Travailler sur les écrans : comment limiter les dégâts sur notre santé ?
28 sept. 2021
7min
Journaliste chez Welcome to the Jungle
Si votre collègue Jean-Marc a les yeux rouges lorsqu’il débarque dans l’open-space, ou qu’il est plié en deux même quand la situation ne prête pas à rire, ce n’est pas forcément dû à un excès de chlore dans la piscine, ni provoqué par une consommation de produits illicites. Comme bien des salariés travaillant huit heures par jour sur leur ordinateur, Jean-Marc souffre d’un mal méconnu et pourtant largement répandu : le syndrome de vision informatique (SVI), dont la fatigue visuelle, les troubles musculo-squelettiques (TMS) et le stress composent le triptyque gagnant. Pas étonnant, puisque selon une étude menée par Nord VPN, nous passons environ 56 heures par semaine connectés sur divers écrans professionnels et personnels. L’équivalent de 122 jours par an ou de 27 ans de nos vies. Mais est-ce grave docteur ? Pour mieux appréhender ce phénomène, nous avons interrogé un ophtalmologiste ainsi qu’une experte en prévention et innovation en santé.
Juste une mise au point
Si vous avez déjà passé toute une journée à binge-reader David Copperfield de Charles Dickens (ok, personne ne fait ça), vous vous en êtes sûrement déjà rendu compte : passer des heures le nez dans un livre fatigue notre vision. Et dans l’absolu, les écrans d’ordinateur ne seraient pas plus à blâmer que nos chers bouquins de papier. « C’est un facteur de confusion, commente Romain Jaillant, docteur en ophtalmologie officiant au centre ophtalmologique de Paris 17. Les gens confondent en général la fatigue du travail sur un ordinateur avec le fait de regarder quelque chose de près en étant très concentré. »
Yeux secs, vision floue, maux de tête, sont généralement l’expression de cette fatigue oculaire. Mais pourquoi ? « Quand vous regardez un écran de près, cela force votre cristallin à s’accommoder, avance le spécialiste. Votre œil fait la mise au point et c’est fatiguant sur la durée. » Et plus nous vieillissons, (ce qui semble plutôt inéluctable) plus ce phénomène s’amplifie : « Notre capacité de mise au point est bien supérieure pendant l’enfance qu’à l’âge adulte où ce genre de symptôme devient vraiment incommodant. » Quant au fait de ne plus distinguer un parcmètre d’un être humain à trente mètres de distance au moment de la débauche, cela s’explique encore par l’habitude du regard de près : « En portant le regard à 30 centimètres toute une journée, le soir venu, vous aurez probablement une vision floue de loin. Avec la fatigue, le focus ne se fera plus aussi facilement. »
Aussi, nos yeux sont parfois si rouges et secs que l’expression “regarder dans le blanc des yeux” se vide même de son sens. Rien d’étonnant à cela, puisque si nous clignons des yeux en moyenne quinze à vingt fois par minute, ce réflexe naturel tombe à six battements de cils lorsque nous nous retrouvons face à un écran d’ordinateur. Or, « cligner des yeux permet de régénérer notre film lacrymal. Lorsque celui-ci ne se renouvelle pas, on a les yeux qui piquent », explique simplement le spécialiste. Mais pas d’inquiétude, quelques ajustements vous aideront à retrouver vos yeux de biche, c’est promis !
Quatre solutions pour améliorer son confort visuel au travail
1. Avoir un set-up parfait
« L’idéal est de placer son ordinateur le plus loin possible des yeux. De cette façon, on réduit la fatigue liée à la mise au point de notre vision. En ce qui me concerne, j’ai un grand écran avec de grands caractères à une distance assez importante. La plupart des troubles s’atténuent en faisant cela », rapporte l’expert. Concrètement, le haut de votre écran doit se situer au niveau de la ligne de vos yeux. Selon la taille de votre l’écran, celui-ci devrait se tenir éloigné de vos yeux de 50 à 70 centimètres.
