entreprise. Le salarié peut donc quitter l’entreprise au bout de :
- 24 heures : pour un jour de présence en entreprise
- 48 heures : si la présence du salarié en entreprise est > 1 jour et < 1 mois
- 48 heures : si la présence du salarié en entreprise est > 1 mois et < 3 mois
- 48 heures : si la présence du salarié en entreprise est > 3 mois
Attention : si le contrat de travail prévoit un délai plus long que le délai prévu par la loi, c’est le délai contractuel qui prime.
À part le délai de prévenance, la rupture de la période d’essai n’a en principe pas à respecter de formes particulières. Assurez-vous néanmoins que votre convention collective ne vous en impose pas (tel un délai de prévenance augmenté, ou une lettre recommandée adressée à une personne précise…).
Il faut cependant que la rupture soit explicite. C’est à dire qu’il s’agisse de pouvoir prouver que cette demande de rupture a été formulée par écrit et la date de son dépôt. Conservez donc précieusement le double de la lettre recommandée et son accusé de réception ou remettez la lettre en mains propres à votre employeur contre un récépissé. Si vous décidez de rompre votre période d’essai par email, assurez-vous de garder une trace de vos échanges, en particulier la réponse écrite de votre employeur.
Les devoirs de l’employeur en retour
Si votre demande de rupture de la période d’essai respecte le délai de prévenance imposé par la loi, votre employeur ne pourra pas s’y opposer. Prenant acte de votre décision, il devra vous remettre les documents suivants :
- un certificat de travail.
- une attestation destinée à Pôle Emploi, pour que vous puissiez faire valoir vos droits à l’allocation chômage.
- un reçu pour solde de tout compte.
- le dernier bulletin de salaire avec son paiement.
- Et après ?
La perception de l’allocation chômage d’aide au retour à l’emploi (ARE) dépend de la personne qui est à l’origine de la rupture de la période d’essai. Si cette décision est celle de votre employeur, l’allocation chômage vous est due.
Mais attention : si vous êtes à l’origine de la rupture de la période d’essai, vous n’aurez pas droit à cette allocation. La rupture volontaire de la période d’essai est en effet assimilée à une démission. Il existe cependant des cas où la rupture est justifiée et la perception de l’ARE aussi. C’est le cas de :
- la rupture de la période d’essai si votre conjoint est muté dans une autre ville.
- le mariage ou le pacs qui entraîne un changement de résidence.
- l’accueil d’un enfant handicapé dans une structure éloignée de votre entreprise.
- le déménagement suite à une séparation violente.
- la création ou la reprise d’une entreprise ou auto-entreprise, si vous justifiez des conditions d’activité prévues par la loi.
- la rupture de la période d’essai d’un emploi trouvé après un licenciement, une rupture conventionnelle ou une fin de CDD, dans un délai de 91 jours, même si le salarié ne s’était pas inscrit comme demandeur d’emploi après son précédent contrat.
3 conseils pour survivre à cette rupture ?
« Une rupture est toujours douloureuse, au moins permet-elle de sauvegarder l’essentiel : conserver l’estime de l’autre, éviter le pourrissement dû à l’exaspération, raviver le désir qu’on éprouve pour le monde » : Roland Topor, illustrateur.
1. Avoir une bonne “excuse”
Rompre sa période d’essai est un moment délicat. Bien que vous ne soyez pas obligé de vous justifier, avoir les bons arguments pour expliquer votre choix permettra à vos collègues de mieux l’accepter. Identifier les raisons de votre départ fait d’ailleurs partie intégrante du processus de réflexion qui vous conduira à une telle décision.
Mais alors quelles sont les situations où rompre sa période d’essai paraît légitime ?
- Le job ne correspond pas à la fiche de poste
Puisque l’objectif de la période d’essai est de s’assurer que le job que vous acceptez est conforme à vos attentes, la rupture semble évidente lorsqu’il n’y correspond pas. Vous observez un grand écart entre les missions promises et votre quotidien ? Il y a un décalage entre votre niveau de formation et les responsabilités qui vous sont confiées ? La période d’essai est un moment de discernement. Vous n’êtes pas encore engagé et donc toujours libre de partir… tout est simple à ce stade. Une fois terminée, la rupture sera plus lourde de conséquences !
- Votre profil ne colle pas à l’ADN de la boîte
Vous ressentez peut-être un désenchantement ? L’univers de l’entreprise, ses valeurs et l’équipe qui vous entoure vous paraissaient bien plus « waouh » à l’entretien ? Votre profil ne colle pas à l’ADN de la boîte ? Rompre sa période d’essai peut alors s’avérer être nécessaire. Pas de panique, c’est justement lors de cette période que l’on confirme ou infirme le choix de rejoindre telle ou telle entreprise. Si vous n’êtes pas à votre place, ce n’est jamais bon d’y rester. Et ce n’est pas votre employeur qui dira le contraire. Rassurez-vous, votre sentiment est peut être partagé.
2. Discutez avec votre employeur avant la rupture
Vous vous sentez déjà investi dans la boîte… On a misé sur vous et d’autres auraient tout donné pour prendre votre place. Vous avez peur de décevoir ? Quels que soient vos remords, le plus simple est d’en parler rapidement avec votre employeur. Prenez le temps de lui expliquer votre situation. Peut-être est-ce l’occasion de donner vos feedbacks et revenir sur les erreurs du process de recrutement afin qu’elles ne se reproduisent plus?
Si vous n’avez pas d’engagement professionnel par ailleurs, vous pouvez même demander à votre employeur de rompre lui-même la période d’essai, il est possible qu’il accepte… Quel intérêt aurait-il à garder quelqu’un de peu motivé ?
3. Surtout, dédramatisez !
Rompre sa période d’essai n’est pas une tragédie ! Si cette période existe, c’est justement pour vous permettre de vous désengager. Dites-vous qu’un trop grand nombre de départs durant la période d’essai résulte d’une inadéquation entre les attentes des différentes parties.
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Article mis à jour par Sylvain Guillet, édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ
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