« Mon entreprise a été rachetée » : 5 conseils pour s'acclimater en douceur
05 oct. 2020
7min
Rédacteur & Photographe
André, La Halle, Naf Naf et maintenant Bio c’Bon, c’est l’hécatombe. La crise du coronavirus sème sur son passage les redressements judiciaires et les entreprises à vendre fleurissent sur le marché. Selon une étude Euler Hermes datant de juillet dernier, en 2021 le nombre de défaillances d’entreprises devrait atteindre 64 000 en France, soit une augmentation de 25% entre 2019 et 2021. Fonds d’investissement et grands groupes rachètent des boîtes à la pelle. Aujourd’hui, il faut reconnaître que peu d’organisations peuvent se vanter d’être à l’abri d’un rachat. Votre entreprise s’est faite racheter et vous paniquez ? Ne pas arriver à s’acclimater dans ce contexte, ou avoir peur ne pas y arriver, est tout à fait normal. Mais n’ayez crainte, d’autres ont vécu cette situation avant vous. C’est le cas de Margaux, Marin et Emma. Passés d’une petite boîte intime et conviviale à une plus grosse structure, ils vous livrent leurs témoignages et leurs conseils pour réussir à s’acclimater à votre nouvel environnement. Et s’acclimater, il le faut ! Car, qu’on le veuille ou non, le pot de fer absorbe le pot de terre et il faut y faire son trou.
Le rachat vécu comme un déracinement
L’annonce d’un rachat est souvent vécue comme un déracinement. On a l’impression d’être arraché, contre son gré, à un terreau familier, une entreprise qu’on a choisie et une équipe apprivoisée.
L’annonce : le choc thermique
Emma, cheffe de projet digital, n’en revient toujours pas, « c’était une énorme surprise, se souvient-elle, personne n’était au courant, pas même les cadres dirigeants. Tout s’est fait en catimini. » Un rachat passé inaperçu dans une petite boîte de communication où tous se connaissent et sont amis. À l’occasion d’une réunion habituelle, le patron prend la parole et annonce brutalement la nouvelle. « Nous avons vécu cette annonce comme une trahison, confie Emma. C’était un choc. » Peu de temps auparavant, la boîte s’était réunie en séminaire dans une ambiance sereine et conviviale. L’annonce du rachat met un froid, c’est un choc thermique pour l’équipe.
De son côté aussi, Margaux, responsable de développement dans le secteur évènementiel n’a rien vu venir. Lorsqu’elle débarque à sa réunion hebdomadaire, le boss a sorti champagne et petits fours. Demain, en conférence de presse, un grand groupe annoncera le rachat de sa start-up, celle où elle se sent si bien. « Je ne m’y attendais pas du tout, reconnaît-elle, mais, passé l’effet de surprise, j’ai pris ça comme une bonne nouvelle. On était plutôt dans l’excitation. J’ai compris qu’on aurait plus de moyens et de belles perspectives ».
L’impression d’être arraché contre son gré
Une fois la nouvelle digérée, bien souvent on s’inquiète. « On ne sait pas à quelle sauce on va être mangés, se remémore Emma. Tout nous était inconnu. » Et puis, lorsque sa boîte se fait racheter, on a tendance à craindre pour son emploi. De ce côté-là, il n’y a pourtant pas de mouron à se faire. Le repreneur ne peut remettre en cause aucun contrat de travail en cours. Le droit du travail lui impose de poursuivre chaque contrat avec tous les éléments qui le composent.
La véritable difficulté, c’est qu’un rachat vient avec son lot de changements. Nouveaux dirigeants, nouveaux locaux, nouvelle équipe, tout change. « Une semaine après, les futurs associés sont venus se présenter », raconte Emma. D’emblée, elle comprend ce qui l’attend. « Les deux boîtes n’avaient rien en commun, déplore-t-elle. Nous qui étions habitués à la spontanéité et la complicité, on s’est heurtés au calme et au sérieux. Dès la première réunion, on entendait les mouches voler. On avait l’impression que notre petite bulle avait éclaté, qu’on avait été rachetés par une entreprise qui ne nous ressemblait pas, qui n’avait pas notre ADN. »
Puis, vient le moment de quitter ses locaux et ses repères. Il faut laisser ses bureaux, auxquels on est attaché, pour déménager dans un lieu dans lequel nous n’avons rien vécu, qui nous est inconnu. Mais le déménagement n’est pas toujours quelque chose de négatif. « La perspective de déménager ne me réjouissait pas, avoue Margaux, mais je n’ai pas eu le choix. Et finalement, ce n’était pas moins bien, mais seulement différent. »
Faire son trou : ou comment s’intégrer sans s’imposer
Passé la crainte du licenciement, vient la question de l’acculturation. Nouvelle direction, nouvelles habitudes, nouvelle image et nouveaux process. Il va falloir s’y faire. Pour Margaux, c’est là où le bât blesse. Son entreprise ne vit pas seulement un rachat, mais fusionne avec d’autres start-ups du même secteur. « Les boîtes avaient les mêmes postes, observe-t-elle, et on s’est vite aperçu des doublons. La concurrence s’est installée entre les équipes. » Chacun se bat pour sa place et l’intégration se fait non sans heurts. Par-dessus tout, son boss se fait virer, et son équipe le vit comme un affront. « On l’a super mal vécu, admet Margaux, l’ambiance était conflictuelle et il y avait beaucoup d’hostilités. On n’avait pas de chef, pas de cadre et la boîte s’est affaissée. »
À l’inverse, lorsqu’il évoque le rachat de son entreprise, Marin, ingénieur dans le secteur de l’énergie, est tout sourire. L’air de rien, il raconte que sa petite start-up a été absorbée par un géant. À en croire son expérience, l’intégration s’est faite le plus naturellement du monde. « On n’avait aucun a priori, explique-t-il, l’ambiance de la boîte qui fusionnait avec nous était la même que la nôtre. On était tous jeunes, ingénieurs, et cela s’est fait en bonne intelligence. » Il faut dire que dans son secteur, il y a peu d’acteurs et tout le monde se connaît. « L’ambiance s’est aussitôt détendue, poursuit-il. Tout le monde s’est rapidement adapté. On a bossé ensemble et, comme on était sous-staffé, il y avait du travail pour tout le monde. Au niveau des chefs aussi, l’entente était bonne, on n’a pas assisté à des guerres d’egos ou de postes. » Les changements se sont faits progressivement et en douceur. « Bien sûr, on a noté des petits trucs, comme le changement de la cantine, le montant des tickets resto, mais on a aussi perçu les opportunités qui s’ouvraient à nous. En fait, on était tous dans le même état d’esprit », conclut-il. Alors, quel est le secret d’une intégration réussie dans le cadre d’un rachat ?
