Retour au bureau : 5 conseils pour redorer l’expérience du présentiel
20 nov. 2024
6min
Consultante spécialiste des nouveaux modes d’organisation et de l’aménagement des espaces de travail
Plus que jamais, soigner l’attrait de ses bureaux est devenu un enjeu majeur des entreprises, soucieuses de favoriser le retour sur site de leurs collaborateurs. Notre experte Camille Rabineau nous dévoile les démarches à privilégier pour voir les efforts en ce sens payer.
Il y a comme un petit air de fin de récré. L’écho des premiers licenciements pour excès de télétravail gronde outre-Atlantique. Ici et là, le cadre se durcit : c’est une journée qu’on supprime, des règles qu’on ajoute. L’accès au télétravail devient un nouveau motif de combat social. Si, dans la plupart des entreprises françaises, le travail dit hybride se maintient, protégé par des accords et la crainte de voir les talents s’évaporer, le mal est fait : devoir pointer au bureau revêt un goût de contrainte. Un rappel de la relation asymétrique qui relie le salarié à l’employeur.
Pourtant, dire que le bureau offre des avantages aux salariés n’est pas qu’un slogan. Confort, convivialité, séparation nette des sphères personnelle et professionnelle… les collaborateurs eux-mêmes en reconnaissent les gains. Alors comment faire pour redonner au bureau de son attrait, plutôt que d’être perçu comme un repoussoir ? Quelles sont les bonnes pratiques et services à privilégier pour offrir la meilleure expérience du bureau à ses équipes ? Et comment rendre ce lieu vivant, même en cas de présence sporadique ? Tour de piste des conseils et retours d’expérience pour redonner au bureau ses lettres de noblesse.
Quand bureau rime avec autoritarisme
Accepter ou partir : tel semble être le message auquel se résignent les employés américains confrontés au durcissement du télétravail. D’après une enquête, les trois quarts des entreprises américaines ont du mal à faire appliquer leur politique en la matière. Si bien que la moitié s’apprêterait à resserrer davantage la vis en 2025. Une approche autoritaire qui, jusqu’à présent, a du mal à rencontrer un fondement scientifique. De nombreux managers ressentent, certes, les effets négatifs d’un éloignement géographique sur la créativité, la cohésion d’équipe ou l’apprentissage, qui méritent d’être pris en compte.
Mais les dernières recherches peinent à étayer ces ressentis. Nicholas Bloom, professeur à Stanford qui étudie le télétravail depuis des dizaines d’années, a piloté une recherche auprès de l’agence de voyages en ligne, Trip.com. À sa demande, l’entreprise a attribué aléatoirement deux, trois ou aucun jour de télétravail à ses 1 600 recrues. Et au bout d’un an, le constat est clair : les différences ne sont pas significatives en matière de productivité ou de promotion. En revanche, le nombre de démissions est plus élevé pour le groupe n’ayant pas eu accès au télétravail.
De quoi encourager à tirer un trait sur le bureau ? Rien n’est moins sûr. Ces résultats prouvent que les entreprises ont progressé en matière de télétravail, si bien que ce dernier n’est plus un obstacle à leur fonctionnement. Pour autant, dirigeants et salariés restent, pour la plupart, attachés à ce lieu qui donne chair à l’entreprise, à son collectif et ses valeurs. Ainsi, 50 % des salariés voient le bureau comme un lieu de vie où ils aiment passer du temps, d’après une étude Paris Workplace de 2023. Mais pas à n’importe quelles conditions…
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5 incontournables pour donner à vos salariés l’envie de (re)venir au bureau
Pour redorer l’image du bureau auprès des salariés et leur faire vivre une expérience qui vaut la peine d’être vécue même après une heure de trajet, voici cinq mesures qui feront la différence selon moi.
Conseil n°1 : créez les conditions d’un lieu vivant, même déserté
La semaine en « dos de chameau » (trois creux, deux bosses) est un casse-tête pour les entreprises. Qu’il soit à peine occupé ou plein comme un œuf, le bureau doit être agréable et fonctionnel. Il faut d’abord assurer une ambiance chaleureuse et accueillante même quand une poignée de salariés se battent en duel. Après tout, si un collaborateur prend la peine de se déplacer, ce n’est pas pour se retrouver isolé comme à la maison, n’est-ce pas ?
Pour remplir cet objectif, deux actions ont principalement la côte :
- Créer de vastes espaces multi-usages stratégiquement positionnés : autant de lieux vers lesquels les salariés présents vont converger, pour un café ou lire leurs e-mails. Ainsi, 47 % des salariés trouvent particulièrement attractifs les bureaux pensés sur les codes de l’hôtellerie, selon la 11e édition du baromètre Paris Workplace Ifop-Société foncière lyonnaise. Une approche plébiscitée pour ses espaces sur-mesure et protéiformes, ainsi que pour son sens de l’attention : même si une seule personne se présente au bureau, elle sera accueillie et considérée, si un office manager est là pour lui offrir un café et prendre de ses nouvelles.
- Personnaliser l’espace et prêter attention aux détails : c’est la fin de la standardisation. Les salariés apprécient des lieux uniques, dont les couleurs et la décoration incarnent l’entreprise, mais aussi les différentes équipes qui la composent. Dans certaines entreprises, des œuvres d’art sont installées pour inviter à flâner dans l’espace et être inspiré par son environnement. Le but : se sentir dans son élément, même en l’absence de collègues.
