6 pratiques pour rendre une entreprise plus inclusive pour les personnes LGBT+

20 juin 2024

6min

6 pratiques pour rendre une entreprise plus inclusive pour les personnes LGBT+
auteur.e
Barbara Azais

Journaliste freelance

contributeur.e

En plus de contribuer au bien-être de leurs salariés LGBT+, les entreprises instaurant une politique de diversité et d’inclusion augmentent naturellement leur compétitivité. Du gagnant-gagnant ! Voici comment créer un environnement plus inclusif.

« J’ai dû m’assumer en tant que minorité sexuelle dans le monde du travail, raconte Stéphane(1), 33 ans, DRH dans la finance. Aujourd’hui, je vérifie dès l’entretien d’embauche qu’il s’agit d’un environnement inclusif. Je n’hésite pas à dire que j’ai un conjoint par exemple. Si la personne en face est détachée, je comprends que c’est un non-sujet. Si au contraire elle a un rictus, je me dis que c’est peut-être quelque chose à creuser ». Si les candidats s’intéressent autant à la politique de diversité et d’inclusion des entreprises, c’est que malgré des avancées positives, le climat au travail reste encore préoccupant pour les personnes LGBT+.

Selon un sondage Ifop réalisé pour l’association L’Autre Cercle, qui accompagne les entreprises vers un management inclusif, 3 employés LGBT+ sur 10 auraient déjà été victimes d’au moins une agression sur leurs lieux de travail, 1 sur 4 déclare avoir été discriminé par sa direction, et 1 sur 2 a déjà entendu des expressions LGBTphobes au travail : comme « fais pas ta tapette ». De nombreux biais inconscients LGBTphobes perdurent dans l’environnement professionnel, et révèlent les préjugés et idées préconçues qui persistent encore dans la société. « Deux collègues masculins ont déjà fait mine d’être amoureux en exagérant leur gestuelle et leur façon de parler pour rigoler, raconte Diane, 33 ans, développeuse transgenre chez Letsignit. Ça m’a mise mal à l’aise car ça suggérait qu’une relation entre deux hommes était forcément ridicule ».

Taire sa vie privée pour se préserver

Ce qui pourrait s’apparenter à des « blagues de mauvais goût » pour certains, « envoie un signal hostile, continue Diane. Les gens ne disent pas directement qu’ils sont LGBTphobes, mais on le constate dans leurs sous-entendus ». Ce qui pousse beaucoup de salariés LGBT+ à taire des détails de leur vie privée, que les hétérosexuels partagent pourtant sans crainte.

« On pourrait croire que l’orientation sexuelle d’une personne est de l’ordre du privé, mais la vie familiale s’invite souvent en entreprise dans les discussions entre collègues, explique Églantine Tancray, CEO du cabinet de recrutement inclusif Taylor River. Les personnes homosexuelles font moins facilement de small talk à ce sujet : parmi celles qui vivent en couple, 70% ont déjà omis volontairement de faire référence au sexe de leur partenaire sur leur lieu de travail ». Selon le baromètre de L’Autre cercle, 53% des personnes LGBT+ estiment que leur entourage professionnel n’a pas besoin de savoir qu’elles appartiennent à cette communauté, 34% ne se sentent pas prêtes à l’assumer au travail et 30% redoutent des moqueries, jugements ou rumeurs de la part de leurs collègues. « Quand on est hétérosexuel, ce n’est pas un sujet de parler de sa vie privée au travail : on n’a pas peur du jugement des autres ou de subir une agression. Mais les personnes LGBT+ font attention et se sentent moins libres ».

L’inclusion, un atout compétitif pour les entreprises

Au-delà d’un mal-être profond et des répercussions sur la santé, se réfréner et ne pas être soi-même au travail impacte aussi l’engagement et la productivité. Si les employeurs ont une obligation de sécurité envers leurs salariés (L4121-1 à L4121-5 du Code du travail), leur imposant d’assurer leur santé mentale et physique, que ce soit en cas de harcèlement moral, sexuel ou encore violences physiques ou morales, il est aussi dans leur intérêt, notamment financier, d’instaurer un environnement inclusif.

