Matrice RACI : comment la réussir en 6 étapes ?
06 déc. 2022
5min
GB
Journaliste
Vous voulez formaliser l’organisation de votre équipe, comprendre qui fait quoi dans votre projet entre Gérard, Maxime, Adeline et Albert ? Votre allié pour y voir clair porte le nom de matrice RACI.
Grâce à cet outil, vous schématisez le travail d’un groupe, mais aussi déterminez les rôles et les responsabilités de chacun. Un travail digne de l’architecte dans le film Matrix avec beaucoup moins d’effets spéciaux derrière. L’idée vous fait rêver ? On vous guide dans la matrice. Attention toutefois, devenir un maître du RACI est un chemin semé d’embûches et dans cet univers constitué de tableaux excel, l’agent Smith n’est jamais très loin pour tout faire capoter…
Étape 1 : Maîtriser les définitions du RACI dans un projet
La matrice RACI est un acronyme anglais qui rassemble les termes : responsible, accountable, consulted, informed. C’est beaucoup moins sexy que Néo et Trinity, mais la formule n’en est pas moins terriblement efficace dans la gestion de projets. Voici comment comprendre ces termes en français.
- Responsible pour responsable opérationnel : il réalise la tâche et est responsable de son exécution.
- Accountable pour approbateur : il vérifie et valide l’achèvement d’une mission.
- Consulted pour consulté : il conseille durant l’exécution.
- Informed pour informé : il est informé sur l’avancement de la mission.
La matrice utilise ces quatre fonctions piliers comme les fils conducteurs pour cadrer les rôles et responsabilités des différentes personnes qui travaillent sur un projet. Vous pouvez utiliser le RACI pour créer un tout nouveau processus, mais aussi vous en servir pour diagnostiquer l’efficacité d’une organisation déjà mise en place, comme on le ferait lors d’un audit.
Les quatre points à vérifier pour une bonne matrice RACI :
- Chaque tâche dispose d’au moins un responsable opérationnel
- Chaque tâche dispose d’un seul contrôleur
- Il n’y a pas de personne sans responsabilité dans la matrice
- Il n’y a pas de personne avec trop de responsabilités dans la matrice.
Étape 2 : Se plonger dans les tableaux Excel
Si vous aimez les tableaux Excel, la matrice RACI devrait vous combler, puisqu’il s’agit d’une grille à double entrée. Chaque ligne équivaut à une tâche de votre projet et chaque colonne représente un membre de l’équipe. La case qui relie les deux définit le rôle d’un individu dans le cadre de la mission.
Modèle de base d’une matrice Raci avec l’écriture d’un article pour Welcome To The Jungle:
- Geoffroy ( R ) a pour rôle d’écrire l’article
- Sami (A) vérifie et valide le document
- Émilie ( C ) est consultée pour l’exécution dudit article
- Gérard ( I ) est informé de l’évolution de l’article…
Pour Jean-Michel Moutot, professeur et auteur du livre Méthode de conduite du changement, un RACI efficace élimine les doublons. « La matrice est bien structurée lorsqu’il n’y a pas de redondance de tâches et pas de dilution trop importantes des responsabilités, explique-t-il. Sur les tâches clés, il y a des acteurs qui font l’action et des responsabilités qui sont séparées. »
Attention, votre joli modèle bien structuré peut rapidement se transformer en araignée lorsque les projets s’étoffent. Vous mélangez alors votre RACI avec celui d’autres services, d’autres équipes. C’est le début d’un labyrinthe de responsabilités dans lequel il ne faut pas se perdre… « Ce qui complexifie le RACI, c’est la complexité des organisations », confirme Jean-Michel Moutot. Multinationales, entreprises multi-sites, multi-services, dès qu’il y a le terme « multi » quelque part, dites-vous que votre RACI a toutes les chances de dégénérer en casse-tête.
Étape 3 : Faites évoluer votre modèle avec les variantes RACI-VS et RACSI si nécessaire
Quand les projets deviennent très complexes, il arrive qu’un seul niveau de vérification ne suffise plus. La mission nécessite alors un double quality-check et on fait appel à deux nouveaux rôles dans l’organisation. Votre RACI traditionnel devient alors ce qu’on appelle un RACI-VS.
V pour vérification : dans cette structure, le « V » s’assure que l’ensemble des résultats sont conformes aux critères de qualité. Il intervient en toute fin de mission.
S pour signataire : le « S » est celui qui donne l’accord final. Il supervise l’ensemble du projet et donne, en toute fin de chaîne, le verdict. Il fait figure d’autorité sur l’ensemble de la chaîne.