Conseil n°2 : faites du bureau un cocon
C’est tout le paradoxe : les entreprises réduisent les mètres carrés pour tenir compte de la baisse de l’occupation, tout en voulant que les salariés reviennent. Cette contradiction appelle à une application prudente des concepts d’aménagement qui reposent sur la réduction des postes de travail. Une fois que le curseur est descendu trop bas, les employeurs n’ont pas d’autres choix que de réguler la présence sur site. De plus, le télétravail nous a habitués à travailler dans un environnement calme selon nos propres règles. Notre tolérance à l’activité des autres a pu diminuer, comme le montre Vincent Cocquebert dans son essai La civilisation du cocon. Le travail hybride a démultiplié notre activité téléphonique et de visioconférence, générant de nouvelles gênes sonores au bureau.
En charge de l’expérience employé dans une multinationale, Lucie (1) a réduit son dispositif de télétravail à un jour par semaine il y a quelques mois. Aujourd’hui, ce besoin d’isolement apparaît à ses yeux comme le gros challenge du retour au bureau. « La difficulté à se concentrer dans l’open space ressort. Dans une optique de réaménagement des espaces de travail aujourd’hui, on offrirait davantage de solutions pour s’isoler. » Bulles, alcôves, cabines : le succès des mobiliers permettant de se mettre en retrait à la demande atteste de ce besoin massif. Les salariés veulent bénéficier d’un bureau vivant… seulement quand ils le décident.
Conseil n°3 : travaillez les rituels comme de la dentelle
Pour que les jours de bureau ne soient pas vécus comme inutiles, les interactions sur place doivent tenir leurs promesses. Faire vivre de bons moments entre collègues, produire des discussions fructueuses… en bref, ces tranches de vie qui créent le plaisir au travail et soudent les relations professionnelles font toute la différence. C’est pour cette raison que la majorité des projets d’aménagement de l’espace de travail profitent de l’occasion pour retravailler le fonctionnement des équipes : à quelle fréquence se réunit-on ensemble au bureau ? Pour quoi faire ? Est-ce efficace ? Qu’est-il possible d’améliorer ?
Une réflexion qui n’a notamment pas échappé à Lucie et son grand groupe. « On a beaucoup travaillé autour des rituels d’équipe, sur le mieux travailler ensemble. Désormais, on mentionne, par exemple, dans les agendas les jours où quelqu’un vient de l’extérieur, les anniversaires… » Une pensée structurante qui évite de laisser le partage de l’information aux seules pauses café, au risque que celles-ci ne finissent par envahir les journées de présentiel ou ne laissent qui que ce soit de côté.
Conseil n°4 : prenez les « perks » au sérieux
Corbeilles de fruits, babyfoots et animations sur le lieu de travail ont longtemps été moqués. Ils étaient le signe d’une culture toxique, qui camouflait ses dérives managériales derrières des goodies fun et colorés. Seulement voilà : on traîne moins des pieds pour revenir au bureau quand le (bon) café est gratuit. Ces « à-côtés » prennent de la place dans l’appréciation que portent les salariés sur leur bureau. Et suscitent même des vocations.
Dans certains immeubles de bureaux multi-occupants ou coworkings, des « experiences managers » pratiquent ainsi le latte art, programment des dégustations de chocolat, des défis sportifs et quizz musicaux, en même temps qu’ils assurent la réparation des fuites d’eau. C’est le cas de Jordan Debreuil qui anime Upon, un immeuble pluri-entreprises aux portes de Paris. Selon lui, loin d’être anecdotiques, ces services (accueil, conciergerie…) sont de vrais réducteurs de charge mentale. « Certains salariés font de gros horaires et mon rôle est de leur faciliter la vie. Je peux comprendre qu’ils n’aient pas le temps de prendre en charge certaines tâches du quotidien, comme le pressing. Et il n’est pas rare que pour tel ou tel service, les salariés se déplacent même sur leur jour de télétravail. »
Conseil n°5 : faites du bureau le sujet de tous
Difficile de demander aux salariés de s’approprier le bureau s’ils ne peuvent pas formuler ce qui les aide à s’y sentir bien. L’une des clés de la réconciliation avec le bureau est donc l’invitation à le co-construire, dans une recherche d’amélioration permanente. Retour d’expérience après un déménagement, élaboration de règles et bonnes pratiques pour vivre ensemble, co-conception d’un nouvel espace… les possibilités sont nombreuses pour impliquer les salariés et leur montrer que leurs conditions de travail ne sont pas qu’un carcan.
Pour Lucie, c’est l’opportunité de s’assurer d’un système gagnant-gagnant. « Une règle ressentie comme une contrainte, comme la présence au bureau, peut être contrebalancée par des marques de confiance et d’autonomisation sur les façons de travailler », constate-t-elle. Une philosophie que partage Jordan Debreuil : « Proposer des services et animations au bureau, c’est tout faire pour que les salariés ne voient pas ce dernier comme une punition. Si l’employeur impose des contraintes, de l’autre côté, il doit aussi proposer du bonus pour que les salariés viennent d’eux-mêmes. »
Parce qu’il incarne matériellement la relation à l’entreprise, le bureau est un moyen puissant de faire passer des messages aux salariés. Créer par son biais les conditions d’une entreprise dynamique, respectueuse des besoins, attentionnée et tournée vers le dialogue, c’est mettre toutes les chances de son côté pour que les collaborateurs prennent pleinement conscience des bénéfices d’y revenir.
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(1) Le prénom a été modifié.
Article rédigé par Camille Rabineau et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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