« Recalé plusieurs fois à un job, j'ai retenté ma chance et fini par l'obtenir »
07 mai 2024
9min
Et si le proverbe idoine s’écrivait « qui ne retente rien n’a rien ? » Recalés aux portes de l’embauche, ces candidats n’ont pas baissé les bras pour autant. Après de multiples tentatives et quitte à se montrer un poil insistant, ils ont finalement obtenu le poste qu’ils espéraient dans l’entreprise tant convoitée.
« À chaque tentative, je suis allée un peu plus loin dans le process », Emma(1) 34 ans, responsable marketing digital
Si je dois retenir une chose de cette candidature à rallonge, c’est que la persévérance finit toujours par payer ! Lorsque je décide de plaquer Paris pour Barcelone, je prends les devants et postule à distance. Il faut savoir que dans la capitale Catalane, le marché de l’emploi est plutôt à l’avantage des entreprises : elles disposent d’une ressource internationale jeune et abondante qui tronque volontiers de bonnes conditions de travail contre un cadre de vie confortable. Le droit du travail y est très flexible si bien que virer quelqu’un n’est pas très compliqué. Dans ce contexte, il faut se lever tôt pour trouver la perle rare.
Parmi les boîtes locales, une retient mon attention. Elle jouit d’une belle réputation d’après mes relations : elle pratique des salaires corrects, a des vraies valeurs et offre des opportunités de carrière. Grâce à l’entremise d’un ami, mon CV bénéficie d’un sauf-conduit et atterrit sur le bureau des RH tel un avion en papier. Mais il faut croire qu’il a fini roulé en boule puis jeté dans une corbeille à trois points, car je n’obtiens finalement aucun entretien d’embauche. Le motif ? Une carence d’expérience dans le digital. Écartée, je débarque finalement sans emploi à Barcelone. Sur place je trouve rapidement un premier job puis un second job, dans le digital toujours, histoire de muscler mon CV. Des expériences rapides dans des startup instables, mais où l’on fait de belles rencontres, puisque par l’intercession de l’ami d’un collègue encore une fois, on glisse mon nom aux RH de la boîte où j’avais déjà postulé, pour répondre à une offre fraîchement postée. De cette prise de contact, on déduit que mon profil est « intéressant » mais ils décident de prendre quelqu’un d’autre en interne.
Je ne me décourage pas quand pour la troisième fois, une autre de mes collègues, partie dans cette même entreprise, me coopte pour entrer dans son équipe. Cette fois, je passe les phases de qualification de l’entretien RH, mais arrivée au deuxième entretien, je m’écroule totalement façon remontada. Je foire l’entretien de A à Z, c’est même un sketch. Par une journée de grosse chaleur, je m’enferme chez moi pour être tranquille, mais je branche le chauffage au lieu de la clim, je suis un peu rouillée pour mener des entretiens et parle de trucs pas très pertinents sans faire passer mes messages clefs. Bref, un jour sans.
Ça me fout un peu la honte d’y repenser, mais ça ne m’a pas empêché de déposer une ultime candidature en trois ans, trois mois plus tard. Le poste proposé dans une autre équipe est moins important que le précédent, j’appelle directement la RH qui avait validé mon entretien. À chaque tentative, je suis allée un peu plus loin dans le process et les feedback que j’obtiens de mes précédents entretiens m’aident chaque fois un peu plus. Cette quatrième fois est la bonne ! Je suis enfin embauchée.
Ce qui est marrant, c’est de constater que tout le monde semble avoir oublié mes trois précédents passages. Tant mieux pour moi d’être passée incognito dans cette grosse organisation aux services visiblement cloisonnés. Une fois prise, j’avoue tout de même à mon boss que je n’en étais pas à mon coup d’essai. Pas très surpris, il loue ma persévérance, qui dans un poste de commercial est une compétence recherchée. Aujourd’hui, lorsque je rencontre une personne dans ma situation, je la pousse à aller de l’avant en lui affirmant qu’elle n’a rien à perdre : les entreprises n’attendent que ça qu’on les rappellent, alors si on a vraiment envie d’y aller, il faut oser. Un conseil à appliquer dans plein de domaines de la vie.
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« Allô, oui bonjour, j’ai postulé il y a deux ans vous vous en souvenez ? », Léa(1), 36 ans, commerciale
« Vous avez un super profil mais malheureusement, on a déjà engagé quelqu’un à ce poste… N’hésitez pas à revenir nous voir à l’avenir ! », ces mots, lâchés par le fondateur d’une agence de communication à laquelle je postulais, ont infusé pendant deux ans en moi avant de devenir une réalité.
