Comment le biais d'échantillonnage vous induit en erreur
07 janv. 2020
2min
Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes
NOUS SOMMES TOUS BIAISES - C’est un fait : nous sommes tou·te·s victimes des biais cognitifs. Vous savez ces raccourcis de pensée de notre cerveau, faussement logiques, qui nous induisent en erreur dans nos décisions quotidiennes, et notamment au travail. Dans cette série, notre experte du Lab Laetitia Vitaud identifie les biais à l’oeuvre afin de mieux comprendre comment ils affectent votre manière de travailler, recruter, manager… et vous livre ses précieux conseils pour y remédier.
Explication
Un échantillon est biaisé quand le groupe d’individus censés représenter une population ne permet pas de tirer des conclusions fiables sur cette population car les individus ont été sélectionnés de manière non représentative.
Ce biais est le principal problème des instituts de sondage. En 1936, lors de l’élection présidentielle américaine, alors que l’art du sondage était encore balbutiant, le magazine Literary Digest a appelé deux millions de numéros de téléphone pour interroger les gens sur leurs intentions de vote. La prédiction qui en est sortie s’est hélas révélée à côté de la plaque (alors pourtant que 2 millions, c’est un échantillon gigantesque !) parce que les gens qui possédaient un téléphone à l’époque n’étaient pas représentatifs de la population. En moyenne plus riches et plus urbains que l’ensemble de la population, les possesseurs de téléphone étaient un échantillon biaisé. À la même période, George Gallup fit une prédiction correcte concernant l’élection à partir d’un petit échantillon de 50 000 personnes qu’il avait pris soin de rendre représentatif de la population américaine.
Aujourd’hui statisticiens et sociologues connaissent bien les problèmes liés aux biais d’échantillonnage. Pourtant, les enquêtes et études y restent exposées. Bien que tous les individus (ou presque) disposent aujourd’hui d’un téléphone, les sondages téléphoniques restent fortement biaisés car les personnes qui répondent au téléphone pour ces sondages sont souvent plus âgées, moins actives et plus disponibles que la population dans son ensemble.
En fait ce sont les sondages reposant sur la bonne volonté des répondants qui souffrent du même biais car le fait même de répondre à un sondage représente un filtre en soi. Ceux qui ne répondent pas ne sont pas représentés. On parle alors de « biais d’auto-sélection ».
Conséquences pour les ressources humaines
Comme le marketing, les départements des ressources humaines effectuent des études dont la qualité dépend des échantillons sélectionnés. Seuls des résultats fiables permettent de tirer des conclusions sur une population et de prendre des décisions concernant la gestion des ressources, l’aménagement des espaces de travail, l’engagement ou encore les plans de formation.
Hélas, les données collectées sont biaisées par les échantillons. Les professionnels des RH sont souvent victimes de l’éclairage fallacieux. Cette erreur nous fait accorder trop d’importance à un groupe particulier d’individus auxquels les médias portent plus d’attention. Or les médias préfèrent ce qui sensationnel à ce qui est représentatif. On pourrait arguer du fait que l’attention exagérée portée aux relève du même phénomène.
Enfin, la gestion des ressources humaines est concernée par le sujet de la représentativité syndicale, l’instrument essentiel du dialogue social dont les départements RH sont responsables. La représentativité détermine la participation des syndicats au processus de négociation collective et à la production des normes conventionnelles. Aujourd’hui, alors que de moins en moins d’individus ont une activité syndicale, le système de représentation syndicale (et patronale) est en crise.
Comment y remédier ?
Pour remédier au biais d’échantillonnage, les professionnels des RH, comme les statisticiens, doivent « redresser les échantillons », c’est-à-dire modifier les échantillons de répondants pour s’assurer de leur représentativité. On peut extraire des profils sur-représentés ou comptabiliser plusieurs fois des profils sous-représentés. Cependant, si certaines catégories (par exemple, les femmes) sont absentes (ou peu présentes) parmi les répondants, on ne peut pas effectuer de redressement.
À l’âge du big data et de l’importance des études quantitatives pour aider les prises de décision, il est essentiel que les professionnels des RH se familiarisent avec les biais d’échantillonnage et les techniques utilisées par les sociologues et les statisticiens pour y remédier.
Inspirez-vous davantage sur : Laetitia Vitaud
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