2. Choisir la bonne luminosité
Avoir un bon éclairage est la seconde recommandation pour éviter les désagréments du travail sur ordinateur. « Travailler dans l’obscurité place l’œil dans un état de mydriase, c’est-à-dire qu’il se dilate pour capter la lumière. Compenser en travaillant avec une luminosité d’écran au maximum accentue cet effet. » Idéalement, le contraste entre la luminosité de l’écran et celle de la pièce doit être réduit au maximum. Placer son écran d’ordinateur perpendiculairement à une fenêtre permet de capter la lumière naturelle de l’extérieur, tout en évitant les reflets.
3. Faire de la gymnastique des yeux
« Il est conseillé de faire des pauses toutes les deux heures et de regarder au loin pour que l’œil se repose et se détache de l’écran. Il est nécessaire de cligner des yeux de façon active pour éviter que ces derniers ne soient irrités. Et on peut se munir de gouttes lacrymales en cas d’inconfort persistant. » Pour suivre ces recommandations, la règle des 20-20-20 peut être un bon moyen de mémorisation : toutes les vingt minutes, regardez pendant vingt secondes à une distance de vingt pieds (environ six mètres). À choisir donc, glissez quelques clins d’œil à votre collègue préféré·e ou demandez-lui de vous verser des gouttes de larmes artificielles dans les mirettes façon Orange mécanique.
4. Porter des lunettes de repos
Enfin, vous pouvez solliciter un ophtalmologue pour réduire la fatigue oculaire et vous faire prescrire des lunettes de repos. « Les verres de repos vont prendre le relais d’une partie de la mise au point et du focus, ce qui réduira l’effort fourni par les yeux. » Quid de la lumière bleue dont on entend beaucoup parler ? Perturbe-t-elle la vue ou occasionne-t-elle une fatigue visuelle supplémentaire ? Sur le long terme est-elle dangereuse ? « Il n’est pas scientifiquement prouvé que l’on augmente le risque d’avoir une DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge, Ndlr) ou une cataracte parce que l’on a passé des années à travailler sur un écran. Chacun place son curseur en matière de principe de précaution. Après, les filtres anti-lumière bleue permettent tout de même de réduire la quantité de lumière globale qui parvient jusqu’à l’œil et jouent donc un rôle dans la réduction de la fatigue. »
L’ordi, le souci du corps et de l’esprit
Il n’y a pas que l’œil qui soit affecté par le travail sur écran, nos corps, maintenus dans la même position des heures durant, souffrent également de cette pratique. Généralement, cela peut provoquer des troubles musculo-squelettiques (TMS), affections touchant en particulier des structures du corps situées à proximité des articulations : le dos et plus généralement les zones supérieures du corps (poignets, épaules, coudes) sont les plus fréquemment atteintes. En 2012, au moins 5% des TMS étaient occasionnées par le travail sur ordinateur. La répétition des gestes, l’immobilité, sont la cause principale des tensions musculaires à l’origine de ces TMS. Mais comment éviter d’abîmer nos corps ?
Aussi, comme la fatigue corporelle ne va pas sans fatigue psychique, il ne faudrait pas oublier que le travail sur écran génère d’autres pépins comme « l’accroissement du stress », commente Cécile Rivoiron, présidente et fondatrice d’Ekipoz, une entreprise qui propose une solution innovante pour favoriser le bien-être et la santé dans la sphère professionnelle. En plus d’exposer à des risques d’addiction, « l’exposition à un écran, voire à plusieurs écrans, altère la concentration et à terme l’efficacité durant l’activité professionnelle », estime la professionnelle. De là, cette sensation de saturation qui nous étreint quelques fois au sortir d’une journée à pianoter sur des touches. Mais pas d’inquiétude, de bons gestes permettent d’atténuer ces effets secondaires du travail numérique.
Les solutions pour préserver sa tête et son corps
1. Avoir un poste de travail ergonomique et une bonne posture
« L’exposition longue aux écrans peut entraîner des risques musculo-squelettiques du fait d’une mauvaise posture », rappelle Cécile Rivoiron. Adapter sa posture et son environnement de travail est donc essentiel. Cela passe par un ensemble de conduites à respecter pour le poste de travail. Par exemple, choisir un clavier inclinable et une souris placée dans le prolongement de l’épaule afin d’éviter l’extension des poignées. Le must en la matière restant la chaise ergonomique et le bureau réglable qui alterne position assise et debout. À défaut, on peut se contenter d’un coussin de petite taille, calé dans le creux du dos. « Pour que le corps ait le moins de tension possible, il faut éviter une position qui mobilise les cervicales ou qui tire un peu trop sur les bras. On doit à tout prix éviter les tensions corporelles ».
