Pourquoi le développement personnel au travail n'est pas forcément une arnaque !
22 nov. 2021
4min
Coach, consultante et formatrice spécialiste de l’équilibre de vie pro/perso
TRIBUNE - Vie pro, vie perso, équilibre, frontières à placer ou à effacer… Comment fait-on, en tant qu’individu ou qu’entreprise, pour garantir le bonheur et la réalisation de soi, au travail comme à la maison ? C’est le questionnement perpétuel de notre experte du Lab, Sandra Fillaudeau, créatrice du podcast Les Équilibristes et de la plateforme de conseil pour entreprises “Conscious Cultures”. Chaque mois, pour Welcome to the Jungle, elle nous livre son regard juste et mesuré sur un épisode de nos vies de travailleur·ses.
Il y a quelques semaines, j’ai été intriguée par la couverture d’un magazine bien connu qui attaquait très clairement les “illusions” que constitueraient le développement personnel. J’ai lu l’article, et il m’a mise en colère. Il y était question de pratiques limites sectaires, infantilisantes, parfois déshumanisantes, présentées comme des initiatives de développement personnel, alors qu’elles avaient clairement fait plus de mal que de bien aux personnes concernées. Ce dossier à charge m’a donné envie d’écrire sur le développement personnel, dont on adore gentiment mépriser les ouvrages (mais qu’on consulte en cachette quand même – je vous vois !), afin de lui redonner ses lettres de noblesse. Peut-être parce que j’ai été coachée et que j’en ai vu les immenses bénéfices dans ma vie, peut-être parce que je côtoie aujourd’hui beaucoup de coachs, peut-être parce que tout ça m’a tellement convaincue que je suis moi-même en train de me former au coaching…
Le développement personnel, c’est quoi ? C’est une catégorie - c’est vrai - un peu fourre-tout qui représente un « ensemble hétéroclite de pratiques, qui ont pour objectif l’amélioration de la connaissance de soi, la valorisation des talents et potentiels, l’amélioration de la qualité de vie personnelle, la réalisation de ses aspirations et de ses rêves ». Pour éliminer d’emblée les poncifs, le développement personnel ce n’est donc pas la version simpliste que l’on peut lire dans des petits mantras Instagrammables. Et j’avoue, j’ai longtemps été moi-même sceptique : « coach de vie à 25 ans, vraiment ? Et puis toutes ces reconversions en coaching, ce n’est pas un peu exagéré ? » Mon scepticisme a laissé une chance à la science, et maintenant que mon cerveau rationnel sait que les bénéfices du coaching sont scientifiquement prouvés (diminution du stress, relations plus fluides avec les autres, plus grande facilité à atteindre ses objectifs professionnels et personnels), je suis maintenant convaincue que les enseignements du coaching devraient faire partie des apprentissages de base à l’école.
Pourquoi ? Parce que le coaching ne sert qu’à mieux se connaître, identifier ses valeurs, ses désirs, ses ambitions. Avec pour immense bénéfice collatéral d’être mieux avec les autres. Le mot “coaching” vient du mot “cocher” en français, et c’est bien le rôle que joue un·e bonn·e coach : celui qui tour à tour encourage, propose d’autres voies, etc. Tout ceci ressemble beaucoup au “connais-toi toi-même”, la devise que Socrate a fait sienne, et ses deux principes : la théorie platonicienne de la réminiscence (chacun de nous sait déjà, il faut juste faciliter l’accès à cette sagesse), et la maïeutique, le dialogue qui fait émerger la sagesse. On est alors très loin de l’endoctrinement, de la manipulation.
L’intérêt de la démarche est immense : mieux on se connaît, plus on sait ce qu’on veut (et aussi ce qu’on ne veut pas !), plus on oeuvre pour se trouver à la bonne place, plus on peut avoir d’impact et être dans des dynamiques de relations constructives avec les autres.
Nous avons tous·tes nos “saboteurs”, ces voix intérieures qui nous jugent (“Pour qui tu te prends à postuler à ce poste ?”), nous freinent (“Laisse tomber, ce n’est pas grave, il y aura d’autres opportunités”) nous mettent en garde contre toutes sortes de dangers (“Changer de voie ? Tu n’y penses pas avec une famille à charge !”). Le coaching est un des moyens de reprendre les rênes et choisir à quelles voix on veut donner du pouvoir. Une démarche qui n’est généralement pas innée, et qui s’apprend.
Je le vois chez mes invité·e·s de podcast : la plupart ont entrepris ces démarches de connaissance de soi et sont moins dans le tiraillement, moins à la recherche de l’approbation extérieure. La validation leur vient d’eux-même. Et c’est une force inouïe pour circuler avec fluidité entre toutes nos identités, personnelle, professionnelle, “faire tomber les masques” pour amener le meilleur de soi dans les différents rôles que l’on occupe.
De ma propre expérience, le coaching a provoqué chez moi deux mouvements très complémentaires : une prise de recul vis-à-vis des petites choses du quotidien qui peuvent tant nous déranger en temps normal. Et dans le même temps, une beaucoup plus grande proximité et douceur vis-à-vis de soi (qui, contrairement à ce que beaucoup de personnes croient, ne rend pas moins vaillant·e ou travailleur·se). On est de son propre côté, et ça, ça change tout.
Séparer le bon grain de l’ivraie
Ce que le dossier du magazine pointait en revanche avec raison, ce sont les dérives, qui peuvent faire des dégâts psychologiques importants. Quelques points de vigilance donc :
- s’assurer que la ou le coach a une formation solide, accréditée par des organismes reconnus (comme une accréditation officielle de l’ICF), et que la personne a travaillé sur elle ;
- le fit humain étant clé, n’hésitez pas à faire fonctionner le bouche-à-oreilles auprès de vos connaissances ;
- l’intuition – il faut que vous « sentiez » la relation. Un·e bon·ne coach ne conseille pas, il·elle n’est qu’un support pour faire émerger les solutions que la·le coaché·e a déjà en lui. Si vous sentez que la relation de coaching vous éloigne de votre libre-arbitre, empiète sur votre jugement et capacité d’action, fuyez. Idem si votre entourage vous met en garde.
Côté employeurs, le coaching est un outil puissant pour accompagner vos salarié·e·s dans des moments charnière de leur vie : évolution de fonction, prise de poste de management, retour de congé maternité ou paternité. Dans ces moments-là, les salarié·e·s ont parfois besoin d’aide pour démêler leurs envies et ambitions de celles de l’entreprise et de leur entourage… avec le risque qu’ils·elles se rendent compte qu’ils·elles ne sont pas sur la bonne voie ! La clé est de proposer l’accompagnement, comme une invitation, et en soulignant la confidentialité de ce qui sera partagé avec la·le coach. Le coaching, c’est l’outil par excellence pour explorer les interconnexions entre le pro et le perso.
Cette démarche, je l’observe de plus en plus dans les entreprises, et ça me surprend dans le bon sens, vu le scepticisme de la population générale. De plus en plus de mes clients construisent de solides programmes d’accompagnement de leurs managers qui incluent ces aspects-là de développement personnel : la place des émotions, la connaissance de soi, et même la notion de soin de soi. C’est le sain reflet d’une perception de l’humain dans sa globalité, loin de la fausse dichotomie pro/perso de laquelle nous sortons, tout doucement.
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Article édité par Clémence Lesacq ; Photos Thomas Decamps pour WTTJ
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