Prise de poste : comment tirer le meilleur des journées au bureau pour s'intégrer ?

12 sept. 2024

6min

Prise de poste : comment tirer le meilleur des journées au bureau pour s'intégrer ?
auteur.e
Camille RabineauExpert du Lab

Consultante spécialiste des nouveaux modes d’organisation et de l’aménagement des espaces de travail

contributeur.e

Dans un monde du travail hybride, bien gérer sa présence au bureau devient quasiment une nouvelle soft skill. Entre la savante utilisation des équipements au bénéfice de sa productivité et la saisie au vol de précieuses occasions d’échanges avec ses collègues et supérieurs, notre experte Camille Rabineau vous dévoile ses conseils pour ne pas en perdre une miette !

Si le télétravail présente de multiples bénéfices, nous sommes nombreux à déplorer qu’il distende le collectif, rendant plus difficile l’intégration dans une nouvelle entreprise. D’après le baromètre du télétravail 2022 de Malakoff Humanis, 63 % des salariés estiment notamment que ce mode d’organisation ne favorise pas les échanges avec leurs collègues et managers. Les jeunes actifs, quant à eux, sont particulièrement impactés, dans la mesure où ils voient le bureau comme un lieu incontournable où ils aiment passer du temps. Les journées hebdomadaires passées au bureau -3,2 en moyenne selon l’INSEE- ne peuvent donc plus être laissées au hasard. Une pratique consciente de son espace de travail mérite de se mettre en place pour que celui-ci devienne l’allié indiscutable de son intégration dans l’entreprise. Mais comment tirer le meilleur des journées au bureau pour se faire rapidement une place ? Qu’est-ce qui, dans le cadre de travail, permet une meilleure intégration ? Et enfin quelle stratégie envisager pour « bien » prendre ses marques ?

Réussir son intégration professionnelle, un casse-tête amplifié par le télétravail

Suite à la pandémie qui a propulsé le télétravail, les habitudes sont prises. En dépit des entreprises de la Tech ou d’ailleurs qui revoient à la baisse leurs conditions de télétravail, l’organisation hybride montre sa robustesse : elle est là pour durer. Mais les défis demeurent, et touchent de plein fouet les salariés en prise de poste. Parmi ces challenges, le maintien d’un collectif de travail de qualité. De nombreux chercheurs s’intéressant au télétravail ont démontré que celui-ci a généré un « délitement » des liens sociaux, suscitant de l’isolement, une baisse des échanges informels ou encore une transmission des savoirs affaiblie.

Parmi eux, la chercheuse Marie Benedetto-Meyer a analysé les communications et outils Teams d’équipes concernées par le télétravail pour différencier les collectifs « forts », qui reproduisent sans peine les rituels au travers des outils numériques, et les collectifs « faibles », en difficulté avec ce mode de travail. Elle pointe notamment le fait que les individus à la marge des collectifs -dont les nouveaux arrivés, les personnes ayant changé d’équipe ou celles proches du départ- peuvent éprouver des difficultés à s’intégrer et à collaborer.

L’onboarding, une responsabilité partagée

Face aux enjeux d’une prise de poste en général et aux défis du télétravail en particulier, les entreprises se sont mises à accorder plus de soin à l’accueil de leurs recrues, à travers notamment l’onboarding. « L’onboarding est la clé d’une intégration fructueuse, c’est devenu mainstream aujourd’hui même si cela peut manquer de personnalisation en fonction du poste, de l’équipe et du niveau de séniorité de la personne », explique Marie-Sophie Zambeaux, spécialiste du recrutement. Remise des outils de travail adaptés, présentation de l’entreprise, temps d’échange avec plusieurs interlocuteurs clés, parcours de formation accéléré et « Vis-ma-vie » : il s’agit de tout faire pour que le salarié fraîchement arrivé -si difficilement recruté dans un marché du travail en tension- ne soit pas livré à lui-même, se sente accueilli et mis en condition pour réussir.

Un enjeu de taille quand on sait que 45 % des démissions surviennent la première année après l’embauche. Reste que l’intégration au sein d’une communauté sociale est un processus à double-sens. Rien de mieux pour se faire une place parmi ses collègues que de marquer les esprits par son attitude adaptée, son esprit positif, ses initiatives pertinentes et sa personnalité amicale. Pareil avec le bureau. S’il incombe à l’employeur de tout mettre en place pour que les salariés aient les chances de mener à bien leurs missions, charge à ces derniers d’en faire une appropriation qui leur convienne et les aide à réussir. Surtout quand on n’y passe plus qu’une poignée d’heures par semaine.

4 conseils pour devenir un stratège du bureau

Alors que le télétravail rend plus complexe et plus longue l’intégration dans de nouvelles fonctions, il est impératif de ne pas passer à côté de ses journées au bureau. Je vous dévoile quelques bonnes pratiques sur lesquelles miser pour y parvenir.

Conseil n°1 : mettez le bureau au service de votre productivité

On a tendance à l’oublier : à la différence du domicile, l’espace de travail est un endroit pensé pour l’exercice du travail dans de bonnes conditions. Un caractère ergonomique dont les jeunes actifs sont les premiers à bénéficier, eux qui n’ont que rarement des logements spacieux et confortables. Pour Lauren (1), qui vient de démarrer un job dans le conseil, le bureau offre ce cadre privilégié pour atteindre ses objectifs. « C’est rare que j’utilise mes deux jours de télétravail : je ressens le besoin d’aller au bureau, avec un vrai bureau, une vraie chaise », explique-t-elle. Mieux, pour les entreprises portées sur les usages, les bureaux d’aujourd’hui permettent même de créer sa propre expérience en fonction de ce qui convient à chacun, et de changer d’endroit quand la monotonie d’une tâche commence à nous peser.

