Bientôt en congés ? Gare au burn-out pré-vacances !
27 juil. 2022
5min
Photographe chez Welcome to the Jungle
BA
Journaliste
Soleil, baignade, apéros en terrasse et barbecue… Les vacances d’été ont une saveur particulière, mais se payent parfois le prix fort. Car bien que la perspective de s’allonger dans un hamac les doigts de pieds en éventails nous réjouisse, elles sont aussi une source de stress supplémentaire et potentiellement, l’élément déclencheur d’un burn-out. Notamment parce qu’il nous incombe parfois d’endosser les responsabilités et les tâches des collègues partis en vacances, en plus de devoir boucler nos propres dossiers et projets. L’intensification de la charge de travail et le raccourcissement des délais entraînent un rush pré-vacances… à ne pas prendre à la légère !
De toutes les périodes de congés annuels, les vacances d’été sont sûrement celles que nous attendons le plus impatiemment. Mais avant de siroter des cocktails au bord de la piscine, encore faut-il boucler les dossiers de dernière minute, briefer les collègues, déléguer ce qui est en cours, anticiper les tâches essentielles et programmer le suivi de certains projets. À cela s’ajoutent les derniers achats et préparatifs des vacances, ainsi que les éventuels imprévus. « D’ordinaire, on peut décider de finir quelque chose le lendemain, mais à la veille des vacances tout doit être terminé, témoigne Alexandra, consultante en organisation des entreprises. On doit tout boucler avec la conscience plus nette d’une deadline qui ne peut pas être étendue. » Ce dernier coup de bourre avant la période de farniente tant espérée, nous projette parfois sur la plage dans un état d’épuisement et de stress. « La période estivale est particulièrement fatigante car il faut boucler tous tes dossiers avant de partir, confirme Pauline, responsable éditoriale d’un site Internet. L’été, je travaille aussi en présence de mes enfants qui me sollicitent et que je ne peux pas faire garder tous les jours. C‘est épuisant car je dois redoubler de concentration. Souvent quand je pars, je suis tellement fatiguée que je n’arrive pas à en profiter. »
Le moment fatidique de « la chute du burn-out »
Le stress pré-vacances ne suffit pas à lui seul à initier un burn-out, mais lorsqu’une personne a déjà accumulé des semaines, voire des mois de stress permanent et prolongé, ce rush peut devenir celui de trop. C’est-à-dire l’élément déclencheur du burn-out, « le moment où ça lâche », explique Astrid Le Fur, coach en prévention et accompagnement du burn-out, également autrice du livre Du burn-out au born-out, les 7 étapes de la renaissance (Éd. Vuibert, sept. 2022). « Plusieurs éléments expliquent que la période des vacances y soit propice », détaille-t-elle. Le premier est le rush de dernière minute que nous venons d’évoquer. À ce moment-là, les personnes déjà sujettes à un long stress mais qui, la plupart du temps, n’ont pas conscience de la gravité de leur état, sont arrêtées par le corps qui dit stop. Le deuxième élément déclencheur est le lâcher prise en vue des vacances. « C’est ce que l’on appelle la décompensation physique et psychologique, explique la spécialiste. À l’image du marathonien qui prend pleinement conscience de sa souffrance physique après avoir franchi la ligne d’arrivée et s’être écroulé sur le sol. »
Cet état survient parfois quand les personnes ont terminé tout ce qu’elles avaient à faire. Elles ont tout bouclé mais sont incapables de rouvrir leur ordinateur parce qu’elles ont été au bout d’elles-mêmes. D’autant que le lâcher prise est un état réconfortant : « Quand on goûte à un état de mieux être en ayant le temps de discuter avec des amis, profiter de moments les pieds dans l’eau et se détendre, ça crée un écart avec notre vie effrénée et notre stress chronique. » Un écart qu’il n’est plus possible d’ignorer et qui rend la reprise du travail difficile, voire impossible. Enfin, le troisième élément pouvant occasionner la chute du burn-out survient quand les personnes se rendent compte que malgré tous leurs efforts, elles ne viendront jamais à bout de leur charge de travail et de toutes les tâches qui leur incombent. « Psychologiquement, elles laissent tomber. Le mental lâche car elles savent qu’elles vont revenir de vacances et retrouver la même chose, elles ne voient pas d’issue. »
Le burn-in, l’antichambre du burn-out
Avant cela, ces personnes sont en burn-in, c’est-à-dire à l’étape qui précède le burn-out. Décrit en 1994 par le psychologue américain Cary Cooper, le burn-in est la phase durant laquelle une personne s’épuise et se consume (en anglais « to burn out ») sans s’octroyer de moments de pause pour recharger ses batteries. Généralement, elle sous-estime son état, peut prétendre se sentir un peu fatiguée, mais ne mesure pas l’étendue de sa souffrance jusqu’à la chute. « Quelqu’un d’avisé, d’informé et d’observateur peut déjà constater à ce stade qu’elle va se retrouver en arrêt de travail dans les semaines ou mois à venir », précise Astrid Le Fur. Notamment parce que différents symptômes physiques se manifestent pendant la phase de burn-in. Il en existe plus d’une centaine : « Cela peut être des troubles du système cardiaque et/ou du sommeil, des réactions dermatologiques (urticaire, psoriasis, eczéma…), des perturbations émotionnelles et hormonales, une perte de cheveux, des troubles du cycle menstruel ou de la digestion. » Autant de signaux que la personne ignore ou n’associe pas nécessairement au stress.