En garantissant le bien-être de leurs talents LGBT+ elles favorisent naturellement leur engagement au travail, leur motivation, leur créativité, leurs performances et donc leur productivité. Une étude menée par le réseau Deloitte (2020) a démontré que les salariés des entreprises inclusives réalisent jusqu’à 30% plus de CA individuel. 80% des dirigeants et DRH sont par ailleurs convaincus que la diversité et l’inclusion sont des avantages compétitifs. Un constat fait également par l’Indice mondial Diversité et Inclusion, qui « mesure de manière transparente et objective la performance relative de plus de 5 000 entreprises » et qui a observé que les plus inclusives sont mieux côtées en bourse.

6 pratiques pour une culture plus inclusive

1. L’engagement officiel et public

Créer un environnement de travail inclusif passe par la reconnaissance sincère de l’existence et des besoins des personnes qui ne se reconnaissent pas comme hétérosexuelles et/ou cisgenres. Les entreprises souhaitant s’engager de façon significative dans cette voie peuvent signer la Charte d’engagement LGBT+ de l’association L’Autre Cercle lancée en 2013 en présence et avec le soutien du Ministre du Travail, de la Ministre chargée de l’Égalité entre les Femmes et les Hommes, et du Défenseur des Droits.

Les signataires s’engagent ainsi pendant 3 ans à « sensibiliser et former les managers, collaborateurs et collaboratrices sur les enjeux liés à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre », à « créer un environnement de travail respectueux et bienveillant » sans stéréotypes, blagues et propos discriminatoires, ou encore à « soutenir la création/développement de réseaux internes LGBT+ » et à « communiquer sur leur engagement en interne et en externe ».

Plus de 250 organisations publiques ou privées ont déjà signé cette charte, parmi lesquelles AXA France : « Notre engagement s’illustre également par de nombreuses autres contributions ces dernières années, détaille Helicia Chalon, attachée de presse du groupe. Comme la signature de la tribune “Agissons collectivement pour un monde plus inclusif”, la contribution, auprès de l’Autre Cercle, au guide VOILAT sur l’inclusion et la visibilité ou l’invisibilité des femmes lesbiennes au travail, ou encore un partenariat avec TÊTU CONNECT et L’Autre Cercle pour partager des bonnes pratiques et bénéficier de celles d’autres entreprises ». Cela peut également passer par la mise en place de partenariats avec des associations ou des institutions œuvrant pour l’égalité des droits et la lutte contre la LGBTphobie.

2. Le discours inclusif

On parle souvent de l’écriture inclusive, mais l’inclusion doit aussi se ressentir dans le langage verbal courant des personnes qui composent l’entreprise. Notamment dans le discours de la direction, des managers et des RH : toujours selon l’étude Deloitte, 40% des dirigeants et DRH estiment en effet que la Direction Générale doit être le principal sponsor de la diversité et de l’inclusion.

Avoir un discours inclusif implique de chasser certains réflexes inconscients qui suggèrent que l’hétérosexualité est la norme, comme dire automatiquement à un employé « ta compagne/ta femme » ou à une salariée « ton compagnon/ton mari ». Le langage inclusif est aussi important en entretien car cela signifie tout de suite aux candidats que leur orientation sexuelle et/ou leur identité de genre n’est pas un sujet. « Quand je parle de la vie en interne et de la culture de l’entreprise aux candidats, j’essaye de placer des petites infos exclusives au sujet des personnes en situation de handicap ou du télétravail mis en place pour les personnes qui font le ramadan par exemple, explique Stéphane. Je dis aussi “que vous ayez une conjointe ou un conjoint”. J’ai un discours très ouvert qui laisse à penser que la personne n’aura pas à appréhender d’envoyer son certificat de mariage homosexuel aux RH ! »

