Productivity porn : l’abus de tips de productivité est dangereux pour la santé ?

15 juin 2021

5min

Productivity porn : l’abus de tips de productivité est dangereux pour la santé ?
auteur.e
Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

« Coucou, tu veux voir ma to-do ? » Pour ceux qui ne connaissent pas encore, le productivity porn, ce sont tous les contenus offrant des conseils pour améliorer sa productivité au travail. Sur LinkedIn (et ailleurs), les grands gourous spécialistes de l’optimisation de soi vantent leurs techniques en partageant leur histoire personnelle. Leurs conseils vont de l’alimentation (« maquereau = oméga 3 = brain food ») à l’heure à laquelle il faudrait se lever pour mieux travailler. De là à mettre son réveil à 5:00 et démarrer la journée avec une bonne tartine de poisson, il n’y a qu’un pas. Dans un flux permanent, le productivity porn vous conseille en vrac : de faire une pause toutes les 45 minutes, de consulter votre boîte e-mail deux fois par jour maximum, de maîtriser tous les raccourcis clavier de votre ordinateur, de couper les notifications sur votre portable, etc. Bref, de devenir une meilleure version de vous-même.

Vous avez déjà testé trois méthodes différentes pour mieux gérer votre temps ? Vous avez des sueurs froides à l’idée de quitter votre boulot avec trois mails non lus ? Vous avez une dizaine de livres sur la productivité (et pire, vous les avez classés par thématique) dans votre bibliothèque ? Aïe, vous êtes peut-être déjà accro à ces contenus censés vous rendre plus efficaces. Mais rassurez-vous, vous pouvez toujours mettre un terme à cette addiction.

L’addiction à la productivité : plus de mal que de bien ?

Organisation des tâches, gestion du temps, automatisation… la liste des sujets couverts par le productivity porn est aussi large qu’exotique. Mais tous partagent un objectif commun : mieux organiser son temps de travail pour mieux gérer sa vie. Une ambition louable, et profondément humaine : « À mon humble avis, la recherche de productivité est une quête plutôt saine et noble. Après tout, l’Homme a toujours voulu être plus efficace et heureux, et c’est ce qui a permis le progrès scientifique et humain », explique Martin Kurt, auteur de 15 trucs pour ne plus procrastiner sur le site d’Atlantico.

Les méthodes de productivité permettent d’améliorer sa concentration, de faire le tri entre le nécessaire et le superflu, ou simplement d’optimiser des tâches à faible valeur ajoutée. Alors, où est le problème ? La quête de productivité est problématique quand elle devient un objectif en soi. À terme, les addicts de cette optimisation en oublient pourquoi ils cherchaient à gagner en efficacité : consacrer plus de temps à leur famille, leurs amis, leurs passions,… Le risque ? Travailler plus, plus longtemps, et se transformer en véritable « workaholic ». D’un point de vue médical, la dépendance s’installe lorsqu’une personne adopte un comportement agréable, mais que son action devient compulsive au point d’interférer avec sa vie normale : son travail, ses relations, sa santé. Comme n’importe quel toxicomane, l’accro à la productivité n’est pas toujours conscient que son comportement est incontrôlable.

D’autant que chercher à optimiser sa productivité fait parfois simplement perdre plus de temps que cela n’en fait gagner. Car collectionner les méthodes et les outils peut aussi devenir contre-productif. Si vous avez déjà passé deux heures à créer un tableau Excel qui vous permettra de gagner huit secondes chaque semaine, sentez-vous concerné(e). Le productivity porn serait ainsi une manière de procrastiner sans culpabiliser. En cherchant à optimiser leurs tâches, certains cherchent - consciemment ou non - à repousser le moment de les exécuter. Eh oui petit malin, vous trompez peut-être votre bonne conscience… mais pas nous.

Arrêtez d’être productif, arrêtez d’être efficace : soyez efficient

Pour contrer les effets pervers de la productivité porn, penchons-nous quelques secondes sur les termes productivité, efficacité et efficience : si ces trois notions semblent proches, leur nuance fait justement toute la différence. La productivité a pour finalité de réaliser une quantité importante de travail, quant à l’efficacité, elle met en avant la performance afin d’atteindre un but fixé. Une personne efficace ne se soucie pas uniquement de réaliser une grande quantité de travail, mais d’atteindre un objectif précis. Quid de l’efficience ?

L’efficience, c’est un peu le Graal. Elle n’est pas incompatible avec la productivité et l’efficacité, mais une personne efficiente cherche avant-tout à atteindre ses objectifs en produisant le moins d’efforts possibles. Ou en tout cas, en mettant la juste quantité d’efforts nécessaire. Bref, elle cherche à travailler plus intelligemment.

Comment tirer le meilleur du producitivity porn ?

Le Rocco Siffredi de la productivité, Thomas Franck - à la fois YouTuber, auteur et entrepreneur - partage des centaines de conseils, de méthodes et d’astuces sur sa chaîne pour nous aider à « construire des habitudes solides, arrêter la procrastination et les distractions, et apprendre à se concentrer sur son travail pour être plus efficace ». Sacré programme ! Parce que - malgré tout - ces contenus, s’ils sont bien utilisés, peuvent avoir un impact puissant sur notre vie professionnelle. Voici quelques conseils pour en tirer le meilleur sans se noyer.

  • Une chose à la fois. Évitez de mettre en place trop de nouvelles routines en même temps. Au contraire, laissez le temps à une méthodologie / une application / un conseil de devenir une habitude avant de vous concentrer sur le suivant.

  • Ne gardez que les routines positives. Non, tout le monde ne devrait pas vivre un « miracle morning » et se lever à 5 heures du matin pour méditer et lire un livre avant de travailler. Concentrez-vous sur les bonnes habitudes de productivité qui vous conviennent réellement.

  • Limitez le temps que vous passez à chercher à en gagner. Cela ressemble à une astuce de productivité, mais surveiller le temps que vous passez sur du productivity porn vous permettra de voir si vos recherches vous font réellement gagner du temps. Pendant un mois, mesurez le temps passé à lire et regarder des contenus liés à la gestion du temps : lesquels en valaient vraiment la peine ?

  • Adoptez l’apprentissage « juste-à-temps ». Ne consommez que les informations dont vous avez besoin pour accomplir une tâche. Cette approche vous encourage à collecter des informations uniquement lorsque vous en avez besoin, plutôt que de les amasser et de vous éparpiller dans les méthodes et les conseils inutiles à court terme.

  • Acceptez de ne pas être un super-héros. La recherche de productivité ne s’arrête pas au monde professionnel, et finit souvent par déborder sur les centres d’intérêts, le couple, les relations amicales,… Accordez-vous la possibilité de ne pas toujours sur-performer dans tous les aspects de votre vie, elle vous dira merci.

Aujourd’hui, les astuces de productivité s’échangent comme des cartes Pokémon : « Explique-moi comment tu automatises ta boîte mail et je te montrerai quel outil j’utilise pour gérer mes to-do. » Comme tout comportement addictif, la recherche de productivité est problématique lorsqu’elle devient obsessionnelle. Avant tout, gardez en tête que le mieux est l’ennemi du bien : il y aura toujours un gourou de la productivité pour vous indiquer une nouvelle et meilleure façon d’organiser votre vie. Mais est-ce vraiment nécessaire de fractionner et organiser toutes vos tâches dans huit to-do lists distinctes ? Parfois, une façon de faire - même si elle pourrait être optimisée - est suffisante pour être efficace. Aucun système n’est parfait, et c’est sans doute mieux comme ça.

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Article édité par Romane Ganneval
Photo by WTTJ

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