Managers : « Ces erreurs que j'ai faites quand je débutais »

11 avr. 2024

4min

Managers : « Ces erreurs que j'ai faites quand je débutais »
auteur.e
Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

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Il ne faut pas plus de quelques jours en tant que jeune manager pour comprendre que le proverbe dit vrai : c'est en forgeant que l'on devient forgeron. Quatre managers partagent les fers tordus de leurs débuts, et les leçons qu’ils en ont tirées.

Du recrutement à la gestion des conflits, en passant par l’équilibre des tâches, Hervé, Alexandre, Jean-Marie et Caroline se confient sur les aléas de leurs premières années. Des retours d’expérience précieux pour se rassurer sur ses propres erreurs, et se préparer à rebondir lorsque d’autres embûches se présenteront.

« J’étais paresseux dans le recrutement des membres de mon équipe »

En 2007, Hervé, ancien ingénieur en informatique industrielle, a repris le management d’une équipe depuis un an lorsqu’on lui offre la possibilité de recruter deux nouveaux équipiers pour renforcer son pôle. « Pour la première fois, j’avais mon mot à dire, se souvient-il. J’ai contacté les ressources humaines pour récupérer des CV, considérant que cette partie du travail relevait de leurs responsabilités. » Hervé reçoit alors plusieurs candidats, en sélectionne deux, qui se révèlent « bons, mais sans plus ».

Quelques mois plus tard, il découvre qu’il est passé à côté du profil parfait : « J’échangeais avec un ami d’ami quand, au cours de la discussion, j’ai compris qu’il avait postulé à l’une des mes offres sans savoir que je travaillais dans cette entreprise, explique-t-il. Son CV n’avait visiblement pas retenu l’attention des RH. Il collait pourtant parfaitement au poste ! C’était un professionnel rigoureux et compétent, avec qui j’aurais très certainement eu une collaboration fructueuse. »

Bien qu’à l’époque les outils comme LinkedIn n’existaient pas, il regrette de ne pas avoir communiqué sur sa recherche à son entourage. « Aujourd’hui, je recommande aux jeunes managers de ne jamais sous-estimer l’importance d’un recrutement actif et engagé », partage-t-il. « Et non, relayer une offre sur LinkedIn ne suffit pas ! Non seulement, il faut toujours être en veille pour identifier les bons profils, mais il ne faut pas sous-estimer les chances de trouver d’excellents candidats dans des endroits inattendus. Au marché, en promenant son chien, dans un dîner… toutes les occasions sont bonnes pour un manager qui cherche à bien s’entourer ! »

« J’ai essayé d’endosser un costume qui ne me correspondait pas »

Dans les premiers pas de sa carrière de manager, Alexandre – alors responsable de magasin – se retrouve face à une équipe en difficulté. Or il est convaincu qu’un discours de motivation est la solution idéale pour les remettre sur la bonne voie. « Je suis un introverti. Mais, à l’époque, je lisais beaucoup d’ouvrages sur le leadership, j’aimais écouter de grands orateurs, je visionnais régulièrement les replays de grands patrons américains… » Il prépare son propre discours, l’apprend, le répète, avant de se lancer lors d’une réunion de briefing matinal. Malheureusement… « C’était anti-naturel pour moi, et tout le monde l’a bien vu… » S’il en plaisante aujourd’hui, le moment a été difficile. « Cela a été un échec cuisant, le flop le plus mémorable de ma carrière ! »

Cette erreur de débutant lui permet malgré tout d’affirmer son « style » de management, l’aidant à se poser les bonnes questions et comprendre ses points forts. « Je suis très doué pour garder le cap. Je suis un bon penseur logique, un “problem solver”. Mais motivationnel ? Même pas en rêve », admet-il. « Je ne sais pas si je recommanderais au moi de l’époque de ne pas s’humilier ainsi. Cela a été douloureux mais formateur. En revanche, je recommande à tous les jeunes managers de ne pas chercher à copier bêtement les leaders qu’ils admirent. S’en inspirer, oui… mais se travestir pour ressembler à un autre ? C’est généralement une très mauvaise idée. »

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« J’évitais les conflits comme personne ! »

Au début des années 2000, le bureau de poste dont Jean-Marie est responsable est sur le déclin. « C’était un secret de polichinelle : un bon facteur connaît sa tournée et ne travaille pas les 35 heures dues à son entreprise. C’était toléré quand la distribution de courrier était l’activité principale du bureau de poste. Cela a été remis en question quand nous avons dû développer d’autres activités : banque, colis… Mon bureau de poste ne dérogeait pas à la règle. Mais comme je n’aimais pas le conflit et que ce sujet était source de tension, j’ai laissé courir… » Quand la pression de sa direction s’accroît et que les attentes en matière de performance se renforcent, Jean-Marie se trouve contraint de monter au front : « J’ai repoussé les discussions difficiles pendant des mois, jusqu’à être au pied du mur. Quand il a fallu que je “resserre la vis” de manière brutale, je suis entré dans un long tunnel de conflits individuels et collectifs qui m’a épuisé. ».

Ce qu’il retient de cette période difficile ? « Les problèmes ne se résolvent jamais d’eux-mêmes ! Je sais aujourd’hui que si j’avais amené les choses progressivement, si j’avais osé mettre le holà bien avant, la situation aurait été plus facile à gérer. » S’il redoute toujours autant la confrontation, Jean-Marie a terminé sa carrière avec sa propre méthode pour éviter que les situations ne s’enveniment : « J’aborde les ébauches de problèmes immédiatement, en privé et calmement. Je ne suis jamais dans l’accusation, je pose simplement des questions jusqu’à ce que mes collaborateurs identifient eux-mêmes les points à corriger, et leurs solutions. »

« J’ai donné plus de travail à des employés qui étaient déjà bons »

Au début de sa carrière de responsable d’un service juridique dans le secteur bancaire, Caroline se trouve confrontée à un dilemme délicat dans la répartition des tâches au sein de son équipe. « J’étais convaincue que la meilleure approche consistait à confier les plus importantes à ceux qui étaient déjà les plus compétents dans leur domaine », explique-t-elle. Une logique qui lui semble alors implacable, et plus efficace. Pourtant, en privilégiant systématiquement les collaborateurs les plus performants, Caroline ne se rend pas compte qu’elle crée involontairement un déséquilibre. « Ceux qui étaient les plus performants étaient en surcharge, et les moins performants n’avaient plus l’opportunité de progresser. Et si les employés les plus compétents attiraient la majorité des tâches, ils gagnaient également la plus grande partie de la pratique. » Aujourd’hui, Caroline a appris l’importance de créer une culture dans laquelle chacun a l’opportunité de progresser et d’en être récompensé. « Je recommande aux jeunes managers que j’accompagne de ne pas sous-estimer l’importance de donner des opportunités à chacun, quel que soit le niveau de compétences actuel. Ce n’est que comme cela que l’on construit une équipe solide et résiliente ! »

Le management est ainsi inexorablement semé d’erreurs qui mènent à l’apprentissage. Mais ces expériences forgent les jeunes managers qui deviennent des leaders expérimentés. Après tout, tout maître Jedi a un jour été, lui aussi, jeune padawan.


Article écrit par Marlène Moreira, édité par Alix Mardon, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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