Bureau : 5 idées d’aménagements écoresponsables
30 nov. 2022
5min
Consultante spécialiste des nouveaux modes d’organisation et de l’aménagement des espaces de travail
L’engagement environnemental des entreprises doit prendre vie entre ses murs. C’est ce que pense notre experte Camille Rabineau, qui vous partage ici des pistes concrètes pour aménager des bureaux éco-friendly.
À quoi bon s’occuper du bureau si la planète s’effondre demain ? Tel est le type de pensées qui peuvent nous traverser l’esprit dans la période actuelle. Oui mais voilà, en attendant, des millions de Françaises et Français se rendent au moins deux à trois fois par semaine au bureau. S’il semble acquis que ce dernier fait sa mue pour s’adapter au mode de travail « hybride », la façon dont il peut prendre sa part à l’effort général en faveur de l’environnement est plus floue. Pas besoin d’attendre la rénovation décennale de l’immeuble qui réduira la facture énergétique : de nombreuses actions peuvent déjà aider à aller dans le bon sens. J’en ai sélectionné cinq, dont il est facile de s’inspirer.
1. Adopter le flex office
Les salariés sont frileux face à la flexibilisation des bureaux qui fait disparaître l’idée d’un espace à soi dans l’entreprise. Pourtant, ces aménagements répondent à la préoccupation environnementale en cherchant à mieux utiliser les ressources en mètres carrés. Une approche qui affiche d’autant plus de sens alors que les employeurs font face au casse-tête de la réduction de leur facture énergétique. Rendre l’espace flexible, c’est aussi pouvoir optimiser les consommations d’électricité en regroupant les occupants dans une même zone les jours de « creux » et en chauffant moins les zones vides. Pour rappel, en 2019, les bâtiments du secteur tertiaire étaient responsables de 7 % des émissions de gaz à effets de serre en France.
Pour être responsables, les projets d’aménagement doivent chercher à rendre le bureau moins rigide, évolutif selon le moment de la journée, les besoins et les présences. Un espace café qui accueille des activités individuelles ou en petit comité discret aux heures creuses, une salle de réunion qui se réagence au gré de multiples formats d’interaction, une salle de déjeuner qui redevient salle de réunion après 14 h… Voilà autant de configurations qui permettent de réaliser des économies et d’aller vers un immobilier raisonné dans lequel les surfaces investies rendent un meilleur service aux utilisateurs en étant accessibles et vivants à tout moment.
2. Miser sur le réemploi du mobilier de bureau
En France, 250 K tonnes de meubles de bureau sont jetés chaque année selon l’éco-organisme Valdelia. Heureusement, les entreprises se montrent de plus en plus sensibles au sujet du gaspillage, poussées par l’évolution de la législation. « La loi AGEC a interpellé les entreprises en demandant au secteur public d’inclure 20 % minimum de produits issus du réemploi dans leurs projets d’aménagement », explique Marion Désert, qui a cofondé Fairspace, une entreprise spécialisée dans l’aménagement et la distribution de mobilier de bureau éco-responsable.
Concrètement, l’expression « réemploi » recouvre une vaste famille qui comprend les produits reconditionnés, les produits de seconde main, ceux issus de l’upcycling et du recyclage, qui inspirent de plus en plus de designers et éditeurs. Cela tombe bien car le gisement de matières qui ne demandent qu’à être récupérées est immense. « Je peux donner l’exemple d’un tabouret fabriqué à partir de chutes de bois et de draps anciens qui, grâce à un procédé, redeviennent solides comme du stratifié. Ou encore de chaises en plastique recyclé… Certains matériaux n’atteignent jamais le stade de la consommation : nous avons été en contact avec une entreprise qui récupère des pots de yaourts Actimel jamais mis sur le marché », relate Marion Désert.
La dirigeante invite les entreprises à envisager le réemploi de leurs propres objets, toujours en anticipant l’étape d’après. « Une planche de bois peut être revalorisée sous forme de jolie table, mais attention, le fait d’y appliquer certaines résines la rendra non recyclable par la suite. Il y a une nouvelle manière d’aborder le cycle de vie des produits, en se posant à chaque étape la question de la meilleure sortie par le haut pour le matériau. »
3. Casser les idées reçues autour de la seconde main
Meubler plusieurs espaces emblématiques dans un style brocante fait de formica et de rotin est une tendance qui a la cote. En témoigne le cabinet de conseil Wavestone : chiné sur la plateforme Selency, le mobilier de ses nouveaux bureaux nantais revendique 100 références vintage, avec des pièces iconiques du design. « On a pris la décision d’aménager en seconde main tous les espaces collaboratifs, de créativité, les espaces un peu “dégaine”. Cela représente 50 % du mobilier du site », raconte Solène Loyer Fontana, responsable de l’environnement de travail. L’architecte en charge du projet a par ailleurs été prié d’adapter ses dessins pour intégrer du mobilier en matériaux recyclés de la start-up Pimp your Waste. Des cabines téléphoniques et des grands plans de travail en bois recyclé ont ainsi été ajoutés.
