En poste depuis longtemps, comment dépasser la peur de changer d'entreprise ?
28 avr. 2022
8min
« J’ai tellement de mal à franchir le pas… Huit ans dans la même entreprise, cela ne me ressemble pas… J’ai envie de bouger… Mais ce n’est pas si simple. » Pas si simple, en effet, de changer de structure quand on travaille pour le même employeur depuis longtemps. On rejoint une entreprise pour une mission précise, et puis on reste là six ans, dix ans, voire plus. Parfois, on progresse, on évolue. Et si certains aiment s’implanter dans la durée, d’autres peuvent avoir le sentiment de stagner, de prendre racine sans vraiment s’y retrouver. Et quand on sent que c’est le moment de bouger, c’est la panique…
Ces témoignages, ces situations, je les connais bien dans ma pratique de coach. Depuis mon installation, je n’ai cessé d’être sollicitée pour accompagner des salariés qui envisagaient une transition et se retrouvaient dépassés par leurs propres angoisses. Ces appréhensions sont particulièrement intenses chez celles et ceux qui sont restés longtemps dans la même entreprise… Pourquoi ? Ces hommes et ces femmes souvent pleins de ressources, n’ont souvent plus conscience de leur valeur professionnelle, parce que la peur et le manque de mouvement les font douter. Alors, plongeons-nous dans ces craintes pour tenter de les comprendre, mais aussi de les dépasser…
« Et si je ne valais plus rien sur le marché du travail ? »
« Je sais ce que je vaux dans cette entreprise, mais je ne sais pas ce que je vaux ailleurs », m’a confié un jour une personne que j’accompagnais. Quand on travaille pour le même patron depuis longtemps, on peut progressivement craindre de perdre son employabilité. Vous êtes peut-être reconnu en interne pour ce que vous faites, mais que vaudrait votre expérience ailleurs ? Si votre travail ne se passe plus très bien, vous pouvez même vous mettre à douter de vos compétences tout court. Émerge alors une inquiétude quant à votre valeur sur le marché du travail.
Comme les méthodes et les outils de travail évoluent rapidement, on peut alors redouter de ne plus être à la page, de ne plus avoir un profil si attractif si on cherche un nouveau poste à l’extérieur de notre entreprise actuelle. Parfois aussi, on ne se rend plus compte de son expertise. « J’ai l’impression que ce que je sais faire, tout le monde sait le faire », ai-je également entendu en accompagnement. Mais cette peur est irrationnelle. Le problème dans l’histoire, c’est le manque de confrontation avec le monde extérieur. Car je vous rassure, en réalité, tous les postes demandent une phase d’ajustement et d’apprentissage une fois sur place !
- Mon conseil de coach :
Pour vous détacher de cette peur, il est intéressant de se confronter très concrètement aux exigences du monde du travail, et cela commence par un temps d’observation. Quelles sont les compétences et expériences exigées par les recruteurs pour les postes qui pourraient vous intéresser ? À quel genre de salaire peut-on prétendre avec votre niveau d’expertise ? Quelles sont les entreprises qui recherchent votre genre de profil ? Vous pouvez regarder les annonces, mais aussi contacter un chasseur de tête ou un cabinet de recrutement pour interroger ces professionnels du placement, ils sauront certainement vous aider à identifier vos compétences et à vous orienter sur les points forts de votre profil (vous en avez plein).
Ce dont vous avez besoin avant tout, c’est d’être rassuré sur votre valeur par des personnes qui sont sur le marché. Alors, exposez-vous un peu ! Passez des entretiens de réseau, faîtes circuler votre CV, pour voir les retours que l’on vous fait et les propositions qui pourraient émerger. Cela vous permettra d’être dans le concret. Get out there !
« Et si c’était pire ailleurs ? »
« Si ça se trouve, j’idéalise complètement les autres boîtes, l’herbe n’est peut-être pas plus verte ailleurs », m’a partagé une personne que je coachais lors de notre premier échange. Ce témoignage exprime une peur toute légitime de changer d’entreprise. Et si vous preniez la mauvaise décision ? Et si vous étiez amené à regretter votre choix ? Quand on connaît depuis longtemps les mêmes collègues, les mêmes trajets, la même cantine, les mêmes avantages, on se trouve dans un certain confort que l’on peut redouter d’ébranler. On sait ce que l’on perd, sans garantie de ce que l’on va trouver.
