Comment manager des consultants qui sont en mission dans votre entreprise ?

06 nov. 2018

4min

Comment manager des consultants qui sont en mission dans votre entreprise ?
auteur.e
Laura Frémy

Rédactrice

La transformation digitale a fait naître de nouvelles problématiques au sein des entreprises, donc de nouveaux besoins. Pour assurer la transition, des consultants externes sont sollicités pour leur expertise. Mais comment établir leur place dans l’équipe ?

Ca y’est ! Votre entreprise s’est décidée à externaliser une mission et a fait appel aux compétences d’un consultant qu’elle ne trouvait résolument pas en interne. La raison ? La transformation digitale est passée par là. Flexibilité accrue, numérisation du travail, manque d’opérationnalité ont mis les entreprises face au constat suivant : pour assumer les frais de cette transition, les entreprises manquent d’experts.

En parallèle, le travail indépendant a triplé. Si bien qu’en 2018 dans le domaine du consulting, selon Forbes, l’externalisation du travail a augmenté de 15 % pour des missions raccourcie (11 mois). Un autre constat s’impose, passer par un consultant n’est pas forcément le gage d’une mission réussie. Surtout si l’entreprise d’accueil n’adopte pas un management aussi flexible que la transition souhaitée. Une fois le bon profil du consultant sélectionné, la question se pose : comment manager des consultants missionnés en entreprise ? Et si l’adage qui vaille était à bon management, bon consultant ?

Qu’est-ce qu’un consultant aujourd’hui ?

Il est vrai le marché de l’emploi a muté. Il s’est orienté vers une organisation du travail plus souple et plus rapide. L’essor du travail indépendant a connu une augmentation de 120% en 10 ans pour venir grossir les rangs de consultants qui désertent également les cabinets de conseils traditionnels. Affranchi des structures traditionnelles, le consultant en 2018, est devenu bien plus indépendant que par le passé. Et son intégration en entreprise par conséquent plus délicate. Revêche à la culture d’entreprise, son intégration passe par la sociabilité sans attache. Par ailleurs, le marché du travail s’est diversifié. Le traditionnel consultant expert en stratégie des organisations n’exerce plus seul son emprise sur le marché. Apôtres de la communication digitale, génies de l’intelligence artificielle, experts big data sont venus le concurrencer. Sur le marché du conseil et depuis le virage numérique, le paysage du consulting vend aujourd’hui des expertises surtout technologiques.

Plus que jamais donc, les consultants sont des « pièces rapportées » de l’entreprise. Censés apporter un regard neuf, l’arrivée des « petits gris » en entreprise est fréquemment mal vécue par les managers. Souvent perçus comme arrogants, leur mission pose des problèmes de légitimité managériale. De part leur jeunesse. Difficile pour un employé expérimenté de se voir donner des leçons par un jeune diplômé ! Ou parce qu’il est difficile de mettre un cadre sur ses prérogatives. De l’autre côté de la balance, les consultants partagent le sentiment d’être traités en sous-domestiques ou comme d’une main d’oeuvre « hors droit » parce qu’externes aux conventions de l’entreprise. Dans ce cadre, comment œuvrer à une bonne collaboration ?

Le nœud du problème est sans doute là : comment manager un individu lui même chargé d’impulser le changement, quitte à bousculer les méthodes de management traditionnelles ?

Quelques recettes sous forme de Do and Don’t.

DO

  • Adoptez un management « boardé ». En effet, une bonne mission de consultant a été préalablement boardé avec la direction, c’est à dire définie par un cahier des charges qui définit aussi les rôles et la marge de manœuvre des acteurs et la vôtre. Bien définie, ne la changez pas à tout va. Veillez à sa bonne exécution mais…
  • Soyez aussi réaliste. Un consultant n’est pas la solution miracle à tous les maux de votre organisation. Restez souple.
  • Faites lui encore davantage confiance. Si un management se mesure à la confiance donnée envers son équipe, c’est tout aussi vrai pour un consultant. Osez lâcher prise et compter sur son expertise.
  • Changez votre fusil d’épaule managériale. L’arrivée d’un consultant est aussi essentiellement là pour vous permettre de repenser les relations de travail. Pourquoi ne pas envisager la collaboration sous le signe d’une co-production du changement où la responsabilité est partagée?
  • Tout en asseyant votre légitimité. En dernière instance, vous êtes le garant de l’entreprise, de sa culture et de ses valeurs. Sachez placer votre autorité quand elle est nécessaire. Par exemple si un consultant ne remplit pas la mission pour laquelle il est mandaté, en dépit de ses dires.
  • Prévenez vos équipes de l’arrivée prochaine d’un consultant et expliquez leur ses missions futures. Rien de pire que de laisser ses équipes sur le bord de la touche.
  • Créer des équipes mixtes pour qu’elles puissent bénéficier à l’avenir de son savoir-faire.

DON’T

  • L’accueillir comme l’employé qu’il n’est pas. Ce n’est pas parce qu’un consultant est externe à l’entreprise qu’il doit se sentir comme tel. Un consultant laissé pour compte, sans mot de passe WIFI, sans informations pratiques lui fera perdre un temps précieux. Dès son arrivée au contraire, ménagez lui un espace de travail, faites lui rencontrer son interlocuteur privilégié s’il y’en a et commencez par une petite réunion autour du projet. Bref, un onboarding classique.
  • Ne pas l’intégrer à la vie sociale de l’entreprise (afterworks, team building). Offrez lui des vannes de décompression et le moyen d’en savoir plus sur la culture d’entreprise.
  • Ne lui faites pas faire « des horaires de chien. » La réputation d’un consultant se mesure à la quantité de travail fourni et aux résultats. Certes, mais n’appuyez pas non plus là où ça fait mal.
  • Ne le prenez pas pour votre psychiatre. Beaucoup de consultants offrent à leurs collaborateurs un regard nouveau. Il permet de faire émerger des pratiques plus réflexives et exutoires en entreprise. C’est normal, mais restez dans la mesure.
  • Faites durer ad aeternam la mission. Toutes les bonnes choses ont une fin. À la fin de sa mission, le consultant cherchera aussi à vous vendre la mise en œuvre de ses préconisations. Mais limiter l’inflation des honoraires est aussi votre préoccupation de manager. Il vaut mieux prendre garde au service après-vente et privilégier le transfert du savoir faire à ses équipes internes.

Rappelez-vous, vous ne ferez jamais d’un consultant un corporate converti. Selon une étude d’Addison Group, si 94% des managers se sentent prêts à l’idée d’embaucher des travailleurs indépendants rares sont ceux qui adaptent leurs méthodes de management. Or, ce manque de flexibilité favorise la pratique du « fad surfing » théorisée par Eileel C. Shapiron : « Une pratique qui consiste à tenir sur le haut de la vague de la dernière pensée managériale, puis à barboter assez vite pour rattraper la prochaine, toujours absorbante pour le personnel, lucrative pour les consultants et souvent désastreuse pour les entreprises.


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