Prêter serment : tradition dépassée ou véritable engagement à son travail ?
11 avr. 2019
5min
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Lorsque l’on pense au serment, souvent nous vient à l’esprit l’image du président des États-Unis qui prête serment sur la Bible lors de son investiture. Ou celle du témoin qui jure de « dire toute la vérité, rien que la vérité ». Il y a aussi l’audience solennelle du serment des avocats en robe noire pour la première fois. Sans oublier ce bon vieux serment d’Hippocrate… En France, vous l’ignorez peut-être, mais les hommes politiques ne prêtent pas serment, en revanche les facteurs oui !
Tradition dépassée ou véritable engagement : à quoi sert le serment ? Quelles sont les professions concernées ? Comment se déroule la prestation de serment ? Et à quoi cela engage-t-il ? Welcome to the Jungle vous dit tout.
Prêter serment : ça sert à quoi ?
« Dois-je vous signaler qu’un huissier est un agent assermenté par l’État, hein ? (…) Alors je vais vous dire, à chaque insulte vous serez gratifié d’une amende de 500 francs » Maître Gonzalez, Les Trois Frères
Traditions et usages du serment
Datant de l’Antiquité, le serment a des siècles d’existence. Sa fonction consiste à renforcer et solenniser un pacte, un engagement ou une déclaration. Il s’agit généralement d’un rite oral par lequel on s’engage devant une institution ou les membres d’une profession.
Par le serment, on proclame solennellement son adhésion aux valeurs de cette institution et on jure de toujours les protéger. Par définition, le serment est engageant, c’est « une promesse annoncée de manière cérémonieuse en insistant sur le caractère sacré et indéfectible des paroles prononcées ».
Des professions exercées en conscience
La prestation de serment est l’ultime étape avant d’exercer une fonction d’utilité publique, une profession réglementée ou un poste de surveillance. Bien connue dans le milieu médical et juridique, elle est aussi pratiquée par de nombreux professionnels de façon souvent insoupçonnée : architectes, experts-comptables, magistrats, géomètres, notaires, avocats, gendarmes, facteurs, gardes champêtres et gardes particuliers, agents de l’administration pénitentiaire, médecins, pharmaciens, vétérinaires, scientifiques et officiers de marine ; tous ont prêté serment.
Si, à première vue, rien ne paraît les rassembler, tous ces métiers sont exercés avec conscience et probité. Par leur serment, ils s’engagent à faire toujours passer le bien commun et la qualité de leur service avant leur intérêt personnel. Autrement dit, ces professions sont investies d’une mission qui les dépasse, souvent d’intérêt général ou d’utilité publique. En témoigne le serment du facteur qui jure « de remplir avec conscience les fonctions qui lui seront confiées » et « s’engage à respecter scrupuleusement l’intégrité des objets déposés par les usagers et le secret dû aux correspondances ». Ou celui de l’architecte qui, « dans le respect de l’intérêt public qui s’attache à la qualité architecturale, jure d’exercer sa profession avec conscience et probité ».
Très utile, la prestation de serment est le garde-fou du professionnel et l’assurance, pour le client ou le patient, de recevoir un service désintéressé et de qualité.
Le b.a.-ba de la prestation de serment
Test de déontologie, inscription au tableau de l’Ordre, confraternité et cérémonie de prestation de serment… Le processus pour intégrer certains corps de métier est un véritable parcours du combattant. L’occasion pour la profession de vérifier la moralité et les valeurs des candidats.
Qui dit serment dit déontologie
Vous avez survécu à des études longues et fastidieuses, sachez que ce n’est pas fini ! Si vous souhaitez exercer l’une de ces professions réglementées, il vous faudra encore réussir un test de déontologie. Pour certains, comme l’élève avocat, l’oral de déontologie constitue une étape décisive. Secret professionnel, principe d’incompatibilité avec l’exercice d’une profession commerciale… Les nombreuses règles qui régissent la profession sont répertoriées dans un code qu’il vous faudra bachoter. Pour d’autres, le test est une simple formalité. Cependant, vous n’y couperez pas. Vos pairs doivent s’assurer que vous avez bien assimilé les valeurs de votre futur métier.
