L’autodérision : l’arme des sages en entreprise ?

Avez-vous déjà remarqué que personne ne peut vous ridiculiser lorsque vous avez ri de vous-même en premier ? Si l’humour est déjà une belle qualité, l’autodérision est un véritable pouvoir. Au travail, c’est même une arme qui peut vous sortir des situations les plus délicates !

Et bonne nouvelle, l’autodérision, c’est comme les abdos : cela se travaille (et cela fait moins transpirer qu’une série de burpees spéciale « bikini body »). Alors découvrez aujourd’hui les bienfaits de l’autodérision au travail, et quelques conseils pour bien l’utiliser.

L’autodérision : une véritable self therapy !

L’autodérision a le pouvoir de transformer les maladresses, les erreurs et les échecs en une inépuisable source d’amusement. Mais ce n’est pas tout, c’est une pratique à la fois bénéfique pour le corps, et pour l’esprit.

Car l’autodérision, c’est comme la compagnie Créole : c’est bon pour le moral. D’après le Dr Arnie Cann, chercheur en humour (oui, c’est un métier), prendre l’habitude de rire de soi (et de rire tout court) booste l’optimisme… qui à son tour renforce la résilience et nous permet de nous épanouir face à l’adversité. Se moquer de ses propres difficultés libère la pression de la poursuite d’une perfection inaccessible.

Pourtant, pendant longtemps l’autodérision a été associée à des traits psychologiques négatifs, comme l’anxiété, le stress et une faible estime de soi. Ce n’est que récemment que la science a pu démontrer l’inverse : « Nous observons qu’une plus grande tendance à utiliser l’autodérision indique des scores élevés dans les dimensions du bien-être psychologique, le bonheur et, dans une moindre mesure, la sociabilité », explique Jorge Torres-Marín, l’un des auteurs de l’étude.

Et si l’autodérision fait du bien au moral, ses bénéfices vont au-delà. Le rire est un véritable feu d’artifice d’hormones, qui inondent le corps et le cerveau. Rire libère de la dopamine, renforce le cœur, augmente le flux sanguin, booste les défenses immunitaires. Entre nous, pourquoi vous imposer deux séances à la salle de sport chaque semaine alors qu’il suffit de regarder Le Dîner de Con, pour un effet similaire ?

Rire de soi peut-il booster votre carrière ?

Spoiler alert : l’humour et le rire sont intimement liés aux questions de pouvoir et de statut. L’autodérision n’est donc pas simplement un outil pour se sentir mieux, c’est aussi une aptitude bien utile pour gravir les échelons.

Alors que tous les leaders (et leaders en devenir) se rassurent : admettre vos lacunes et vos difficultés est loin de faire de vous une personne vulnérable, bien au contraire ! Des recherches suggèrent que les managers qui savent rire d’eux-mêmes sont considérés comme plus sympathiques, dignes de confiance, humbles et attentionnés. Cette combinaison magique de conscience de soi et de confiance - nécessaires à l’autodérision - minimise les différences de statut entre vous et votre équipe, et aide à susciter l’adhésion. Troquer votre ego contre un environnement de travail apaisé, c’est un bon deal, n’est-ce pas ? Voilà, vous pouvez donc avouer à votre stagiaire de 19 ans que vous ne savez pas comment enregistrer une pièce jointe dans un Drive.

L’autodérision est également une belle manière de faire une pirouette… ou détourner une interaction sociale inconfortable. Une étude de la Harvard Business Review révèle ainsi qu’une personne est perçue comme plus agréable ET plus compétente lorsqu’elle révèle une information négative sur elle-même en utilisant l’humour, que lorsqu’elle la divulgue de manière sérieuse. Une information partagée avec une pointe d’autodérision paraît moins vraie, moins importante. Pensez-y la prochaine fois que vous bourrez l’imprimante du bureau pour la troisième fois de la semaine.

De la même manière, l’autodérision est un bon moyen de couper l’herbe sous le pied à une personne mal intentionnée. C’est une technique qui surprend, qui désarçonne. Les philosophes stoïciens recommandent d’ailleurs, depuis toujours, d’utiliser l’autodérision comme réponse aux insultes. Note à vous-même : à tester la prochaine fois que vous ferez face à ce collègue un peu jaloux qui n’attend qu’une chose : révéler au grand jour que vous avez envoyé un e-mail truffé de fautes à tous vos clients.

Quelques conseils pour devenir Grand Maître de l’autodérision au travail

Vous l’aurez compris, il est toujours moins désagréable de s’auto-critiquer que d’être critiqué par les autres. Mais comment BIEN user de l’autodérision ? Quelques conseils pratiques.

• Prenez l’habitude de chercher le comique dans les situations désagréables. Oui, la vie professionnelle est ponctuée d’erreurs, de maladresses, de mésaventures gênantes. Mais ressasser les difficultés apporte rarement des solutions. Alors qu’en rire offre de la légèreté et rend ces petites et grandes épreuves plus faciles à supporter.

• Trouvez la juste dose d’autodérision pour ne pas vous mettre en danger. En multipliant démesurément les blagues sur vous-même, vous finirez par être perçu comme une personne pessimiste, peu sûr d’elle. Vous pouvez vous enfermer dans un rôle de victime, dont il sera difficile de sortir. Comme toujours, trouver le bon équilibre est un art délicat.

• Soyez attentif à ce que l’autodérision ne cache pas un mal-être plus profond. Les chercheurs qui s’intéressent à cette facette de l’humour notent qu’elle peut indiquer une forme de colère réprimée, d’insécurité. Si vous vous moquez de vous à chaque fois que vous échouez, vous risquez de ne jamais gérer les véritables problèmes.

• Utilisez l’autodérision sur des sujets annexes à vos compétences. Aimeriez-vous entendre votre chirurgien rire de sa « maladresse incorrigible » ? Non. De la même manière, concentrez vos tentatives d’autodérision sur des sujets qui ne remettent pas en cause votre expertise dans un domaine que vous êtes censé maîtriser.

• Prêtez attention aux éventuels dommages collatéraux. Plaisanter sur vos poignées d’amour post-raclette, devant ce collègue qui ne trouve plus de ceintures à sa taille depuis plusieurs années serait indélicat. Même si votre trait d’humour est dirigé contre vous, vos interlocuteurs peuvent se sentir directement visés.

L’autodérision est finalement une manière détournée d’utiliser la compassion pour accepter l’imperfection. Se moquer de soi, c’est admettre ses failles avec bienveillance… mais surtout, c’est inviter ceux qui nous entourent à le faire aussi.

Article édité par Aurélie Cerffond, photo Thomas Decamps pour WTTJ