Présidentielles : 10 propositions pour un monde du travail vraiment égalitaire
17 févr. 2022
4min
Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes
Journaliste, conférencière et autrice spécialiste de la vie professionnelle des femmes
À l’approche des élections présidentielles, le collectif d’expertes « Femmes et Travail » s’est formé autour, notamment, de Lucile Quillet, Laetitia Vitaud, Sarah Zitouni, Elise Fabing, Maïmonatou Mar et Clara Moley. Leur objectif ? Améliorer les conditions et la reconnaissance du travail des femmes. À travers cette tribune, elles interpellent aujourd’hui les candidat.es déclaré.es avec un programme en dix propositions pour faire progresser et atteindre l’égalité Hommes/Femmes dans le monde professionnel, en un mandat. Un seul.
Si on laisse faire, on en a pour 136 ans. C’est l’horizon de temps nécessaire selon le Forum économique mondial pour atteindre l’égalité Hommes-Femmes dans le monde de façon spontanée. « Spontané », c’est trop lent, absurde, injuste pour les futures générations, mais surtout injuste pour les femmes.
Étonnamment, le travail des femmes est un angle mort de la campagne présidentielle, alors que toutes les analyses et outils nécessaires au changement sont connus. Cet état de fait est insupportable pour nombre d’entre nous, qui vivons ces inégalités dans notre quotidien professionnel, car :
Être une femme au travail, c’est voir ses compétences sous-estimées, se heurter inlassablement au plafond de verre parce que considérée comme moins légitime et disponible, et rester écartée des postes décisionnaires.
Être une femme au travail, c’est voir son métier moins bien rémunéré, en gagnant 28,5% de moins en moyenne qu’un homme et être considérée, en conséquence, comme le salaire d’appoint, pilier invisible de la société, sans droits ni reconnaissance.
Être une femme au travail, c’est courir le risque d’être harcelée sexuellement sur son lieu de travail, souvent dans la plus grande indifférence.
Être une femme au travail, c’est devoir s’ajuster aux besoins de la famille (temps partiel, arrêt de travail, aidants) et s’épuiser physiquement et psychiquement à remplir une double voire triple journée (tâches domestiques, éducation des enfants, soin à la famille), dans un monde du travail qui ignore les problématiques d’équilibre de vie.
Être une femme au travail, c’est être sur-representée dans des métiers essentiels (professions du care, caissières, aides soignantes, infirmières, employées d’EHPAD, aides à domicile, femmes de ménage, agentes d’entretien), mais subir la précarité et le risque de pauvreté.
Être une femme au travail, c’est devoir assurer seule l’arrivée d’un nouveau-né pendant huit semaines de congé maternité obligatoires contre seulement sept jours obligatoires pour le père/deuxième parent, perpétuant la stigmatisation de la maternité en entreprise.
Et pour toutes ces raisons, être une femme au travail, c’est, en plus, manquer de temps et d’énergie pour connaître ses droits, les faire valoir ou savoir se défendre face aux abus !
Le bien-être et la stabilité de notre pays passe par le travail des femmes. Il s’agit d’un sujet hautement politique, qui concerne directement 50% de la population et le reste par ricochets. Mais il est surtout à la fois un enjeu économique et de société. L’ignorer est une faute politique. Les candidat.es à la présidentielle doivent se positionner. En cinq ans, la volonté politique peut tout changer.
Les réponses existent, elles sont simples, concrètes, efficaces. En voici dix. Désormais, candidat.es, à vous de vous en saisir !
Proposition n°1 : Imposer la transparence des salaires en entreprise par type de poste et compétences requises, afin de rendre incontournable le principe « À travail égal, salaire égal ».
Proposition n°2 : Conditionner l’obtention des aides d’État et la participation aux marchés publics des entreprises au respect des lois pour l’égalité professionnelle que sont la loi Copé-Zimmermann (40% de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance) et la loi Rixain (30% de femmes parmi les cadres dirigeants et les instances dirigeantes d’ici 2027, 40% d’ici 2030 pour les entreprises de plus de 1 000 salarié·es), ainsi qu’à la publication des notes obtenues de l’Index de l’égalité professionnelle.