Autre scénario. Votre matrice fonctionne, mais vous vous rendez compte que les responsables ont du mal à gérer les tâches. Résultat : le travail n’est souvent pas effectué dans les temps. Que faire ? Transformez votre RACI en RASCI et donnez un coup de pouce à vos équipes avec l’arrivée d’un support.S pour support : il est là pour aider dans l’exécution d’une mission, en soutien d’un responsable et offre ainsi une ressource supplémentaire à vos équipes déjà en place. Il peut y avoir autant de support que vous le souhaitez dans une équipe. Il n’est pas un expert qui intervient ponctuellement comme peut l’être le « consultant », mais il intervient directement dans la réalisation. Son but est d’aider à finir le projet dans les délais.
Étape 4 : Quand utiliser un RACI dans un projet et quand s’abstenir ?
Un RACI peut potentiellement s’appliquer à n’importe quel projet. Après tout, vous pouvez vous amuser à décortiquer chacune des actions de vos équipes en déterminant les rôles et les responsabilités. Le (gros) problème, c’est que vous risquez d’y perdre beaucoup de temps… « Le RACI est plutôt une solution de grosse entreprise, insiste Jean-Michel Moutot. Cette matrice a un intérêt quand l’organisation trouve sa puissance dans une forme de reproductibilité des tâches. Si vous avez une start-up, que vous gérez six personnes et que vous commencez à faire un RACI, vous avez plutôt intérêt à vous mettre autour d’une table, discuter et afficher des périmètres de responsabilité relativement simples. »
Dans certains secteurs, le RACI est néanmoins indispensable. « Beaucoup d’études ont par exemple été menées dans la banque, ajoute Jean-Michel Moutot. Il y a des risques financiers qu’il faut contrôler. Il faut s’assurer qu’une personne ne soit pas juge et partie au moment de transférer une somme d’argent. Un acteur doit alors se retrouver en situation de contrôleur et cela doit être normé. » Dans de telles organisations, les questions que soulève un RACI sont donc légitimes. Encore faut-il qu’il soit bien réalisé…
Étape 5 : Construire son modèle RACI sur du concret
Quand vous vous lancez dans un RACI, l’erreur classique est de se baser sur ce que les personnes sont censées faire plutôt que sur ce qu’elles font vraiment. «Ce qui est détaillé dans une fiche de poste ne correspond pas forcément à la réalité du terrain, constate Jean-Michel Moutot. Un bon RACI implique donc des entretiens et des discussions avec les acteurs pour qu’ils ne se contentent pas de réciter leurs missions officielles. »
3 astuces RACI basées sur du concret
- Aller sur le terrain et voir concrètement le travail des personnes engagées
- Croiser les sources d’information pour s’assurer que ce que dit l’un correspond à ce que raconte l’autre
- Ne jamais se fier à des formulaires types remplis par les membres d’une équipe
Étape 6 : Aller plus loin que ce que dit le RACI dans votre management !
Le RACI donne l’impression qu’on met sous contrôle une organisation. Sur votre tableau, vous jouez un peu à Tetris, en bougeant les pièces. Vous transférez les responsabilités de l’équipe A à l’équipe B et votre beau schéma devient plus cohérent. « C’est un outil souvent jugé séduisant par les profils issus des sciences dures et les ingénieurs, confirme Jean-Michel Moutot. On a cartographié, on sait qui fait quoi. Sauf que je n’ai jamais vu une réorganisation fonctionner en se basant uniquement sur un RACI. »
Au sein d’une équipe, le RACI n’analyse en fait que la partie émergée de l’iceberg. Il ne considère pas les facteurs de motivation, les dynamiques internes, tous ces éléments humains qui représentent, eux aussi, la clé d’une performance collective : « En se basant uniquement sur un RACI pour analyser une organisation, le risque est de la faire imploser. Soit le système capote parce que les gens qui composent le collectif ne s’y retrouvent pas en termes de motivation, soit il génère une grosse résistance en interne et il faut totalement le remodeler. Pire, il peut engendrer une baisse de la performance, alors qu’on espérait l’inverse. »
Qu’on se le dise, le RACI a pris un coup de vieux ces dernières années dans les pratiques de management : « Il y a 15-20 ans, cet outil était roi dans les organisations. Beaucoup d’entreprises comptaient sur cette matrice pour automatiser et dématérialiser. En tirant cette corde à fond, on a mis de côté l’aspect humain. Et si l’homme est juste là pour actionner des procédures, on se déconnecte de la nature profonde des êtres humains. Beaucoup de personnes se désengagent. » Si la matrice est encore clé dans l’analyse et une référence quand il s’agit de normer une organisation, il ne faut donc surtout pas s’en contenter. Sous peine de passer à côté des vrais enjeux.
Article édité par Romane Ganneval ; Photo de Thomas Decamps.
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