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3. La diversité des titres de civilité

La diversité des titres de civilité en dit également long sur les valeurs d’une entreprise, notamment parce qu’elle n’enferme pas les salariés dans la seule probabilité d’être un homme (Monsieur) ou une femme (Madame, Mademoiselle). « Nous publions toujours des offres d’emploi avec l’abréviation ‘H,F,X’, explique Eglantine Tancray. Cela montre que le poste (et donc l’entreprise) est ouvert aux personnes ne se reconnaissant pas comme cisgenres ». La diversité des titres de civilité est une initiative qui peut également s’étendre aux documents administratifs de l’entreprise, afin de laisser le choix aux employés de renseigner eux-mêmes ce qui leur convient le mieux, plutôt que d’être assignés automatiquement à un genre et à un titre qui ne sont pas les leurs.

4. Les droits et avantages sociaux

A cela s’ajoute la prise en compte des besoins spécifiques des personnes LGBT+ en termes de congés parentaux, de mutuelle ou encore de prévoyance : « afin qu’ils et elles ne renoncent pas à mettre le nom de leur partenaire sur leur mutuelle ou à demander un congé parental », précise Julien Hamy, consultant en diversité et inclusion et responsable du projet de baromètre LGBT+ 2024 pour L’Autre Cercle.

5. Se rendre visible et accompagner

Les entreprises souhaitant renforcer leur politique d’inclusion peuvent aussi accompagner les personnes transgenres lors de leur coming out et dans leur parcours de transition. C’est ce que Capucine Roche, CEO de Letsignit, a fait lorsque Diane a fait son coming out trans sur LinkedIn. « Comme c’était une annonce publique, je me suis permise de lui en parler et lui ai demandé spontanément si elle voulait changer de prénom et de dénomination sur les chats et les outils utilisés dans l’entreprise (il pour elle/ Monsieur pour Madame, ndlr). Une initiative très appréciée par la salariée : « Ça m’a soulagée car je ne l’aurais pas fait aussi rapidement de moi-même, explique-t-elle. Ça aurait été une difficulté de plus de devoir le demander et de faire face à l’immobilisme. J’aurais aussi eu peur de déranger et de donner du travail supplémentaire à quelqu’un pour ça ».

En plus de se rendre visibles (et plutôt que d’en faire trop, ou pas assez), les responsables peuvent simplement demander à leurs salariés concernés ce dont ils ont besoin. « J’ai prévenu Diane que je ferai sans doute des maladresses du fait que je n’avais encore jamais géré ce genre de situation, mais que j’étais ouverte et qu’elle pouvait me faire part de ses besoins, explique Capucine Roche. J’ai aussi informé la direction générale et embarqué le directeur technique avec moi. Le tout sans en faire trop, afin d’en faire un non-sujet ». La normalisation de ce genre d’annonce par les personnes de l’entreprise est importante pour les personnes concernées : « Beaucoup de gens sont maladroits et nourrissent mon anxiété sans le vouloir, explique Diane. Je préfèrerais qu’ils considèrent ça comme quelque chose de banal ». Depuis son coming out, la développeuse a pris la parole devant ses collègues pour leur parler de la transidentité et son entreprise a prévu un show drag pour son séminaire annuel afin de sensibiliser à la cause trans.

6. Les sanctions et mesures disciplinaires

Enfin, quel meilleur moyen d’affirmer son engagement et rendre sa culture sincèrement inclusive que de sanctionner les dérapages ? L’entreprise ne doit pas hésiter à se positionner lorsque l’un de ses salariés LGBT+ subit de la discrimination. Cela passe par des avertissements, des mesures disciplinaires, mais aussi de l’information et de la sensibilisation.


Le prénom a été modifié

Article rédigé par Barbara Azais, édité par Alix Mardon, photo par Thomas Decamps pour WTTJ

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