Flex office : « Je vis mal cette nouvelle version du bureau » Que faire ?
28 sept. 2021
5min
Journaliste - Welcome to the Jungle
Télétravail, chômage partiel, flex office… Nombreux ont été les aménagements mis en place par les entreprises pour faire face à la crise sanitaire. Et alors que cette dernière habitude perdure encore aujourd’hui, 55% des entreprises en France ont déclaré envisager la mise en place définitive du flex office. L’idée ? Oublier les bureaux attitrés et travailler où bon nous semble dans les locaux. Mais si la pratique présente des avantages non négligeables, le ressenti côté salarié n’est pas aussi enthousiasmant que prévu. Zoom sur un phénomène à double tranchant avec Jean-Claude Grosjean, coach professionnel et auteur de l’ouvrage Culture Agile.
Le bureau mobile, plus connu sous le nom de flex office, consiste pour un salarié à ne plus avoir de bureau attitré. « Ce mode d’aménagement, explique Jean-Claude Grosjean, est d’abord né dans les années 1990 au sein des grands cabinets de conseil pour réduire les coûts immobiliers, car une grande partie des bureaux étaient inoccupés ». Depuis, la pratique s’est démocratisée et semble même être apparue comme la meilleure solution pour faire face à la crise sanitaire des derniers mois. Et pour cause, elle met fin aux bureaux fermés et invite les managers à travailler au plus près de leurs collaborateurs. « De plus, le flex office s’accompagne généralement de plus d’espaces collectifs et d’éléments favorisant le bien-être du salarié », ajoute le coach professionnel.
Pourtant l’envers du décor semble moins réjouissant qu’il n’y paraît. En effet, la pratique ne répond pas tant à des préoccupations sociétales et aux attentes des salariés mais plutôt à une logique économique. « Le flex office n’est pas proposé mais plutôt imposé, nuance l’auteur de Culture Agile. Ce sont donc les salariés qui doivent adapter leur travail, leurs activités, leur expérience à cette nouvelle contrainte environnementale. » Mais qu’en pensent concrètement ces derniers ?
Angoisse, solitude et injustice… Tour d’horizon des inconvénients
Souvent imposé depuis la pandémie de Covid 19, la plupart des salariés ont découvert le flex office sans jamais avoir été préparés à ce mode de fonctionnement. Et si certains se sont vite habitués à la pratique, d’autres ont rapidement vu émerger des inconvénients au quotidien. Parmi eux, un problème d’organisation s’est notamment présenté au plus grand nombre.
Frédérique, cadre dans un laboratoire pharmaceutique, a toujours eu un bureau pour elle seule, mais pendant le confinement, son entreprise s’est progressivement tournée vers l’open space avant d’opter pour le flex office à temps plein. « Certains jours, la plus grande difficulté quand on arrive le matin ou au cours de la journée est tout simplement de trouver une place où s’asseoir, confie-t-elle. Et selon l’heure, on peut perdre beaucoup de temps à tourner en rond, voire ne pas trouver de bureau disponible du tout. Il ne reste alors plus qu’à rentrer chez soi ». Car si le flex office est mis en place pour optimiser l’espace, il se fait parfois au détriment même du nombre de salariés. Il n’est donc pas rare de se retrouver dans ce genre de configuration déplaisante à souhait.
Julia, quant à elle, y voit un réel problème d’inégalité. Elle est stagiaire dans une grande tour à la Défense où chaque étage est en flex office depuis maintenant quelques mois. « En ce qui concerne le placement, j’ai vraiment l’impression que tout dépend de ton statut hiérarchique dans la boîte. Les meilleurs bureaux avec deux écrans, plus spacieux, près des fenêtres sont toujours occupés par les boss. Et on a beau te dire qu’aucun bureau n’est attitré, en tant que stagiaire tu te sens moins légitime de t’asseoir où tu veux. » Une vraie pression sociale dans le placement donc, qui renforcerait davantage les différences entre les statuts au lieu de les rapprocher.
