Faute professionnelle légère, grave ou lourde : que risque-t-on ?
11 févr. 2019
5min
Ces derniers temps, vous ne vous sentez plus tellement en harmonie avec votre tribu. Absences injustifiées, flirt avec l’entreprise concurrente, clash avec vos collègues ou votre manager… Peut-on vous reprocher une faute professionnelle ? Et, au fond, qu’est-ce que vous risquez ? Pas de panique, on vous remémore le B.a.-ba de la faute professionnelle.
D’ailleurs, que faut-il entendre par « faute professionnelle » ? En fonction de sa gravité, elle fait encourir au salarié qui la commet des sanctions allant de la simple observation écrite, au licenciement disciplinaire. Welcome to the Jungle revient sur les rouages de cette notion juridique souvent mal comprise.
La faute, une notion subjective
« Celui qui n’a jamais péché n’est pas un être humain. Il y a dans la faute une mystérieuse jubilation » - Arni Thorarinsson.
Un agissement considéré comme fautif
Il n’existe ni définition légale de la faute professionnelle, ni liste limitative de ces fautes. Selon l’article L.1331-1 du Code du travail, une faute professionnelle est « un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif ». La faute professionnelle est donc subjective puisqu’elle dépend de la perception de l’employeur. Pour autant, il ne la qualifie pas de manière totalement arbitraire. En cas de litige, le conseil de prud’hommes appréciera « si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction ».
L’insuffisance professionnelle n’est pas fautive
Souvent on définit une notion floue par son contraire. La faute n’est pas l’incompétence. En l’absence de mauvaise volonté délibérée du salarié, « l‘insuffisance professionnelle ne constitue pas une faute ». Ne pas réaliser ses objectifs, ne pas s’intégrer dans sa tribu, manquer d’autorité ou de compétences… ne sont pas des fautes professionnelles. La faute disciplinaire suppose que le caractère défectueux du travail soit lié à la « mauvaise volonté délibérée » du salarié.
Trois types de fautes professionnelles
Un salarié ne peut être licencié que pour faute simple, grave ou lourde, au terme d’une procédure disciplinaire.
La faute légère
La faute légère est sans conséquence sérieuse sur le fonctionnement de l’entreprise. C’est un dérapage occasionnel, une indélicatesse ou un comportement inapproprié à un instant T. C’est le mot de trop que vous avez lancé, maladroitement et un peu alcoolisé, à une soirée d’entreprise. Le plus souvent, cette faute est sanctionnée par de simples observations écrites ou un avertissement.
La faute simple, aussi appelée faute “sérieuse”
La faute simple, aussi appelée “faute sérieuse”, est souvent caractérisée par une erreur ou une négligence délibérée commise par le salarié dans le cadre de son travail.
En voici quelques exemples :
- Un clash avec un collègue, accompagné d’insultes ou de menaces ;
- Le refus de suivre une formation obligatoire (même la plus soporifique) ;
- Le fait de dénigrer ouvertement la politique de l’entreprise ;
- Le fait pour un salarié de rédiger des courriers personnels pendant son temps de travail et aux frais de son employeur…
→ La faute simple peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Dans cette situation, sauf dispense, le salarié licencié effectue son préavis. Il aura également le droit de percevoir des indemnités de licenciement, compensatrices de préavis et de congés payés.
La faute grave
La faute est grave dès lors une violation des obligations du salarié résultant de son contrat de travail. Elle rend impossible son maintien dans l’entreprise et entraîne son départ immédiat.
La faute grave est généralement retenue dans les cas suivants :
- Absences injustifiées ou abandon de poste (non, le premier jour des soldes ne justifie pas votre absence) ;
- Indiscipline ou refus de subordination (avoir un manager détestable n’est pas une excuse) ;
- État d’ivresse pendant les heures de travail…
→ Elle constitue aussi une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Mais, cette fois, le salarié n’a plus de droit de préavis et ne pourra percevoir que des indemnités de congés payés.
La faute lourde
La faute est lourde lorsqu’elle est commise dans l’intention de nuire à son employeur. La preuve de cette intention est à la charge de celui qui l’invoque. À défaut de preuve, elle ne peut pas être reconnue.
Elle concerne notamment les situations de :
- Concurrence déloyale (vous savez… le fameux flirt avec la concurrence) ;
- Vol d’argent ou de matériel ;
- Harcèlement moral ou sexuel (même cette petite blague déplacée que vous pensiez sans conséquence) ;
- Abus du droit de grève (dégradation, violence, séquestration de votre patron)…
→ La faute lourde est sanctionnée par le licenciement du salarié qui sera immédiatement renvoyé sans préavis, ni indemnité.
