JO : 5 leçons de grands champions français applicables au monde de l'entreprise
18 avr. 2024
6min
Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes
Le sport, et particulièrement le sport de haut niveau, est une inépuisable source d'inspiration pour les organisations. À l’approche des Jeux Olympiques, notre experte Laetitia Vitaud s’est inspirée du parcours de cinq champions de l’Hexagone pour en tirer un apprentissage marquant, applicable au monde de l’entreprise.
Sport et management : voilà un mariage qui plaît ! Les coachs sportifs et les athlètes sont largement plébiscités pour animer des conférences en entreprise. Dans la bouche des managers, les métaphores sportives deviennent parfois des clichés éculés. Mais la quête de performance et l’esprit d’équipe continuent de se nourrir des comparaisons tirées du sport de haut niveau car… c’est une nourriture de qualité. Son langage universel -qui transcende les âges et les cultures- en fait un modèle d’excellence et de dépassement de soi auquel on aime se référer. À bien des égards, les méthodes d’entraînement des grands sportifs sont une mine d’informations et de bonnes pratiques utiles pour le monde du travail. Boxe, judo, handball, breakdance et décathlon, découvrez la preuve par cinq de perles d’athlètes, dont le travail et la discipline (dans tous les sens du terme) ont bien des choses à apprendre à l’entreprise.
Leçon n° 1 : Estelle Mossely, ou les indispensables rôles modèles pour plus de diversité
Boxeuse combattant en poids léger (moins de 60 kilos), Estelle Mossely est la première Française sacrée championne du monde après un titre olympique (Rio, 2016), après avoir débuté la discipline à 12 ans, en découvrant la boxe par hasard à la télé. Aujourd’hui, elle souhaite devenir « un exemple » pour les autres. « J’ai de l’exposition, peut-être la plus grande parmi l’équipe qui va concourir pour les Jeux et si d’autres peuvent en bénéficier, ça me fait plaisir de partager ça avec eux », explique-t-elle lors du gala de boxe de l’IBA Champions’ Night à Paris.
Et pour cause, ce n’est que depuis 2012 que les femmes boxeuses ont le droit de participer aux JO. Pendant très longtemps, les clichés sexistes ont dominé la discipline : « Ce n’est pas pour les femmes », « Cela les enlaidit »… Autant dire que les barrières culturelles étaient immenses ! Mais depuis quelques années, ce sport séduit des femmes par milliers, à travers une démarche qui se veut plurielle et inclusive : « À chacun sa boxe. » La fédération française de boxe compte désormais 27 % de licenciées, c’est plus que le nombre de développeuses informatiques dans les départements IT des entreprises.
La leçon à retenir ? Combien d’univers professionnels non mixtes pourraient profiter de la leçon d’Estelle Mossely ? Beaucoup de ceux où les hommes continuent de s’imposer comme dans la finance, le bâtiment, l’énergie ou encore l’IT, où la féminisation est freinée par des stéréotypes. Résultat ? Il devient impossible pour les femmes de se projeter dans un univers peu accueillant pour elles. Les rôles modèles, à l’inverse, incarnent cette possibilité grâce au processus d’identification, et jouent, de fait, un rôle essentiel pour augmenter la diversité.
Leçon n°2 : Estelle Nze Minko, quand un bon leadership mène votre équipe au sommet
La capitaine des handballeuses françaises, Estelle Nze Minko, n’est pas seulement une athlète exceptionnelle, elle est aussi une leadeuse inspirante, d’où son statut de capitaine ! Celle qui a dirigé son équipe vers le titre de championne du monde 2023, joue un rôle aussi important en dehors du terrain que dedans. À l’approche des JO de 2024, l’entraîneur des Bleues compte sur le leadership d’Estelle pour mener l’équipe de France à la victoire. « C’est le soldat qui prend le drapeau, parce que le porte-drapeau est mort, qui traverse le pont sous les balles et dit aux autres : suivez-moi mes amis, on va traverser le pont ! C’est un guide », affirme ainsi Olivier Krumbholz.
Pour remporter des victoires en handball, plusieurs éléments sont cruciaux : une communication efficace sur le terrain pour coordonner les actions, une défense solide pour contrer les attaques adverses, une attaque créative pour marquer des buts, ainsi qu’une cohésion d’équipe et une confiance mutuelle. Un leadership fort s’avère donc essentiel pour galvaniser l’équipe et la mener vers la victoire. Sur le terrain, la capitaine est une joueuse expérimentée et influente qui motive ses coéquipières, donne des instructions tactiques et prend des décisions rapides.
La leçon à retenir ? Sur le terrain comme en entreprise, le choix du capitaine (ou du manager) par le sélectionneur est essentiel. Pour une équipe, le talent individuel ne suffit pas, il faut la capacité à inspirer, influencer et guider les autres vers l’accomplissement d’objectifs communs. Un manager notamment doit savoir cultiver une culture organisationnelle qui valorise le leadership, le partage des connaissances et la collaboration pour permettre l’épanouissement des talents.
Cultiver votre marque employeur, c'est faire grandir vos équipes.