On se dit que notre job actuel n’est peut-être pas si terrible. On minimise. Autrement dit, on ferme les yeux sur ce qui ne va plus. Si ce réflexe assez humain nous empêche de prendre des risques inutiles, il peut aussi nous faire stagner dans la vie. Pourtant, par le passé, combien de décisions effrayantes avez-vous prises qui se sont néanmoins montrées profitables ? Partir en Erasmus, tenter un marathon, mais aussi se lancer dans une relation amoureuse, acheter une maison, concevoir un enfant… Autant de choix vertigineux qui ont montré après coup que la prise de risque valait la peine !
- Mon conseil de coach :
Pour dépasser cette peur, prenez le temps de vous rappeler ce qui ne vous convient plus dans votre travail actuel. Ce n’est pas parce que cet emploi vous allait à un instant T que ce choix doit valoir jusqu’à la fin de vos jours… Nos besoins évoluent, et nos aspirations aussi. Que désirez-vous de différent que ce que vous avez aujourd’hui ? Vous pouvez aussi vous poser cette question : que pourrait-il se passer si vous restiez encore dans votre entreprise un an, deux ans, cinq ans de plus ? Comment vous sentez-vous à évoquer cette possibilité ?
Pourquoi ne pas ici tenter l’exercice du pire scénario possible : quel pourrait être le pire qu’il puisse vous arriver si vous mettiez les voiles ? Que feriez-vous alors ? Rester dans le concret, faire des plans de secours aide à faire reculer la peur. Comme cette personne que j’ai accompagnée et qui m’a dit : « Au pire, si ma prise de poste se passe mal, je retourne chez ma mère. J’ai quatre mois d’économies pour retrouver un travail alimentaire, n’importe lequel ! » La pression est redescendue d’un coup !
« Et si je n’arrivais pas à me vendre ? »
« Je suis incapable de changer de travail aujourd’hui, je ne sais pas me vendre », telle était la crainte d’Alain (1), 52 ans, quinze ans d’ancienneté dans son entreprise actuelle. Quand on n’a pas été depuis longtemps sur le marché du travail, s’y frotter à nouveau peut effrayer. On ne connaît plus les bons filons pour consulter les annonces, on ne sait plus quel format de CV est apprécié des recruteurs… Mais surtout, on se demande si on saura encore convaincre en entretien ! Comme une personne récemment séparée s’inquiète de ne plus savoir s’y prendre en rendez-vous amoureux, on doute de ses compétences et de son habileté à plaire…
Cette peur de ne pas savoir se vendre peut être aussi présente chez ceux qui n’ont connu qu’un seul employeur. C’était le cas d’une jeune femme que j’avais accompagnée et qui avait été embauchée à l’issue d’une alternance : six ans plus tard, elle n’avait connu qu’une seule entreprise et jamais passé un seul entretien, la recherche d’emploi lui semblait une montagne !
- Mon conseil de coach :
Pas de panique ! La capacité à savoir gérer sa recherche d’emploi est une compétence qui se développe facilement. Il suffit pour cela de s’y mettre et de ne pas hésiter à demander des conseils. Vous pouvez par exemple solliciter des proches qui connaîssent bien le marché du travail pour avoir leurs retours sur vos candidatures (CV, profil LinkedIn, lettres de motivation). Si vous ne connaissez pas directement de RH ou de recruteurs, vous pouvez simplement vous adresser à des amis de confiance qui ont de l’expérience. Le seul fait de bénéficier d’un regard extérieur sur vos candidatures peut vous rassurer !
N’hésitez pas aussi à vous entraîner pour les entretiens. La préparation, ça aide ! Vous pouvez écrire votre discours, vous entraîner devant votre miroir, vous filmer avec votre téléphone ou faire des simulations avec un proche de confiance. Prendre le risque de postuler et de passer quelques entretiens “pour voir” peut aussi faire office de galop d’essai pour vous remettre en selle.
« Et si je n’arrivais pas à m’adapter ? »
Un changement d’entreprise et de poste peut représenter pas mal de pression. Il y a toutes ces informations à intégrer, ces nouvelles relations à nouer, ces processus inhabituels, cet environnement à comprendre. Saura-t-on prendre de nouvelles habitudes ? On s’interroge, et c’est normal. Moins on connaît de changement, plus on doute de son aptitude à changer !