Pour Marion Désert, on aurait tort de résumer le réemploi à un état d’esprit bric-à-brac, qui ne fait pas l’unanimité et ne répond pas à tous les besoins. « Il faut montrer qu’il est équivalent à du neuf. On peut tout à fait créer l’effet waouh que procure le neuf avec une démarche écoresponsable », affirme-t-elle. Elle donne l’exemple d’un restaurant d’entreprise dont le projet avait été imaginé avec du neuf et dans lequel il a fallu reproduire un design précis avec du réemploi. « On a utilisé plus de cent chaises usagées que l’on a retraitées, teintées et complétées avec des pièces dont la matière première provient du recyclage de volants de badminton. » Avec de telles démarches de fourmis, il est possible de viser 60 % de réemploi dans les projets, bien au-dessus des standards posés par la loi AGEC.
4. Ne négliger aucune étape de la journée sur site
Chercher à rendre le bureau plus responsable soulève de nombreuses problématiques. Trajets domicile-travail, alimentation, équipements technologiques ou tri sélectif : la liste est longue. David Canonge, dirigeant de Little Big Impact, une entreprise qui sensibilise à la réduction de son empreinte carbone, identifie la mobilité et l’alimentation comme deux gisements prioritaires à adresser. « L’enjeu principal des entreprises est de décarboner les trajets domicile-travail. Le bureau de demain y joue un rôle, que ce soit à travers le renforcement du stationnement pour les véhicules électriques, l’incitation au covoiturage entre collègues ou les subventions invitant à remplacer la voiture individuelle par un mode plus propre. On peut aussi encourager les salariés à utiliser des tiers-lieux près de chez eux. »
Côté alimentation, ce sont les opérateurs de la restauration collective qui se mettent à proposer des repas moins carnés, font appel à des produits locaux et de saison, incitent les collaborateurs à venir avec leurs contenants. Les start-ups proposant de nouvelles solutions ne sont pas en reste, à l’instar de Pyxo, qui installe des distributeurs de contenants réutilisables dans les entreprises et crée l’écosystème favorable à leur acceptation dans le quartier, en discutant avec les commerçants.
Pour éviter de se noyer dans cet océan de priorités, Solène Loyer Fontana invite à bien comprendre les pratiques des utilisateurs : « Chez Wavestone, on a étudié leur comportement et on s’est rendu compte que les écrans présents dans les salles n’étaient mobilisés qu’une fois sur deux. On a donc investi dans un bel écran à roulettes qu’on déplace à la demande. C’est mieux que de laisser la technologie plomber le bilan carbone de l’opération ».
5. Utiliser le bureau comme tremplin du changement
Le bureau peut constituer un tremplin aux évolutions des mentalités et comportements. D’abord, en étant conçu d’une manière qui va rendre naturels les bons gestes, comme le tri sélectif. C’est aussi un cadre propice aux actions de sensibilisation et d’incitation à la réduction du bilan carbone des salariés, au travail comme à la maison. « Il existe un “green gap”, un décalage en matière de pratiques environnementales, entre ce que l’on veut faire et ce que l’on fait vraiment. Changer ses habitudes n’est pas si simple. Un opérateur de bureaux partagés me confiait récemment avoir du mal à réduire à 19° la température de ses locaux car les occupants s’attendent à se sentir à l’aise en chemise ou en T-shirt au bureau », confie David Canonge.
Alors que faire ? Les entreprises peuvent réduire ce fossé en pariant sur la dynamique collective. Elles peuvent aider les salariés à identifier ce qu’ils font déjà au jour le jour et ce qu’ils veulent mettre en œuvre de nouveau pour améliorer leur bilan carbone. « Le fait d’avoir un objectif d’équipe qui compile les engagements individuels est stimulant », affirme David Canonge. Qu’il s’agisse d’aménagements visibles ou d’actions pédagogiques pour initier aux bonnes pratiques, le bureau en tant que lieu de vie a tout pour être une pièce maîtresse de l’engagement des entreprises en faveur de la planète.
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Article édité par Ariane Picoche, photos : Thomas Decamps pour WTTJ
Inspirez-vous davantage sur : Camille Rabineau
Consultante spécialiste des nouveaux modes d'organisation et de l'aménagement des espaces de travail
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