Leçon n°3 : Danis Civil, quand l’innovation disruptive à la marge mérite de s’intégrer
Danis Civil, alias Bboy Dany Dann, est champion de breakdance. Après avoir remporté la médaille d’or des Jeux européens de 2023, il s’est qualifié pour les JO où la discipline est présente pour la première fois de son Histoire. Danis n’aurait peut-être pas quitté sa Guyane natale s’il n’avait pas découvert le breakdance -cette danse née à New York dans les années 1970, fruit de jeunes Afro-Américains et Latino-Américains exprimant leur créativité à travers des mouvements acrobatiques et des figures au sol bien rythmées. À l’origine, Danis (comme le breakdance) n’avait ni fédération, ni infrastructure, ni soutien ! Sa créativité et sa position marginale ont nourri une innovation radicale qui l’ont mené au sommet de son art.
Théorisée par l’économiste américain Clayton Christensen, l’innovation disruptive se réfère à l’émergence de nouveaux produits ou services qui bouleversent les marchés existants, en répondant à des besoins non satisfaits des clients, souvent en proposant des solutions plus simples, moins chères ou plus accessibles que celles offertes par les entreprises établies. Cette forme d’innovation peut transformer radicalement les industries et les entreprises en perturbant les modèles d’affaires traditionnels et en créant de nouveaux marchés.
La leçon à retenir ? L’innovation vient de la marge, mais il est essentiel d’apprendre à l’intégrer ! Cela n’a rien d’évident en raison du dilemme de l’innovateur : ce défi auquel font face les entreprises lorsqu’elles doivent choisir entre améliorer leurs produits ou services existants pour satisfaire leurs clients actuels, ou investir dans de nouvelles innovations risquées mais potentiellement révolutionnaires. Or, il faut favoriser une culture de l’expérimentation et l’intégration de personnes différentes, voire marginales, pour se laisser la possibilité de développer les produits et talents de demain.
Leçon n°4 : Clarisse Agbegnenou ou l’importance de rester ouvert au changement pour réussir dans un monde incertain
Clarisse Agbegnenou est une championne de judo franco-togolaise. Elle possède l’un des plus beaux palmarès du judo mondial, avec un nombre de titres impressionnants. Après être devenue mère en 2022, elle revient à la compétition, avec la pugnacité qui la caractérise. En plus de leçons sur le jonglage maternité / sport de haut niveau, Clarisse offre une belle leçon d’agilité liée à sa discipline.
Au judo, les pratiquants acquièrent effectivement une compétence essentielle consistant à utiliser la force et l’élan de leur adversaire à leur avantage. Cette capacité repose sur une compréhension profonde des principes de l’équilibre, de la gravité et de la cinématique. Plutôt que de s’opposer directement à la force de l’adversaire, les judokas apprennent à diriger cette force de manière stratégique, en utilisant des techniques de déséquilibre, de déviation et de contournement pour renverser l’adversaire ou le contrôler sur le tatami. Cette adaptation constante aux mouvements et aux situations changeantes leur permet de s’adapter rapidement à un environnement imprévisible, une compétence transférable qui est également précieuse dans l’entreprise.
La leçon à retenir ? Être capable de s’adapter aux défis RH, aux évolutions du marché, aux nouvelles technologies et à tous les défis imprévus, c’est ce qui permet de prospérer et de durer ! Pour être agile dans l’entreprise, il faut favoriser une culture organisationnelle qui encourage la flexibilité et l’adaptabilité. Dit autrement une culture de l’apprentissage continu qui permet aux salariés de tester de nouvelles idées et de tirer des leçons de leurs échecs, pour s’adapter plus rapidement aux changements de leur environnement.
Leçon n°5 : Kevin Mayer, le pari des multipotentiels pour diversifier les compétences de vos talents
Kevin Mayer est double champion du monde du décathlon, une épreuve d’athlétisme composée de dix épreuves différentes se déroulant sur deux jours : sprint sur 100 mètres, saut en longueur, lancer du poids, saut en hauteur, courses sur 400 mètres et 110 mètres haies, lancer du disque, saut à la perche, lancer du javelot et course de fond sur 1 500 mètres. Les athlètes marquent des points en fonction de leurs performances dans chaque épreuve, et celui qui totalise le plus de points à la fin des dix épreuves est déclaré vainqueur. Pour être sur le podium dans l’une des épreuves les plus exigeantes de l’athlétisme, il faut être à la fois fort, rapide, endurant, technique… Bref, il faut avoir des compétences et des forces multiples !
Et si notre monde d’incertitude obligeait les entreprises à miser davantage sur des profils moins spécialistes, forts dans plusieurs disciplines et capables de faire des tas de choses, et à former leurs salariés à des compétences différentes ? Les multipotentiels et autres « slashers » mériteraient d’être mieux valorisés dans les organisations, qui ont longtemps préféré les profils dits « spécialistes ».
La leçon à retenir ? Une plus grande polyvalence des salariés permet à l’entreprise de s’adapter à différents défis et situations. Elle favorise l’innovation et la résilience. Investir dans le développement professionnel et la formation continue des salariés, c’est finalement construire des équipes prêtes à relever les plus grands défis d’un monde incertain.
Article rédigé par Laetitia Vitaud et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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