Il nous faut apprivoiser la part d’inconnu qui nous attend. Et relativiser. Même en interne, vous pourriez être amené à changer de manager, d’équipe, de site. Sans le choisir. Au contraire, en envisageant un changement d’emploi, vous vous montrez proactif. Vous allez au-devant des mutations à venir, en choisissant un poste qui pourrait davantage vous convenir pour la suite. C’est fort, cela veut dire que c’est vous qui avez le pouvoir !
- Mon conseil de coach :
Pour dépasser cette crainte, vous avez avant tout besoin d’être réhabitué au changement. Pourquoi ne pas fonctionner par petits pas ? Parler avec vos proches de votre projet de transition peut vous permettre d’explorer tranquillement les options. Une conversation, des recherches, un entretien passé n’engagent à rien, mais cela peut vous aider petit à petit à vous imaginer ailleurs tout en réduisant la zone d’incertitude de ce qui se passe “en dehors”.
Et puis le mouvement appelle le mouvement. Y a-t-il des changements que vous pourriez entreprendre, même dans votre vie privée, histoire de vous remettre en route, justement ? Reprise d’un hobby qui vous plaît, début d’une formation qui vous intéresse (avec ou sans financement), nouvel engagement associatif ? Ces projets peuvent aussi vous aider à bouger, puisqu’ils modifient tout doucement l’image “immobile” de vous que vous avez en tête… Tout en vous habituant à apprécier le changement, même s’il fait peur au début !
« Et si je n’étais pas à la hauteur ? »
« On va m’embaucher, et se rendre compte que je suis nul(le). » C’est le réveil de l’imposteur qui sommeille en vous. Changer de travail, c’est se mettre en danger : on va être évalué et on doit faire ses preuves. Cela peut alors faire ressurgir toutes les craintes que l’on a au plus profond de soi. Vais-je être apprécié ? Vais-je être au niveau de leurs attentes ? Vont-ils me garder à la suite de ma période d’essai ? Et si ce changement se soldait par un échec ? De quoi aurais-je l’air, alors ?
Ces craintes et ces doutes parlent de l’image de nous-même. Les transitions professionnelles sont parfois de véritables épreuves pour la confiance en soi. On peut avoir du mal à se sentir capable. Ou bien redouter qu’un changement viennent trop nous ébranler, surtout s’il ne se passe pas comme prévu. Comme cette jeune femme qui est venue me consulter après deux périodes d’essai rompues. Elle avait tellement peur de ne pas pouvoir supporter une troisième tentative ! Et comme on la comprend !
- Mon conseil de coach :
Dans cette situation, vous avez besoin de nourrir votre confiance. Pourquoi ne pas y aller étape par étape, en vous mettant en mouvement ? Si l’on peut avoir, à l’origine, plus ou moins confiance en soi, cette confiance est fluctuante et grandit aussi dans les défis que vous relevez. Plus vous agissez, plus vous vous sentirez capable d’agir. L’action nourrit la confiance en soi !
Cela peut valoir le coup de faire le point sur vos compétences, en faisant un bilan, par exemple, mais aussi en prenant le temps de relire vos accomplissements, pour vous remémorrer tout ce qu’il y a de bon. Vous pouvez si vous en ressentez le besoin demander l’aide d’un consultant, d’un coach ou d’un thérapeute à ce stade. Cela peut être l’occasion d’entamer un travail si vous vous y sentez prêt. Vous pouvez enfin envisager des projets qui font du bien et qui par ricochet vous rassurent sur vous. Faire du volontariat ou mettre vos compétences au service d’une association, d’un ou une amie entrepreneur, par exemple, faire un peu de freelance sur votre expertise, partager des conseils métiers avec des proches… Si cela rend service et vous aide à vous sentir compétent et à la hauteur, cela peut être gagnant-gagnant ! Votre confiance se nourrit des actions que vous entreprenez : vous mettre en mouvement, c’est déjà rassurant !
Vous l’avez compris, vous avez besoin avant tout de vous désensibiliser à la crainte du changement. En prenant le temps de faire le point sur toutes ces bonnes raisons qui vous font envisager une transition, vous pouvez progressivement mettre un pied devant l’autre. Peu à peu, la zone d’incertitude se réduit, et les nouvelles opportunités semblent moins effrayantes. Commencer à explorer les options sans attendre d’être trop sous pression du stress ou d’un malaise permet de se laisser le temps de regarder ce qu’il y a dehors, puis de changer, quand on se sent prêt.
(1) Le prénom a été changé
Article édité par Gabrielle Predko, photo Thomas Decamps pour WTTJ
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