Nous sommes en 2017, mon ex mari et moi-même rentrons d’une autre vie menée en Afrique. À mon retour, pour aborder ce nouveau départ, je cherche un travail et tombe sur l’annonce d’une agence de communication spécialisée dans la vidéo pour un poste d’Account Manager. Je n’ai jamais travaillé dans ce domaine précisément, et bien que ma candidature semble plaire au fondateur, le poste est pourvu rapidement par un autre candidat. Mauvais timing sûrement ! Forcément un peu déçue j’accepte la situation et trouve un autre job, toujours d’Account Manager dans le secteur du duty free. Un poste pour lequel je suis amenée à organiser des shooting pour les marques et à toucher un peu à la vidéo. À ce moment-là, il devient évident que c’est exactement ce que je veux faire. Après deux années de loyaux service, le Covid fait chanceler la boîte dans laquelle je travaille ainsi que mes certitudes d’un avenir serein en son sein. On nous communique en interne que, compte tenu de la situation, l’hypothèse d’une reprise d’activité peine à émerger et qu’il serait sans doute préférable de commencer à chercher autre chose…
Par chance ou flemme de faire le tri, je conserve tous mes mails ce qui me permet de retrouver le numéro du fondateur de l’agence de communication qui m’intéressait deux ans plus tôt, via sa signature électronique. Je décroche alors mon téléphone sans hésiter, je sais que dans ce secteur, ça fait toujours bonne impression d’être cash. « Allô, oui bonjour, j’ai postulé il y a deux ans vous vous en souvenez ? », lui dis-je, histoire de me rappeler à son bon souvenir. J’ajoute qu’à l’époque, ce n’était pas le bon moment pour notre collaboration, mais demande candidement si, aujourd’hui la situation est davantage favorable. Il me planifie un rendez-vous avec deux responsables qui prendra la forme d’un call, deux semaines plus tard. Pendant l’entretien, mes interlocuteurs dubitatifs, pointent mon manque d’expérience en production vidéo. Mais la discussion s’élargit, ce qui me permet de dévoiler d’autres atouts : je suis trilingue, j’ai déjà bossé en agence et je connais tout de même un peu le média vidéo. Je valide ainsi mon billet pour une phase de test, que je concrétise en obtenant finalement le job haut la main !
Avec le recul, je pense que ma première candidature manquait d’aspect concret. La deuxième fois, j’étais mieux armée, avec des chiffres et des résultats pour étayer mes réalisations. Fun fact, je suis devenue collègue avec la personne qui avait obtenu le poste lors de ma première candidature. Il m’a expliqué qu’à l’époque la boîte connaissait un changement managérial important et que les recruteurs n’avaient pas l’occasion de se pencher véritablement sur les candidats externes quand lui avait bénéficié d’une promotion interne. Pour moi, la recherche d’emploi est comme la prospection, une histoire de rendez-vous : si le timing n’est pas bon, ce n’est pas grave, rien n’empêche de retenter sa chance plus tard.
« Quand on rate un entretien mais que l’on garde contact avec le recruteur, est-ce qu’on peut vraiment dire qu’on est passé à côté d’une opportunité professionnelle ? », Emeline, responsable marketing, 36 ans
À la sortie de mon école supérieure de commerce, j’ai un peu de mal à trouver ma voie dans le vaste domaine du commerce et du marketing. Après une première expérience lucrative en tant que cadre, je prends la poudre d’escampette, pour un voyage autour du monde et rentre avec l’idée de me former en sommellerie. Dans le vin, je repars de zéro et trouve rapidement un poste d’entrée de gamme dans la vente et conseil chez un caviste avec un salaire divisé par deux. Ce poste étant saisonnier, je prends les devants et parallèlement, regarde ce qui se passe sur le marché de l’emploi. Je tombe sur une offre pour un CDI de vendeur dans un domaine viticole de belle notoriété. En plus, le lieu est plus proche de chez moi, un critère d’importance dans le Golfe de Saint-Tropez, où il faut parfois se déplacer (très) loin pour travailler. Un domaine très prometteur donc, dans lequel de nouveaux acheteurs ont beaucoup investi et qui se structure doucement. Bref, un projet qui m’emballe.
Rapidement, j’obtiens un entretien dans cette entreprise rêvée, mais suis aussi vite décontenancée. C’est très flou et je ne comprends pas la nature du poste proposé. À l’issue de cet échange je leur dis : « Écoutez, je vois que ce n’est pas le bon moment pour vous, faites-moi une fiche de poste claire et rappelez-moi. » Chose qu’ils n’ont jamais faite. Plusieurs semaines après cet échec, je recroise le directeur technique avec qui j’ai passé cet entretien, puisqu’il est client chez le caviste où je passe la saison. On parle dégustation de vin, on échange nos numéros et c’est ainsi que l’on noue une relation professionnelle. Je garde à l’esprit qu’il y a une chance pour qu’un jour, il se révèle être la personne clé pour me faire entrer dans l’entreprise.
Je poursuis ma petite carrière dans le vin, et suis recrutée par un autre domaine viticole dans lequel je passe deux ans et monte en compétences jusqu’à devenir responsable de la partie boutique et événementiel. Mais mon lieu de vie se trouve encore trop loin du domaine… Alors je repense avec nostalgie à mon premier amour pro et écris un jour au directeur technique avec un trait d’humour : « Sortez-moi de là, dites-moi qu’il y a une place chez vous ! » Et en effet, il me répond qu’il y a peut être une opportunité.
