Cinq compliments vs une seule critique : découvrez le biais de négativité
10 mars 2020
2min
Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes
NOUS SOMMES TOUS BIAISES - C’est un fait : nous sommes tou·te·s victimes des biais cognitifs. Vous savez ces raccourcis de pensée de notre cerveau, faussement logiques, qui nous induisent en erreur dans nos décisions quotidiennes, et notamment au travail. Dans cette série, notre experte du Lab Laetitia Vitaud identifie les biais à l’oeuvre afin de mieux comprendre comment ils affectent votre manière de travailler, recruter, manager… et vous livre ses précieux conseils pour y remédier.
Explication
À niveau d’intensité égal, les choses négatives (interactions, événements, pensées, remarques…) ont plus d’effet sur notre état psychologique que les choses positives. Cognitivement et émotionnellement, le biais de négativité nous fait donner plus d’importance à ce qui est négatif qu’à ce qui est positif. Par exemple, il nous faudrait au moins cinq compliments pour compenser une critique.
Dans une étude de 2001 intitulée « Bad is stronger than good », plusieurs chercheurs ont montré que nous cherchons davantage à préserver notre réputation (éviter le négatif) qu’à en construire une nouvelle (chercher le positif). Si dans la mythologie et la fiction, les forces du bien l’emportent (presque) toujours sur les forces du mal, dans la réalité du cerveau humain, il est plus fréquent que le mal l’emporte.
Les chercheurs voient dans le biais de négativité un biais d’évolution de l’espèce : nous prêtons instinctivement plus d’attention à ce qui peut menacer notre survie. Les hommes / femmes préhistoriques faisaient plus attention aux bruits signalant la proximité d’un prédateur qu’à ceux venant des petits oiseaux qui chantent. Nous avons gardé ce biais « bon pour la survie », mais, hélas, il est souvent mauvais pour la santé.
Dans le monde de l’entreprise, ce biais est bien connu : on sait à quel point un événement négatif peut détruire rapidement la réputation d’une entreprise. Les conséquences d’une affaire sur une marque peuvent être dévastatrices. Il faut parfois des années de bonnes actions pour compenser un événement négatif (scandale financier, problème d’hygiène, etc.)
Conséquences pour les ressources humaines
Ce qui est vrai de la marque consommateur est vrai aussi de la marque employeur. Il suffit d’un.e manager toxique, d’un scandale de harcèlement ou d’un cas de burn-out pour endommager durablement votre marque employeur.
La marque employeur d’une entreprise comme Uber en a fait les frais en 2017 quand une employée a publié un billet de blog sur le harcèlement dont elle a fait l’objet pendant son année chez Uber. Malgré le départ de son CEO et de nombreux dirigeants et deux années d’efforts pour redresser sa réputation, Uber souffre encore d’une image de sexisme. La marque consommateur a aujourd’hui le même problème : en décembre 2019, Uber a révélé avoir enregistré près de 6 000 agressions sexuelles par des chauffeurs aux Etats-Unis en deux ans. Bien que ces incidents ne concernent que 0,00002% des courses, comme l’a remarqué un représentant d’Uber, l’impact sur l’image est désastreux.
En matière de RH, les cas de harcèlement, aussi minoritaires soient-ils, ont un effet de contagion particulièrement dommageable : ils n’influencent pas seulement la performance des victimes, mais également celle de leurs collègues directs.
Comment y remédier ?
Il est essentiel d’avoir conscience du biais de négativité pour mener des politiques RH efficaces. Un.e seul.e « sale con.ne » peut à lui / elle seul.e pourrir la culture de votre entreprise. Dans Objectif zéro sale con (Vuibert, 2010), Robert Sutton exploite la recherche en management pour démontrer que les managers doivent créer un environnement de travail « garanti zéro sale con ». Cela implique de ne pas valoriser chez les candidat.e.s les qualités qui peuvent ressembler à de l’arrogance et de ne tolérer aucune mauvaise action (harcèlement).
En entreprise, le biais de négativité est lié à la culture. Pour remédier aux conséquences les plus néfastes de ce biais, il est important de cultiver une plus grande attention aux choses positives :
- en célébrant collectivement toutes les petites (et grandes) victoires (ventes, embauches, travail bien fait…)
- en cultivant la gratitude (dire merci, remarquer et complimenter le travail bien fait…)
Inspirez-vous davantage sur : Laetitia Vitaud
Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l'âge et du travail des femmes
Demande d’augmentation : pourquoi c'est important de ne pas culpabiliser vos salariés
« Culpabiliser ses salariés en temps de crise, c'est le mauvais calcul à éviter ! »
14 nov. 2024
7 avantages pour faire la différence auprès des métiers non télétravaillables
Horaires flottants, prime de mobilité... Laëtitia Vitaud nous livre sa liste des avantages à offrir aux salariés ne pouvant pas télétravailler.
12 nov. 2024
Fake quitting, resenteeism... ces 10 tendances RH qui bousculent le monde du travail
Notre experte Laetitia Vitaud revient sur ces anglicismes qui traduisent les tendances, plus ou moins neuves, qui gravitent au sein de l'entreprise.
05 nov. 2024
Repenser le contrat de travail : l’indispensable pour (enfin) fidéliser la gen Z ?
« Les jeunes ne voient plus le CDI comme le Graal qu’il a pu être pour leurs aînés, il est essentiel de leur offrir un autre "contrat". »
01 oct. 2024
« L'âge compte, au travail comme à Matignon et à la Maison Blanche »
Notre experte Laëtitia Vitaud pointe le subtil équilibre à trouver entre la lutte contre l'âgisme et la considération des impacts de l’âge au travail.
17 sept. 2024
Inside the jungle : la newsletter des RH
Études, événements, analyses d’experts, solutions… Tous les 15 jours dans votre boîte mail.