Sous le contrôle de l’Ordre
L’examen de déontologie en poche, dans certaines professions (médecin, avocat), vous devrez encore montrer patte blanche. Attestation de moralité et casier judiciaire seront consciencieusement vérifiés. L’entrée dans votre nouvelle activité est conditionnée à la preuve de votre moralité. Une fois votre probité certifiée, vous serez invité à vous inscrire au « tableau de l’Ordre ». Derrière ce mot obscur, « l’Ordre », se cache une organisation constituée de vos futurs confrères chargée de défendre les intérêts de la profession. Tant que vous vous conformez aux valeurs de celle-ci, l’Ordre vous soutiendra. Mais, attention, si vous enfreignez les règles, vous risquez une procédure disciplinaire. Avertissement, blâme, interdiction temporaire d’exercer ou radiation, la mesure de votre faute déterminera la gravité de la sanction.
La prestation de serment
Sitôt inscrit au tableau de l’Ordre, vous devrez prendre une date pour votre prestation de serment. C’est la consécration de toutes ces étapes franchies avec brio. Vous pouvez enfin réunir vos proches, sabrer le champagne et entrer dans la profession. En robe noire, en blouse ou paré de votre plus bel apparat, vous jurez devant vos pairs de toujours respecter les valeurs de votre profession. Plus qu’une remise de diplôme, c’est un moment solennel où vous prenez conscience que vous devenez le membre d’un corps plus grand que vous. À cet instant, vous vous engagez publiquement, sur l’honneur, à incarner votre nouveau métier et à servir un intérêt qui vous est supérieur.
Le serment lie la personne
« Prêter serment, c’est mettre son âme en péril. Ne faites jamais un serment à moins d’être capables de mourir plutôt que de vous parjurer. » Ken Follett, Les Piliers de la Terre
Un impact sur la vie personnelle
Le serment engage l’homme tout entier. Réservé à la sphère professionnelle, il n’est pourtant pas sans conséquence sur la vie personnelle de celui qui le prête. Pour Élisabeth, architecte à Toulouse, l’éthique professionnelle lui impose « de choisir au travail comme à la maison des matériaux de qualité, de générer le moins de déchets possible et de respecter l’environnement ». Et, parce que l’architecte « ne doit jamais être motivé par son propre profit », Élisabeth s’interdit « de travailler sur un immeuble pour le revendre dans le but de générer pour elle-même une plus-value ». De son côté, Blandine, qui a prêté le serment de l’avocat, s’efforce d’être un modèle de rigueur au quotidien et auprès de ses pairs. Code de la route, déclaration administrative… Elle s’attache à respecter consciencieusement la loi. Néanmoins, si « c’est une profession qui inspire souvent le respect, elle n’inspire pas toujours confiance », déplore-t-elle. Devant son titre, bailleurs et voisins sont parfois méfiants… Le serment est certes un engagement professionnel, mais il déteint sur la sphère personnelle. Moralité, conscience et probité, au travail comme dans la vie privée, le serment doit être respecté.
Être investi d’une mission
Cette mission particulière dévolue à celui qui prête serment, Élisabeth en a conscience. C’est, selon elle, ce qui fait la force de son métier : « Concevoir une architecture de qualité qui s’intègre au mieux à son environnement. » Cependant, « la déontologie n’est pas toujours en phase avec la réalité du marché immobilier », constate Élisabeth ; elle peut fragiliser le métier d’architecte devenu « très concurrentiel face à l’essor des promoteurs immobiliers ». Pour Blandine, le respect du principe de confidentialité lui a enseigné le sens du secret. « Je crois que le fait que mon métier exige de savoir garder une confidence incite mes proches à se confier plus facilement. Ils savent que je suis tenue au secret », observe-t-elle. C’est vrai que ce n’est pas anodin de jurer « d’exercer ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité »…
Vous l’aurez compris, médecin, avocat, architecte ou encore facteur sont des professions qu’on ne peut exercer à la légère. Ce sont d’ailleurs dans ces métiers que l’on peut, sur le temps personnel, se retrouver “de garde” ou “de permanence”. D’utilité publique, leurs services ne peuvent être fournis que par ceux qui font le serment de se consacrer pleinement à leur mission, en conscience et avec probité.
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