Thaïlande : bienvenue dans la destination #1 des digital nomads

04 mai 2022

6min

Thaïlande : bienvenue dans la destination #1 des digital nomads
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Élue meilleure destination mondiale pour les “digital nomads” par le site du Club Med mais aussi par Nomadlist, la Thaïlande attire de plus en plus de travailleurs et travailleuses digitaux itinérant·e·s. Plus particulièrement l’île de Koh Phangan. Le pays offre en effet un climat tropical très prisé mais aussi un coût de la vie en dessous des pays occidentaux et une bonne connexion internet.

Aux alentours de 7h, comme tous les matins, les digital nomads (ou “DN”) quittent leurs bungalows ou chambres d’hôtel. Ils enfourchent leurs scooters et longent l’eau turquoise de l’océan, en quête de leur bureau du jour. Sur l’île paradisiaque et ensoleillée de Koh Phangan, au sud de la Thaïlande, en Asie du Sud Est, ils sont partout. Sur les terrasses, ou dans des pièces climatisées avec vue sur mer, dans une ambiance musicale lounge, on les aperçoit les yeux rivés sur leurs écrans. Ils viennent du monde entier et ont décidé de changer radicalement de vie : de troquer sédentarité et routine quotidienne pour parcourir le monde tout en travaillant. Seuls ou en couple, ils se déplacent de hot spot en hot spot du globe à la recherche des plus belles plages et expériences de dépaysement possibles. Et grâce à son cadre idyllique, le faible coût de la vie (15 euros la chambre d’hôtel environ, et des repas entre 3 et 8 euros, ndlr) et sa bonne connexion internet (le réseau du pays est classé parmi les plus rapides de l’Asie, ndlr), la petite île de l’Océan indien attire nombre d’entre eux.

Et elle n’est pas la seule. Phuket, Bangkok et Chiang Mai, trois autres destinations phares, ont permis à la Thaïlande d’être élue pays préféré des digital nomads. Pari gagné pour le Royaume de Siam, donc, qui, en décembre 2020, assouplissait les règles de son “Smart Visa”. Initialement destiné aux entrepreneurs, et permettant de vivre et travailler dans le pays pendant une durée maximale de quatre ans, le Visa est alors devenu accessible aux digital nomads. Un précieux sésame qui n’est pas sans rappeler celui évoqué par le gouvernement indonésien, promettant aux futurs DN jusqu’à 5 ans de tranquillité et d’avantages sur le territoire voisin.

« Je ne pouvais plus gérer les horaires de bureau »

Alice, 32 ans, a justement atterri dans l’île de Koh Phangan avec Antoine, son copain français. Eux ont préféré se contenter d’un visa Covid puis tourisme de deux mois qu’ils ont prolongé d’un mois. Native de Forta Leza, 5e plus grande ville du Brésil, la jeune femme a passé une bonne partie de sa vie au Canada où elle a appris et exercé l’architecture avant de donner une nouvelle orientation à sa vie. « Je ne pouvais plus gérer le stress des clients, les horaires de bureau, la lenteur des projets et de leur concrétisation » se souvient-elle. Pour prendre un nouveau départ, Alice s’est creusée la tête et un jour, alors qu’elle rangeait ses carnets pour faire du tri, elle a eu une révélation. Amoureuse transie des cahiers, ils n’étaient cependant pas compatibles avec le nouveau mode de vie qu’elle rêvait d’embrasser. Au printemps 2019, elle s’achète alors un Kindle et un iPad. « Dans la mesure où je suis bonne en Design, je me suis alors dit que je pourrais créer mes propres agendas », rembobine-t-elle. En novembre 2021, elle se décide alors à lancer son application de planners digital en français - in motion planners - tout en continuant d’exercer l’architecture. Son projet lui permettant de vivre en full remote était né.

De son côté, Antoine, son copain à l’époque dans la communication et le marketing met un peu plus de temps à trouver la bonne formule pour prendre son envol. Après avoir suivi les formations d’Ambroise Debret, le référent français en matière de digital nomadisme, il se lance comme freelance et prospecte des clients en quête de Facebook add. « Je me souviens que je lui avais déjà parlé de la semaine de quatre heures de Timothy Ferris mais il a fallu qu’Ambroise l’évoque dans l’une de leur formation pour qu’il s’y intéresse » s’amuse-t-elle les pieds dans l’eau de Haad Yao, plage où ils ont emménagé. Avant d’atterrir en Thaïlande, ils ont d’abord migré quelques mois au Brésil, puis en France, au Portugal et en Egypte. « C’était une destination simple d’accès en période Covid mais niveau connexion internet, ce n’était pas trop ça » commente-t-elle. Pas étonnant de les retrouver en Thaïlande, pays hyper connecté.

« Une expérience extraordinaire »

Autodictate freelance, Ethan Sayagh est israélien. À 21 ans, il a, lui aussi, décidé de mettre le cap sur le Royaume de Siam, pour le beau temps et le faible coût de la vie. À l’inverse de nombre de jeunes israéliens qui après l’armée, ne font que voyager, Ethan l’hyper actif a misé sur une vie de digital nomad. Développeur full stack, il développe des sites Web de A à Z, de l’interface à la logique commerciale. Une profession qu’il occupe depuis un an et demi, après avoir appris à coder à l’armée. Contrairement à beaucoup de digital nomads qui rythment leur vie comme s’ils occupaient un emploi à plein temps avec minimum six à huit heures de travail par jour, Ethan est moins discipliné. « Je ne mets généralement pas de réveil, je me lève quand je veux, je fais mon sac minutieusement pour ne rien oublier et je cherche un café pour bosser, un lieu cool avec une bonne connexion » détaille-t-il. Salarié en full-remote pour une start-up israélienne, Ethan est relax et s’il peut parfois lui arriver d’avoir le mal du pays, « quand je regarde autour de moi je réalise que je vis quand même une expérience extraordinaire et qu’il faut que je la vive à fond avec toutes les émotions que ça génère, les bonnes comme les moins bonnes », sourit-il en croisant ses mains sur sa tête.

