Le feedback 360° : et si on était évalué par tout le monde ?

16 sept. 2019

3min

Le feedback 360° : et si on était évalué par tout le monde ?
auteur.e
Nora Léon

Communications & content manager

Palier la logique du sempiternel (et parfois stérile) feedback top-down, telle est la noble mission du feedback 360°, où on est évalué par littéralement tout le monde. Notamment par ses supérieurs, collègues, clients, fournisseurs et… soi-même ! Cette méthode globale permettrait plus d’objectivité et d’exhaustivité dans les commentaires qualitatifs sur les compétences managériales et qualités humaines d’un professionnel.

Alors, le feedback 360° est-il vraiment une opportunité unique de grandir dans son job ? Dans cet article, vous découvrirez en quoi il consiste, dans quels contextes on l’utilise, ses avantages éprouvés et ses limites probables.

Le principe : les cadres dirigeants sous l’œil du radar

Pourquoi ?

En un mot, on évalue les capacités managériales et comportementales d’un professionnel. On le fait de manière exhaustive, en sondant tout son écosystème relationnel. Mazette !

Qui ?

Les principaux concernés sont les cadres dirigeants et managers de grandes entreprises. La méthode du feedback à 360°, venue des États-Unis serait d’ailleurs utilisée par 90% des grands groupes. Et pour cause : les cadres ont de nombreux interlocuteurs. Ils sont souvent aussi managers. Donc, leurs qualités comportementales (ou soft skills) sont décisives pour que toute l’équipe soit efficace.

Quoi ?

On passe au crible, à l’aide de questionnaires, les éléments suivants :

  • Les aptitudes en gestion de projet : prise de décisions et priorisation, anticipation des défis majeurs, capacité à encadrer et motiver les équipes, à mener un rétro-planning, gérer les budgets et les imprévus.
  • Les compétences comportementales : leadership, éloquence, force de conviction, vision stratégique, aptitude à innover, réactivité, sang-froid et gestion du stress.
  • Le style managérial : gestion des collègues juste et équitable, communication fluide, capacité à fédérer, déléguer, impliquer et responsabiliser ses équipes, créer une cohésion, apaiser les conflits, faire grandir et fidéliser chacun.
  • L’attitude : gestion des émotions, disponibilité, communication orale, qualité des relations, alignement avec les valeurs de l’entreprise.

Comment ?

On évalue le manager via un questionnaire anonyme. Voici le type de questions auxquelles une liste de sondés répond :

  • Est-ce que vous recommanderiez la personne à quelqu’un à votre niveau ?
  • Recevez-vous souvent des retours sur votre travail ? Sont-ils justes ?
  • Les décisions de cette personne sont-elles stratégiques ? Responsables ? Plébiscitées ?
  • La personne sait-elle complimenter ? Gérer des conflits ? Prioriser ?
  • Votre collègue reconnaît-il ses erreurs ? Est-il convaincant ? Inspirant ?

Le processus comprend trois phases :

  1. La personne répond à un questionnaire sur elle-même.
  2. Les parties prenantes répondent anonymement.
  3. On confronte les perceptions pour repérer des axes d’amélioration et établir un plan de formation le cas échéant.

Quels avantages au dispositif ?

La méthode présente des qualités par rapport au feedback traditionnel :

  • L’objectivité des retours : en croisant plusieurs retours, on dessine des tendances. On apprend ce qu’on n’aurait jamais découvert sur la façon dont on nous perçoit. Le fait que ce soit anonyme et envoyé à plusieurs personnes permet de dire ce qu’on pense sans peur qu’on devine de qui le retour provient. Ils sont souvent sincères. Par exemple, un manager qui croit communiquer de façon claire et briefer précisément peut découvrir que personne ne trouve ses consignes limpides.
  • La boussole comportementale. Le feedback 360° pointe les axes d’amélioration. On peut donc demander les plans de formation correspondants, par exemple une formation à la communication non violente ou pour apprendre à déléguer.

Les dérives possibles

Celles liées à l’outil

  • Des feedbacks incomplets ou bâclés. Le processus requiert du temps simultané dégagé par plusieurs interlocuteurs, ce qui n’est pas toujours possible.

  • De faux feedbacks. En fonction de l’ambiance dans l’équipe, les personnes peuvent cocher de fausses réponses pour faire plaisir ou au contraire nuire. Les résultats sont donc à prendre avec des pincettes car ils peuvent être biaisés si l’objectivité et la bienveillance ne sont pas au rendez-vous.

  • Une réaction défensive. Si le feedback est globalement négatif, la personne peut avoir du ressentiment et détériorer ses relations avec son entourage professionnel. Elle peut aussi être mal à l’aise avec l’exercice de confrontation de ses ressentis à ceux des autres. Cela peut mener à une paranoïa globale au sein des équipes.

Celles liées aux motivations de l’organisation

Ce dispositif est de la grosse artillerie. Il mobilise plusieurs personnes pendant une heure, dans un but souvent bienveillant d’évolution de carrière. Tout est donc possible si rien n’est signé, c’est-à-dire si le questionnaire n’est pas protégé par une clause de non utilisation à des fins autres que le feedback. Dans des contextes avant tout économiques, d’autres motifs cachés peuvent être :

  • D’évaluer les performances du cadre et en fonction des feedbacks, selon des grilles ou des critères discriminants, afin de refuser une promotion ou augmentation.
  • De prouver au travers des retours écrits de collègues un dysfonctionnement comportemental (le harcèlement moral par exemple) pour licencier la personne.
  • De piloter des jugements injustes dans le but de pousser à la démission.
  • De briser l’anonymat d’un collègue pour lui reprocher sa mésentente avec un manager ou même fournir à ce dernier le questionnaire, ce qui pourrait créer des conflits enlisés très difficiles à dénouer.

Moralité : le feedback 360° est pertinent s’il est bien canalisé par les RH dans le seul but de faire évoluer un cadre à haut potentiel. Pour autant, il fournit des données qualitatives sur les aspects les plus intangibles d’une personne (les soft-skills). En fonction de l’organisation, il peut donc devenir un puissant — et dérangeant — outil au service des plus basses besognes. C’est donc une opportunité à saisir uniquement dans les boîtes saines qui ont compris que faire continuellement grandir leurs employés… est dans leur intérêt.

Photo d’illustration by WTTJ

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