C’est alors à nous d’utiliser à bon escient les différents espaces. Un grand classique que je croise fréquemment est le salarié qui apprécie d’arriver tôt le matin pour se poser dans l’espace café et se plonger au calme dans ses mails, avant la cohue. Protéger son temps va de pair avec ce jeu de chaises musicales. Pourquoi ne pas vous bloquer des plages pour le travail individuel, afin d’éviter de vous retrouver face à un enchaînement sans fin de réunions ? Vous pouvez également indiquer par un signe visible que vous êtes en pleine concentration, pour permettre de limiter les sollicitations non désirées de vos collègues.

Conseil n°2 : faites le plein d’interactions en face-à-face

La co-présence et les interactions en face à face sont un accélérateur de prise de marques dans une nouvelle culture d’entreprise. Dès lors, fréquenter les collègues sur site est un ingrédient indispensable à l’intégration. « Il est dans l’intérêt des nouveaux salariés de venir au bureau pour s’intégrer et pour être promu », pose clairement Marie-Sophie Zambeaux. Jackie, commerciale dans la Tech à Seattle, a intégré son entreprise après son diplôme. Solliciter directement ses collègues et managers sur site l’a alors beaucoup aidée : « Quand j’ai démarré, j’ai essayé de rencontrer le plus de monde possible pour progresser. Je faisais comprendre que j’étais un peu perdue, et on m’invitait aux réunions. »

Au sein d’une même équipe, il est possible de vous concerter pour synchroniser vos jours de télétravail, afin que personne ne se retrouve seul au bureau, d’autant plus en cas de nouvelle arrivée. Les nouveaux types d’aménagements des espaces de travail peuvent se révéler utiles dans cette recherche d’interactions. Les open spaces vous permettent notamment de voir davantage de monde et ainsi de mieux vous repérer parmi les différentes équipes. Davantage, le flex office vous permet de vous asseoir à côté de différents collègues d’un jour à l’autre grâce à l’absence de places attitrées, accélérant votre compréhension de l’organigramme tout en tissant une toile de connaissances.

Conseil n°3 : considérez vos pauses comme des alliées

Depuis le télétravail forcé lié au Covid, la pause café est devenue le summum de la vie de bureau. C’est elle qui concentre les fameux échanges informels qui nous manquent en télétravail. Ces discussions à propos de tout et rien qui tissent les liens entre collègues et donnent sa saveur à notre journée. Des chercheurs, comme Claudia Brassier Rodrigues, ont étudié ces pauses pour en confirmer le rôle essentiel dans la transmission entre salariés, où les plus anciens véhiculent les savoirs-faire et savoir-êtres tacites de l’entreprise. « Dress codes, us et coutumes, styles de management et private jokes, la liste est longue des informations qui passent par les temps informels partagés au bureau », abonde Marie-Sophie Zambeaux.

S’accorder des pauses au travail est également essentiel pour ménager son énergie et préserver son efficacité. Jackie l’a bien compris, et a décidé d’en faire un jackpot : respiration méritée et accélérateur d’intégration. « J’écris à un collègue “pause café ?” et on la fait ensemble. Je ne me sens pas coupable : socialiser fait partie des choses que je suis censée faire au travail », pose la commerciale. Dans les aménagements de bureau les plus récents, de grands espaces multifonctions sont souvent conçus pour à la fois accueillir ces temps de pause, mais aussi permettre de travailler dans un cadre différent de son poste classique. Vous y poser aux heures creuses peut être un bon moyen de croiser de nouvelles personnes et ainsi de capter des informations que vous n’auriez pas reçues sans cela.

Conseil n°4 : participez aux événements de votre boîte

Ce n’est pas un secret : c’est quand on est jeune actif, sans charge de famille ni rôle d’aidant à endosser, qu’on est le plus disponible pour jouer pleinement le jeu des événements d’entreprises, activités sportives ou team building. Et lorsqu’on vient d’arriver de surcroît, ce sont autant d’opportunités de mieux connaître son nouvel environnement et de se faire connaître en retour.

Pour mieux vous orienter, repérer les lieux d’affichages est une bonne stratégie : ascenseurs, couloirs, espaces de pause ou murs du CSE vous renseigneront sur le potager collaboratif, le cours de pilates ou la prochaine conférence. Ces activités sont en plein essor, portées par des entreprises désireuses de faire vivre de bonnes journées à leurs collaborateurs quand ceux-ci se rendent au bureau. Une stratégie testée et approuvée par Lauren : « Même sans forcément parler à de nouveaux interlocuteurs, le simple fait d’avoir passé du temps ensemble dans une même pièce aide à se sentir mieux intégré. »

Meilleure efficacité, interactions démultipliées, pauses stratégiques et événements qui tombent à pic : être présent au bureau se révèle précieux pour s’intégrer en tant que nouveau venu. Reste à trouver le bon équilibre entre une présence maximisée et un trop plein d’opportunités qui se transformerait en fardeau.

__

(1) Le prénom a été changé.

Article rédigé par Camille Rabineau et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.

Les thématiques abordées