Faute professionnelle et vie personnelle
Par “faute professionnelle” on comprend naturellement celle commise par le salarié dans le cadre de son travail. Mais qu’en est-il de la faute du livreur arrêté pour conduite en état d’ivresse hors de ces heures de service ? Ou des avances sexuelles faites par un salarié à sa collègue dans le contexte d’une soirée hors les murs ?
Principe : la vie personnelle ne peut être fautive
La Cour de cassation rappelle régulièrement le principe selon lequel « le fait imputé au salarié relevant de sa vie personnelle ne peut constituer une faute ». Un livreur arrêté en état d’ébriété pendant son congé échappe donc à la faute professionnelle.
Aussi, aucun salarié ne pourra être sanctionné en raison de son origine, son sexe, son orientation sexuelle, ses opinions politiques, ses convictions religieuses, son apparence physique… L’employeur ne peut donc pas reprocher une prétendue faute professionnelle qui porterait atteinte à ces libertés, sauf si cela est justifié par « la nature de la tâche à accomplir » et si la mesure est « proportionnée au but recherché ». C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans l’affaire Baby Loup, à propos d’une salariée portant le foulard islamique au travail.
Exception : répercussions de la vie personnelle sur le travail
Par exception, une faute peut découler de la vie personnelle du salarié. Il y a faute professionnelle dès lors que les faits constituent « un manquement de l’intéressé à ses obligations découlant du contrat ».
Les tribunaux apprécient les circonstances de fait au cas par cas :
- Le steward qui consomme des stupéfiants pendant une escale, alors qu’il est en charge de la sécurité d’un vol le lendemain, commet une faute professionnelle ;
- L’utilisation de l’ordinateur de l’entreprise à des fins personnelles peut constituer une faute disciplinaire, en particulier lorsqu’elle a été interdite par le règlement intérieur ;
- Insulter son manager au cours d’une soirée se rattachant à la « vie de l’entreprise » ;
- Des reproches à l’égard de l’employeur ou de l’entreprise écrits sur les réseaux sociaux peuvent constituer une faute disciplinaire ;
- Les avances sexuelles faites à une/un collègue hors du temps et du lieu de travail sont une faute professionnelle…
Sanction : que risque-t-on ?
« Aucun homme raisonnable ne punit pour une faute commise, mais pour empêcher qu’on en commette » - Sénèque.
De la gravité de la faute retenue par l’employeur, dépend la nature de la sanction imputable.
Avertissement et sanction morales
Les sanctions morales n’ont pas d’incidence sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. Cette catégorie de sanctions comprend les observations écrites, le rappel au règlement, l’avertissement. Concrètement, l’employeur notifie par écrit au salarié fautif les griefs retenus contre lui.
Mise à pied
Elle consiste en une suspension du contrat de travail. Le salarié est temporairement écarté de l’entreprise et privé du salaire qu’il aurait gagné en travaillant. La durée maximale de la mise à pied disciplinaire doit être prévue au règlement intérieur. Elle est généralement prononcée pour quelques jours.
→ NB : La mise à pied conservatoire, qui suspend le contrat de travail jusqu’au licenciement, ne peut être prononcée qu’à l’encontre d’un salarié qui a commis une faute grave ou lourde.
Mesures affectant la fonction ou la carrière
- La rétrogradation : elle est la conséquence d’une modification du travail et d’une baisse des responsabilités.
- La mutation disciplinaire : le salarié est placé à un autre poste pour sanctionner un comportement fautif.
- Le refus d’avancement : il s’agit de la privation d’un droit ouvert au salarié par son statut, notamment en raison de son ancienneté.
→ NB : la “mise au placard” n’est pas une sanction disciplinaire. Elle constitue une faute de l’employeur à son obligation de fournir du travail à son salarié. Le contrat de travail pourra être rompu aux torts de l’employeur.
Le licenciement disciplinaire
Lorsqu’il est motivé par une faute du salarié, c’est la plus grave des sanctions disciplinaires. Il provoque l’exclusion définitive du salarié de l’entreprise. Heureusement, toutes les sanctions susmentionnées permettent à l’employeur de l’utiliser en dernier recours.
Dans tous les cas, Il n’y a pas de “casier judiciaire de l’entreprise”. En cas de faute et d’un licenciement, un dossier ne sera pas transmis d’une entreprise à une autre mais n’oubliez pas… les recruteurs communiquent entre eux et tout finit toujours par se savoir !
Si pour La Fontaine, « Gens trop heureux font toujours quelque faute… », mieux vaut être averti de leurs conséquences.
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