« Peuvent aussi survenir un tas d’incidents et d’erreurs, précise la spécialiste. Comme se tordre la cheville dans l’escalier ou se tromper de carburant dans la voiture. C’est déjà une preuve que l’esprit ne suit plus le corps. » Clémentine, ancienne directrice d’une association, a développé un zona dans le dos, souffert d’un ulcère à l’estomac, d’insomnies durant plusieurs mois et a sombré dans l’alcool. « C’est venu crescendo le soir pour tuer la bête, pendant les vacances aussi, se souvient-elle. Ça faisait partie des alertes, ce n’était plus une consommation raisonnée. C’était presque pour me rendre incapable, pour arriver à lâcher prise. » Cette non-considération de nos maux met en lumière les failles de notre rapport à soi, fait remarquer Astrid Le Fur. « Les personnes qui font un burn-out sont tellement habituées à être fortes et à ne pas s’écouter, qu’elles n’entendent pas les alertes de leur corps et sont souvent sidérées que ça puisse leur arriver. » C’est alors que la perspective des vacances devient le point culminant d’une longue agonie inconsciente. Le point de non retour.
L’acceptation du travail non fait, un moyen de survie ?
Dans certains cas, les personnes sujettes au stress ont un besoin de contrôle et de perfectionnisme très prononcé. Elles conçoivent difficilement ne pas être en mesure de remplir tous leurs devoirs, même lorsque les attentes sont irréalistes. Elles traduisent le fait de ne pas aller au bout des choses par de l’incompétence ou redoutent que leur hiérarchie le fasse. Ce qu’elles interprètent alors comme étant un « échec » peut impacter leur estime de soi. « J’ai un gros besoin de contrôle, aussi bien sur la partie préparation des vacances qu’au travail avant de partir, explique Alexandra. Je veux avoir la maîtrise sur les affaires à prendre. Sinon j’ai le sentiment d’être dépendante car j’ignore où elles se trouvent. Au boulot, alors que t’es sensée déléguer, je suis super engagée jusqu’au bout. Je suis stressée, j’ai l’impression d’être en apnée, d’être speed tout le temps. » Mais être sur tous les fronts est éreintant. « La veille du départ, j’étais épuisée, au bout du rouleau, je n’avais plus d’énergie pour les derniers préparatifs, je suis arrivée vidée à l’aéroport. » Cet état de fatigue et de stress gâche le début des congés dans la mesure où les vacanciers doivent attendre que la pression redescende.
« L’apprentissage du lâcher prise est très important, fait valoir la spécialiste Astrid Le Fur. Il ne faut pas confondre la ténacité, qui est importante dans la vie et qui permet d’atteindre ses objectifs, avec l’entêtement qui est le fait de continuer à avancer alors que le corps envoie des signaux contraires. » En somme, reconnaître que nous ne sommes physiquement et mentalement pas en mesure de remplir toutes les tâches attendues devient essentiel lorsque le corps tire la sonnette d’alarme. Parfois préserver sa santé passe par l’acceptation du travail non fait et des objectifs non atteints.
Article édité par Gabrielle Predko, photo Thomas Decamps pour WTTJ
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