Proposition n°3 : Renforcer l’obligation pour les entreprises d’informer leurs salarié·es sur leurs droits au travail (harcèlement, retour de congé maternité, salaire, etc.), de façon régulière, loyale, exhaustive et évidente.
Proposition n°4 : Imposer une condamnation minimale de six mois de salaire bruts versés à la victime en cas de harcèlement sexuel, moral ou de discrimination (contre seulement 7 100 euros en moyenne actuellement pour le harcèlement moral). Afin de protéger les professions à majorité féminine qui sont les plus précaires, la condamnation minimale de six mois de salaire prévue en cas de licenciement abusif doit être appliquée sans critère d’ancienneté.
Proposition n°5 : Constituer des Ordres à l’initiative de l’État et ratifier les Conventions progressives de l’Organisation Internationale du Travail pour défendre les professions du lien (petite enfance, vieillesse, nettoyage, etc) et faire plus généralement de la valorisation des métiers essentiels majoritairement féminins et précarisés une priorité, via l’accès à des emplois décents mieux rémunérés et protégés, des ressources pour accéder et défendre ses droits, un système de formation accessible (financement et indemnisation, pédagogies, remplacement) et la reconnaissance des compétences en certifications professionnelles.
Proposition n°6 : Remplacer les congés paternité et maternité par un seul et même congé « nouveau parent » d’une durée égale (huit semaines obligatoires, jusqu’à seize semaines facultatives) pour le parent 1 et le parent 2.
Proposition n°7 : Faire de l’accueil petite enfance, qu’il soit collectif ou individuel, un droit pour les parents d’enfants de 0 à 3 ans et permettre ainsi aux femmes de ne pas avoir à sacrifier leur vie professionnelle en quittant le marché du travail pour pallier le manque de ressources publiques.
Proposition n°8 : Créer pour chacun des parents un congé parental longue durée de 240 jours, fractionnable et valable jusqu’aux 6 ans de l’enfant, rémunéré à 80% du salaire, inspiré du modèle suédois.
Proposition n°9 : Instaurer un « droit à l’équilibre de vie », reprenant la Charte de la parentalité en entreprise de l’Observatoire de la qualité de vie au travail, dans la prolongation du droit à la déconnexion existant afin de créer une culture du travail inclusive et conciliable avec une vie personnelle.
Proposition n°10 : Intégrer au programme de l’éducation nationale et aux compétences socles du Code du travail (insertion professionnelle, et vie sociale, civique et culturelle) des cours « d’apprentissage de l’autonomie » qui intègrent l’éducation domestique (primaire), la gestion financière, les bases du droit du travail (collège).
Attendre 136 ans n’est pas une fatalité. Cinq ans peuvent suffire à tout changer.
Alors, qu’attendons-nous ?
Vous partagez les idées défendues par « Femmes et Travail » ? Découvrez la pétition « Candidat.es, au boulot ! » pour porter leurs 10 propositions dans le débat public. Et pour en apprendre davantage sur les femmes qui composent ce collectif, découvrez-en plus ici !
Fondatrices du collectif Femmes et Travail : Elise Fabing, avocate en droit du travail ; Lucile Quillet, journaliste et autrice ; Maïmonatou Mar, entrepreneuse sociale et fondatrice de Gribouilli ; Clara Moley, lobbyiste et autrice ; Laetitia Vitaud, autrice et éditorialiste ; Sarah Zitouni, stratège et autrice.
Signataires : Anne-Cécile Sarfati, Insaff El Hassini, Sandra Fillaudeau, Léonore de Roquefeuil, Cédric Rostein, Josephine Py, Alice Barbe, Priscillia Ludosky, Ophélie Latil, Judith Aquien, Selma El Mouissi, Souad Boutegrabet, Chantal Nicole Drancourt, Sarah Durieux, Inès Leonarduzzi, Pauline Rochart, Sciences-po au féminin…
Inspirez-vous davantage sur : Laetitia Vitaud
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