2. Rester mobile
Pas simple de bouger lorsqu’on travaille à un poste fixe devant un écran. Pourtant, se lever, ne pas rester assis en permanence à son poste est essentiel pour éviter de développer des risques liés à la sédentarité. « À partir de trois heures par jour en position assise, l’impact est négatif pour la santé », commente l’experte. Or, nous passons en moyenne 7 à 8 heures assis, rien que dans le cadre du travail. Consciente que les usages fluctuent énormément d’un métier à un autre, la spécialiste suggère donc « de passer ses coups de fil en marchant, ou encore de monter et descendre les escaliers pendant la journée ». Autant de réflexes à prendre, pour limiter les dégâts liés à la sédentarité. De plus, bouger permet de réduire le stress occasionné par les écrans. « En quittant son poste pour une petite balade, on va rompre avec l’écran ce qui sera bénéfique sur tous les plans, physique comme mental. »
3. Prendre des pauses
« Cinq minutes toutes les heures sur ordinateur ou quinze minutes toutes les deux heures, en cas d’activité moins intense, recommande Cécile Rivoiron. On sait que notre concentration baisse assez fortement toutes les 25 minutes à peu près, d’où la nécessité de faire des coupures régulières. Ces pauses seront très bénéfiques pour le bien être immédiat et à plus long terme, pour la santé. » Il est possible de ritualiser ses pauses en travaillant sa respiration, estime la spécialiste. L’idée ? prendre conscience de sa pause, par exemple et en toute simplicité, « en faisant un cycle de trois inspirations et expirations le plus lentement possible. » Prenez une pause en allant chercher un café au coin de la rue, et n’hésitez pas à emprunter les escaliers. Votre corps vous remerciera.
4. Éviter les écrans dans la mesure du possible
En revoyant la copie de certaines de nos pratiques, on peut s’apercevoir que le tout numérique n’est pas toujours notre seule alternative. Quelques actions peuvent être mises en place au quotidien assure Cécile Rivoiron : « Il est possible de remplacer des réunions en visioconférence par des réunions au téléphone. C’est moins fatiguant et cela permet en plus de la mobilité. » Une pratique d’autant plus importante pour contrer la “zoom fatigue”, cette lassitude provoquée par l’enchaînement des visioconférences depuis la mise en place du télétravail.
5. Faire des étirements
Pour éviter les douleurs chroniques liées au travail sur écran, s’étirer est aussi une bonne idée. Et ça tombe bien, il est possible d’étirer à peu près toutes les parties de son corps. Une douleur aux poignets après une journée à taper sur un clavier ? Essayez quelques mouvements rotatifs, oui, comme pendant vos cours d’EPS, lorsque vous apprêtiez à tenter une rondade. On peut également et à loisir hausser les épaules vers les oreilles l’air de dire “je m’en fiche” . Tenue sérieusement pendant trois à cinq secondes, cette position permet de réduire les raideurs dans le cou et les épaules. « Les exercices de mobilité musculaire peuvent être réalisés à n’importe quel moment de la journée », précise Cécile Rivoiron.
L’ordinateur reste un outil, ne l’oublions pas. S’il s’est rendu indispensable à nos pratiques professionnelles et personnelles, il nous revient de veiller à un usage réfléchi et avisé de celui-ci. Incrimine-t-on un tournevis pour les ampoules qu’il peut occasionner ? À l’heure du tout numérique, travailler hors des écrans lorsqu’on est salarié de bureau relève d’une douce utopie. Se prémunir contre les effets néfastes de ces derniers est primordial pour épargner notre vision, notre concentration et préserver nos corps et nos esprits.
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Photo by WTTJ
Édité par Romane Ganneval
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