Cinq conseils pour s’acclimater
Parfois, on n’arrive pas à faire son trou. C’est le rejet. Il n’y a rien à faire, ça ne prend pas. Alors il vaut peut-être mieux être honnête et aller voir ailleurs si l’herbe y est plus verte. Mais quand il y a encore un peu d’espoir et si l’on veut que le rachat porte ses fruits, il n’y a pas d’autres choix que de s’acclimater. Voici 5 conseils testés et approuvés par nos interviewés :
1. Se forcer à aller vers l’autre
C’est la leçon que retient Emma, « Je crois qu’il faut apprendre à connaître l’autre et s’intéresser à lui. Ce n’est pas bon de rester dans son coin, avec son clan, poursuit-elle. Il faut voir comment l’autre fonctionne et le comprendre. Ça vaut le coup de se forcer. » Car au fond, lorsqu’on y regarde d’un peu plus près, l’autre est dans la même situation. « L’équipe d’en face est comme nous, réalise Emma, on ne lui a pas demandé son avis. »
2. Prendre les devants
Margaux a tout tenté pour que le rachat se passe dans de bonnes conditions. « J’ai voulu montrer ma bonne volonté, se souvient-elle, je suis allée voir les autres équipes pour comprendre comment ils travaillent. Puis, j’ai demandé à mon manager de me faire connaître les autres managers et le nouveau directeur. J’avais besoin de faire mon trou. Si tu te montres réfractaire, que tu regardes arriver les nouveaux d’un mauvais œil, avec des a priori, c’est sûr ça va mal se passer, continue-t-elle. Il faut prendre les devants et y mettre du sien. »
3. Ne pas prendre les choses personnellement
Pour Marin, c’est évident : « Il ne faut pas prendre les choses personnellement, insiste-t-il. Évidemment ta situation va changer, on te confiera peut-être moins de responsabilités, ou au contraire davantage, tu perdras des avantages, mais ce n’est pas contre toi, ce sont les priorités de l’entreprise qui ont changé. » Même si c’est vrai que c’est difficile de ne pas mettre d’affect, comme l’explique Emma. J’avais un affect énorme. Dans ma boîte on était amis, alors qu’avec la nouvelle équipe on avait juste des rapports cordiaux au travail. C’était super difficile de faire la part des choses » En fait, résume Marin, « Il faut arriver à se détacher du côté affectif de la situation et ne pas vivre les changements avec orgueil. Un rachat n’est pas une trahison, poursuit-il, on le comprend quand on se met à la place de ceux qui décident, ce n’est pas une décision facile qu’ils ont dû prendre mais bien souvent, elle était nécessaire. »
4. Ne pas regarder en arrière
Emma en a conscience, le gap était trop grand. Sans cesse, elle comparait l’avant à l’après. L’ambiance est moins bien, les locaux plus loin, le job moins intéressant… « Il ne faut pas regarder en arrière, rétorque Marin, ne pas penser que c’était mieux avant. Ce n’est pas une bonne chose de rêver, de trop s’attacher à ce que l’on a connu. C’est du passé ! Je crois qu’il faut garder le bon et jeter le mauvais. Il faut tirer le meilleur des deux. Tout n’est qu’une question d’état et d’ouverture d’esprit. » Aller de l’avant, ne pas regarder derrière soi et accueillir le changement, semble être le cap à tenir. Et, si c’est trop violent, « mieux vaut quitter le navire, tranche Marin. Ceux qui décident de rester savent qu’ils sont tous dans le même bateau et qu’ils vont de l’avant », et ce n’est que comme ça que la croisière se passe bien.
5. Accepter et anticiper
Le rachat se vit parfois comme un deuil. Et dans la courbe du deuil, processus naturel par lequel passe un individu qui subit un changement, après le choc, le déni, la colère et la tristesse, vient l’acceptation. « La transition prend un peu de temps et se fait souvent en douceur, étape par étape », se souvient Marin. « On s’y fait, poursuit-il, ce qu’il faut c’est anticiper, rester à l’affût de l’info et défendre son salaire. Pour le reste, c’est un processus que l’on ne maîtrise pas, mais qu’il faut accepter. »
Pour reprendre la métaphore végétale, le rachat de boîte c’est un peu comme repiquer un semis dans un sol plus grand. Si les conditions d’implantation sont bonnes et que l’on en prend soin, le plant s’adapte et se développe. Avec un peu d’efforts et de bonne volonté, le plant prend racine. C’est sûr, c’est plus simple quand les cultures sont de même nature et qu’il existe un terreau commun. Sans quoi, le semis ne prend pas et ne porte pas de fruit… Mais rassurez-vous, la nature est bien faite !
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