Enfin, la dimension sociale serait également mise en danger par ce système bien pensé. Et en effet, difficile de se lier avec son voisin de table quand celui-ci n’est jamais le même ! Pour Julia, le flex office est loin d’encourager à connaître ses collègues. « Plus personne n’est identifié par son bureau. Ça limite les discussions informelles lorsque tu ne sais pas où sont les gens ! » Idem pour Yannis, un attaché presse dont la créativité est mise à mal, faute d’échange. « Produire du contenu n’est, à mes yeux, pas vraiment compatible avec un tel modèle de communication », regrette-il en s’accommodant tant bien que mal. Sans compter que « sur le plan individuel, le sentiment d’appartenance peut décroître car le flex office impacte négativement la sécurité psychologique du salarié au travers d’une perte de repères », conclut Jean-Claude Grosjean. Une indifférence entre les salariés semble alors se généraliser, sans possibilité de creuser en raison du manque de temps que dure la proximité.
L’importance d’en parler
Malgré sa bonne volonté apparente, le flex office semble donc comporter de nombreux désavantages pour le salarié. Pour répondre à ces problématiques multiples, une seule option demeure : parler de son mal-être. En effet, le flex office s’organise de manière verticale, il est donc essentiel de faire savoir à son supérieur si ce système fonctionne ou non. « Car s’il peut toujours exister des astuces pour contourner le règlement et conserver un bureau plusieurs jours d’affilée, observe Jean-Claude Grosjean, ce ne sont pas des solutions viables sur le long terme. » Mieux vaut trouver une issue qui corresponde au mieux à ses attentes de conditions de travail. Parmi elles, quatre s’offrent à vous :
Garantir des espaces par équipe
« Sur le plan collectif et plus particulièrement pour les équipes travaillant dans une dynamique agile, le flex office est un véritable problème, analyse Jean-Claude Grosjean. Celles-ci ont besoin d’un environnement stable propice à la collaboration, de proximité et de management visuel ». Aussi, négociez avec votre manager et les ressources humaines pour garantir dans les locaux des zones protégées, des espaces réservés où les équipes pourraient conserver leurs habitudes au moins le temps d’un projet… Ou plus.
Réserver sa place en amont
« En ce qui concerne le ressenti du salarié en lui-même, seul un ajustement individuel pourra convenir », confie l’expert. Pourquoi alors ne pas négocier, là encore avec son supérieur et les ressources humaines, un système de réservation des places ? À chacun son jour, à chacun son bureau. Un moyen finalement assez facile de ne jamais errer sans but et de ne plus subir le flex office en organisant soi-même son emploi du temps.
Négocier du télétravail
Vous faîtes face à des réticences quant à d’éventuels changements ? Profitez-en alors pour demander davantage de télétravail individuellement. « Il est important d’obtenir le cadre qui nous convient », appuie Jean-Claude Grosjean. Inutile de vous rendre au bureau si le déplacement vous procure des maux d’estomac. Et qui sait, le moment est peut-être venu d’en profiter pour changer de lieu de vie ? Alterner campagne et bureau pourrait peut-être enfin se réaliser.
Partir
Enfin, si la situation ne peut se débloquer en raison d’un refus catégorique venant d’en haut, peut-être est-il alors temps de quitter l’entreprise en question. Nul ne peut vous imposer une situation avec laquelle vos valeurs ne seraient pas en accord. D’autant plus que toutes les entreprises ne sont pas des adeptes du flex office : il sera toujours possible de retrouver le même poste ailleurs, dans un environnement qui vous conviendra au quotidien. Voire même profiter de cette impulsion pour repartir de zéro ?
La pratique du flex office est donc loin d’être aussi facile que le papier ne le laissait penser. Mais bonne nouvelle, malgré ce qu’il y paraît, il n’y a pas de fatalité. Il ne reste alors plus qu’à vous poser les bonnes questions, à en parler, à négocier et surtout à vous écouter.
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Édité par Manuel Avenel ; Photo Thomas Decamps
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