Pour accueillir les travailleurs en son genre à Koh Phangan, il y a bien sûr les très nombreux cafés branchés plantés le long de la route principale de l’île, mais aussi quelques espaces dédiés au coworking. À la tête de plusieurs restaurants, Elie a emménagé à Koh Phangan en 2018 après en être tombé amoureux lors de sa lune de miel. Franco-Américain, il a quitté la Floride pour venir poser ses valises sur l’île paradisiaque et a rapidement fait l’acquisition de plusieurs établissements de bouche. À l’époque, les digital nomads ne représentaient qu’une infime partie des touristes de l’île, qui est désertée dès le début de la pandémie. Seuls les travailleurs en « full remote » restent. Elie et sa femme se disent alors qu’il faut leur faire une vraie place propice à la concentration. Exit donc enfants et animaux. Moyennant quelques centaines de bahts par jour (10 euros) les travailleurs digitaux peuvent s’isoler dans une salle vitrée et climatisée. Maike, 31 ans, compte parmi ceux-là. Digital nomad un peu par hasard, le Suisse a débarqué sur l’île avec son copain en 2019 et quand le Covid 19 est arrivé à Koh Phangan, le web développeur et designer a décidé de rester. « Je suis venu ici et je n’envisage pas de quitter l’île, j’ai l’impression d’être chez moi et en accord avec mon rythme de vie », précise-t-il.

23 000 m2 de coworking à Bangkok

À quelques centaines de kilomètres au nord de Koh Phangan, dans la tumultueuse Bangkok, le ciel est bas et l’humidité monte souvent à plus de 80%. Dans le quartier Shilom, situé au centre-ville, Fabrice et Audrey, deux trentenaires Français, ont dégoté un studio de 35 m2 à la location pour un mois. Ils ont élu domicile dans un grand condominium ultra-moderne de plusieurs dizaines d’étages. Pour actionner l’ascenseur, Audrey ôte brièvement son masque et se positionne face à la caméra. Attenante à une salle de billard haute de plafond et tout en marbre, la bibliothèque de leur immeuble offre une vue panoramique sur la tentaculaire capitale thaïlandaise. Changement radical de décor pour ce couple qui quelques jours plus tôt était encore sur la petite île paradisiaque.

Avant de se lancer dans l’aventure nomade, Audrey faisait du marketing d’influence à Paris en CDI. Il y a trois ans, elle négocie une rupture conventionnelle, et se forme en SEO puis au Google adds « pour augmenter la visibilité de mes clients en SEO », se souvient-elle. Puis elle enfile en plus la casquette de Live mentor. À ses côtés depuis sept ans, Fabrice initialement en finance puis en conseil a peu à peu pris la voie de l’entrepreneuriat. « Moi je n’aime pas forcément la politique de l’entreprise où il faut souvent être dans les petits papiers et avoir les bon social skills pour être promu », admet-il. En parallèle de son CDI il a créé des sites web puis il s’est lui aussi tourné vers les Google adds. Avec leurs quelques clients ils parviennent tous les deux à se tirer des salaires confortables mais, contrairement à d’autres digital nomads, eux travaillent beaucoup. « On ne déménage pas toutes les semaines, l’important c’est d’avoir une vraie stabilité pour bien travailler, précise Fabrice, l’idée n’est pas seulement de financer notre voyage, on voit plus loin. »

À quelques encablures de chez Audrey et Fabrice, The Hive Thongor Bangkok est l’un des très prisés espaces de coworking de Bangkok. Sur plusieurs étages, les travailleurs indépendants louent des bureaux à la journée ou au mois, des salles de réunions, de conférences voire même des locaux pour leurs sociétés. L’ambiance est studieuse et seuls quelques chuchotements s’échappent de certaines pièces. Au sommet, un restaurant branchouille sert des plats sans gluten. Cet après-midi-là, fraîchement débarqué à Bangkok, Ethan s’installe sur la vaste terrasse ombragée pour avaler un morceau avec d’autres DN. Pas de temps à perdre, la pause achevée, il disparaît dans un coin pour un call avec Tel-Aviv.

Ces « nouveaux touristes » de toutes nationalités sont de plus en plus nombreux à atterrir dans la capitale thaïlandaise. Pour les accueillir et leur donner envie de rester, les espaces de coworking ne cessent de s’ouvrir. Pas moins de cinq nouveaux opérateurs dont We Work viennent de s’installer sur dix sites différents pour un volume total de 23 000 mètres carrés. La preuve, s’il en fallait une, de l’ancrage d’une tendance qui séduit autant de nouveaux travailleurs qu’elle ne soulève de questions (et notamment environnementales) sur le futur et la géographie du travail moderne.

Article édité par Clémence Lesacq
Photos par Jack Taylor pour WTTJ

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