On est maintenant deux ans et demi après mon premier entretien. Cette fois, je rencontre le directeur général qui m’explique que le poste est pourvu par une personne avec qui ça ne se passe pas très bien, mais encore une fois déception, ça ne découle sur rien de concret. Finalement, quelques mois plus tard, je suis rappelée car le poste que je convoite est en train de se libérer. Je rempile donc sur un troisième entretien et, signe encourageant : cette fois je remarque qu’il n’y a aucune publicité faite pour le poste en externe. Et cette troisième fois sera la bonne pour moi !
Dans cette entreprise depuis sept ans maintenant, je débute responsable boutique puis évolue pour atteindre le graal : une création de poste de responsable marketing. Je ne m’étais pas trompée sur le fait que cette entreprise était vraiment adaptée à mon projet. Aujourd’hui je me dis que c’est le fait d’avoir entretenu un réseau qui a surtout joué. Le réseau donne accès à des des emplois qui ne se trouvent pas sur le marché du travail officiel. Dans le monde du vin, tout le monde se connaît, c’est donc important de maintenir le contact et d’être identifié. Mon conseil sans prétention en recherche d’emploi serait de continuer à maintenir ces liens car savoir à qui s’adresser au bon moment est essentiel. Et puis, quand on rate un entretien mais que l’on garde contact avec le recruteur, est-ce qu’on peut vraiment dire qu’on est passé à côté d’une opportunité professionnelle ? Je continue aujourd’hui à rencontrer des confrères sur les salons professionnels pour maintenir ce réseau, car on ne sait jamais de quoi demain sera fait. In réseau veritas ?
« Ça me fait bizarre de dire ça, mais j’ai - entre guillemets - adoré ce recalage », Darina 33 ans, Account Manager
Après cinq années dans la même boîte, je décide en 2019 de chercher une nouvelle aventure professionnelle. Méthodique, j’établis un top 3 des entreprises que j’aimerais intégrer. Dans le lot, une startup me plait plus que les autres pour les valeurs qu’elle véhicule et les conditions de travail qu’elle met en place pour ses salariés. Le seul bémol, c’est que les offres d’emploi correspondent à des postes d’account manager, alors que mon profil correspond davantage à la gestion de client qu’à l’acquisition. Je tente quand même, assez déterminée. Après plusieurs entretiens, on m’explique gentiment que mes compétences en management sont plus adaptées à un autre poste qui doit s’ouvrir dans six mois. Six mois d’attente, quand on vient de démissionner et qu’on ne perçoit pas le chômage, c’est long. Alors devant l’alternative qu’ils me proposent, à savoir attendre l’ouverture de ce poste ou aller au bout de ma candidature pour le poste actuel, je choisis la seconde option. Je me dis que de l’acquisition versus de la gestion de compte, ce n’est au final pas très éloigné, et je mise sur un apprentissage de terrain.
Mais on me rappelle le lendemain de cet entretien pour finalement m’annoncer une mauvaise nouvelle : ma candidature n’est pas retenue. Cependant, j’ai droit à des retours constructifs et bienveillants. Le recruteur m’explique que le souhait des dirigeants est d’avoir des salariés épanouis dans leur métier de prédilection et ils ne veulent pas que je sois frustrée par un poste qui n’est pas tout à fait le mien. Une justification à la hauteur de mes attentes envers cette entreprise. Ça me fait bizarre de dire ça, mais j’ai - entre guillemets - adoré ce recalage.
Bien que déçue, j’ai gardé contact avec l’équipe sur LinkedIn et quelques mois plus tard, je vois que le recruteur qui m’avait fait passer l’entretien, vient de poster une offre qui correspond à mon profil. Je lui écris et après plusieurs entretiens, je suis embauchée en 2020.
Je tiens à souligner que c’est vraiment la bienveillance dont ils ont fait preuve lors de ma première candidature qui m’a incité à retenter ma chance. Ça change des boîtes qui recalent sans explication ! J’ai également appris que parfois, il faut attendre le bon moment pour que les planètes s’alignent. Ce processus m’a fait réaliser l’importance du feeling humain dans le recrutement. Même si une première candidature est rejetée, cela ne signifie pas forcément un non définitif. Parfois, il suffit d’attendre le bon moment ou de renforcer ses compétences pour obtenir le poste souhaité. En fin de compte, il faut être prêt à saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent. C’est ainsi que j’ai trouvé mon chemin ici, une décision que je ne regrette pas.
Aujourd’hui, je suis moi-même amenée à recruter et il m’est déjà arrivé de tomber sur une personne qui postule à plusieurs reprises à nos offres. Cette persévérance-là, je la considère vraiment comme un atout qui montre toute la motivation du candidat.
(1) Le prénom a été modifié pour préserver l’anonymat.
Article écrit par Manuel Avenel, édité par Aurélie Cerffond, photo de Thomas Decamps.
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