Une opportunité chez la concurrence : bonne ou mauvaise idée ?

04 oct. 2021

4min

Une opportunité chez la concurrence : bonne ou mauvaise idée ?
auteur.e
Caroline Roux

Journaliste freelance

Vous les avez observés, étudiés, parfois redoutés… Mais cette année, les voilà qui vous font de l’œil : les concurrents de votre entreprise. Qu’ils tentent de vous débaucher ou que vous les contactiez de votre plein gré, aller travailler chez vos (anciens) rivaux peut-être stratégique pour votre carrière, mais cela comporte aussi son lot d’embûches… Pour vous aider à peser le pour et le contre, on fait la lumière sur cette démarche.

Que dit la loi ?

Avant toute chose, il faut vous assurer d’être dans votre bon droit. Alexandre Bigot-Joly, avocat au barreau de Paris, rappelle que « tout contrat de travail peut comporter une clause de non-concurrence. » Concrètement, celle-ci empêche un salarié quittant son entreprise d’exercer des fonctions similaires pour le compte d’un concurrent.

Mais, pas de panique, « ce type de clause fait l’objet d’un encadrement strict, tant en termes géographiques que temporels », souligne notre expert. En effet, celle-ci doit porter sur une zone spécifique et être limitée dans la durée. Par exemple, votre contrat peut stipuler que vous n’avez pas le droit de travailler pour une entreprise concurrente de la même région dans un délai de 2 ans. De plus, cette dernière « doit figurer à l’écrit dans le contrat de travail, et être justifiée par la nécessité de protéger les intérêts de l’entreprise », précise Alexandre Bigot-Joly.

Enfin, elle peut également faire l’objet d’une négociation avec l’employeur, qu’il s’agisse de réduire le délai de 2 ans à 6 mois, ou de restreindre le périmètre d’application : la ville, et non la région, par exemple. Notre avocat explique également que « la loi prévoit, dans le cas d’un refus, une indemnisation du salarié dont le montant est fixé dans votre convention collective et qui peut également être négociée. »

N’hésitez pas à demander conseil auprès d’un avocat ou d’un conseiller du salarié afin de vérifier la légitimité de la clause et d’être certain de vos droits.

Aller chez la concurrence : est-ce forcément un bon plan ?

Une fois l’aspect légal éclairci, il s’agit de peser le pour et le contre. Car même si aller voir ailleurs peut paraître alléchant, c’est une décision qui doit être mûrement réfléchie. Nathalie Minchella-Gergely, coach professionnel, nous en dit un peu plus.

Les “pour”

  • Un processus de recrutement fluidifié. Postuler chez un concurrent, c’est maximiser vos chances de décrocher le job. C’est un fait : les recruteurs sont attachés à ce qu’ils connaissent. Vous connaîtrez déjà le marché, les concurrents, aurez besoin de moins de formation… Bref, vous posséderez sans doute d’ores et déjà toutes les qualifications requises.

  • Des perspectives d’évolutions. Vous stagnez à un poste de junior ? Vous n’avez pas de nouvelles responsabilités depuis un moment ? Aller chez la concurrence peut être une occasion en or de faire évoluer votre carrière, de gagner en autonomie, en responsabilités et de vous permettre de briser le plafond de verre.

  • Un salaire à la hausse. Comme dans tout bon mercato, le transfert d’un talent d’une entreprise vers une autre s’accompagne souvent d’un bond au niveau de la rémunération. Et puisque vous venez tout droit de la concurrence, vous avez toutes les cartes en main pour obtenir ce que vous voulez à la négociation.

  • Être opérationnel rapidement. Fini, les tonnes d’informations à digérer et à retenir durant les premiers mois, vous avez déjà les compétences et l’expertise du secteur.

Sur le papier : que du bonus, mais ce n’est pas forcément l’eldorado qui vous attend si vous décidez de céder aux sirènes de la concurrence…

Les “contre”

  • L’impact psychologique néfaste. Chez les plus sensibles d’entre nous, un arrière goût de culpabilité pourrait se faire ressentir. Certains salariés pourraient avoir l’impression de trahir leur ancienne entreprise et la peur de ternir des relations de confiance bâties au fil des années. Quand l’affect est de mise, il est difficile de prendre cette décision sereinement. Démissionner n’est déjà pas chose aisée, alors quand il s’agit, de surcroît, de se rendre chez l’ennemi, cela nécessite une bonne dose de sang-froid.

  • Un air de déjà-vu. Interlocuteurs déjà connus, rythme inchangé, missions similaires… Il y des chances pour que vos tâches soient peu ou prou les mêmes qu’avant, et donc que vous vous ennuyez rapidement. Qu’on se le dise, il y a peu de chance que vous soyez dépaysé. Ce n’est pas l’attrait de la nouveauté qui motive cette décision. Aller chez le concurrent, c’est aussi renoncer de s’ouvrir à de nouveaux horizons. Au bout de quelques mois, le changement de vie pourrait avoir un goût de réchauffé.

Comment faire face à ce choix cornélien ?

Alors, partir ou non chez le voisin ? Il n’y a évidemment pas de règle car chaque situation est unique. Mais Nathalie Minchella-Gergely, nous livre quelques conseils pour y voir plus clair.

Tout d’abord, prenez le temps de faire le point, et n’agissez pas dans la précipitation et en réaction à un ras-le-bol. « Si vous êtes tenté de quitter votre job, c’est que votre situation professionnelle actuelle n’est pas satisfaisante. Il y a alors une vraie réflexion à mener », confirme Nathalie Minchella-Gergely. Identifiez vos besoins et vos moteurs. Interrogez-vous : « Qu’est-ce qui freine mon épanouissement professionnel ? L’offre chez la concurrence palliera-t-elle cela ? » N’oubliez pas que l’herbe n’est pas forcément plus verte ailleurs.

« On ne vit pas en électron libre ! » alerte notre coach professionnelle. Prenez en compte votre environnement et mesurez les possibles conséquences de ce choix « qu’ai-je à perdre, à gagner ? » mais également « qu’ai-je à apporter à un autre employeur ? » Vous souhaitez devenir manager mais vous êtes très attaché à votre secteur et on vous propose un poste à responsabilités ? Alors pourquoi pas ? Votre objectif a essentiellement trait à un gain de salaire ? Peut-être qu’il existe une solution alternative. Une fois que vous serez recentré sur vos besoins, la décision pourra être prise plus facilement.

D’autre part, notre experte conseille de toujours garder en tête des problématiques beaucoup plus pragmatiques qui peuvent aller de la durée du préavis, au passage du flambeau au successeur, jusqu’à à la discussion avec l’employeur. Des petites étapes qui permettront de soigner votre sortie.

Mais ce que Nathalie Minchella-Gergely recommande avant tout c’est la transparence envers votre employeur, qui éloignera toute forme de culpabilité : « remettre de l’éthique dans cette prise de décision est essentiel », soutient-t-elle.

Enfin, après avoir bien pesé le pour et le contre, rappelez-vous que votre employeur pourrait se battre pour que vous restiez en poste et même vous faire une contre-proposition. Vous souhaitez obtenir un statut senior ? Une promotion ? C’est l’occasion de négocier !

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Photo by WTTJ
Édité par Gabrielle Predko