Leadership transformationnel : pourquoi fait-il tant parler de lui ?

30 mai 2024

7min

Leadership transformationnel : pourquoi fait-il tant parler de lui ?
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Sylvain Guillet

Journaliste web

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Le leadership transformationnel n’est pas un management de surface : il mise sur l’épanouissement individuel pour fédérer les équipes autour d’un objectif commun.

Et si le rôle du manager n’était pas seulement coercitif (donner des ordres), mais aussi libérateur et autonomisant ? Le leadership transformationnel propose une approche centrée sur le développement personnel, l’empowerment, l’inspiration et l’adhésion à des valeurs communes. Le leader « transforme » l’individu et révèle son plein potentiel, tout en l’aidant à se sentir plus connecté à l’écosystème organisationnel. Pour mieux comprendre l’impact du management transformationnel, nous avons rencontré Jean-Luc Neve, coach en entreprises et formateur en management, et Julien Godefroy, auteur, formateur et coach en management, du blog reussir-son-management.com.

Qu’est-ce que le leadership transformationnel ?

Le terme de « leadership transformationnel » est apparu pour la première fois dans les années 1970, avec la parution du livre Rebel Leadership: commitment and charisma in a revolutionary process (J. V. Downton, 1973). Pour Julien Godefroy, le leadership transformationnel « se caractérise par un style de leadership qui inspire, motive et engage les membres de l’organisation à atteindre des objectifs communs en mettant l’accent sur la vision, l’innovation, l’encouragement ou encore le développement personnel. »

Sur le Web et dans les livres sur le management, chacun y va de sa définition. L’une d’entre elles a le mérite d’être courte mais impactante : dans Une leçon de leadership transformationnel, Michel N. Christophe, coach transformationnel, écrit que « le leadership transformationnel consiste à transformer l’impuissance intériorisée. » Selon cette définition, le collaborateur est un être en devenir, et il ne tient qu’au leader de donner à chaque individu les moyens d’une transformation intérieure.

Mais dans quels buts ? Premièrement, aider les collaborateurs à atteindre leur plein potentiel. Ensuite, changer le regard que chaque individu porte sur son travail, pour augmenter l’adhésion aux projets et aux valeurs de l’entreprise. Et enfin, mettre l’intelligence collective au service d’objectifs communs.

Similaire au management persuasif, le leadership transformationnel se distingue néanmoins par son approche plus profonde de la relation manager-managé. Il ne s’agit pas seulement de « convaincre » ses collaborateurs, mais de renforcer leur engagement en les amenant, via une transformation personnelle accompagnée, à trouver un sens à leur travail.

En 1985, Bernard M. Bass, un professeur et chercheur en leadership, a mis au point la « théorie du leadership transformationnel de Bass », qui décrit l’essence du leadership transformationnel en 4 grandes caractéristiques
(les fameux 4 I’s) :

1. Influence Idéalisée (Idealized Influence)

C’est le charisme et la capacité d’un leader à être un modèle pour ses collaborateurs. Il inspire la confiance, le respect et l’admiration de son équipe en incarnant des valeurs et des comportements exemplaires. Il agit comme un modèle à suivre.

2. Motivation Inspirante (Inspirational Motivation)

Ici, l’objectif est d’inspirer et motiver ses collaborateurs. Le manager articule une vision claire et attrayante, définit des objectifs ambitieux et encourage son équipe à les atteindre. Il communique de manière convaincante et mobilise les émotions positives pour galvaniser ses collaborateurs et les inciter à donner le meilleur d’eux-mêmes.

3. Considération Individuelle (Individual Consideration)

Elle met l’accent sur l’attention personnalisée que le manager accorde à chaque membre de son équipe. Les leaders qui pratiquent la considération individuelle reconnaissent et valorisent les besoins, les intérêts et les contributions uniques de leurs collaborateurs. Ils créent un environnement de travail où chacun se sent écouté, soutenu et respecté, favorisant ainsi le développement personnel et professionnel de chaque individu.

4. Stimulation Intellectuelle (Intellectual Stimulation)

Cette dimension implique la promotion de la réflexion critique, de l’innovation et de la créativité au sein de l’équipe. Il s’agit d’encourager les collaborateurs à remettre en question le statu quo, à explorer de nouvelles idées et à résoudre les problèmes de manière novatrice. Cela favorise un climat où la prise de risque réfléchie est encouragée, où les erreurs sont perçues comme des opportunités d’apprentissage et où le développement des compétences est valorisé.

Leadership transformationnel vs leadership transactionnel

Pour mieux comprendre ce qu’est le leadership transformationnel, il faut d’abord définir ce qu’il n’est pas. Et comme toute chose n’existe pas sans son contraire, intéressons-nous à ce qui s’éloigne le plus de la philosophie transformationnelle : le leadership transactionnel.

Le leadership transactionnel repose sur l’idée que la relation entre le manager et ses collaborateurs est de nature purement contractuelle : le manager établit un cahier des charges visant à atteindre des objectifs tangibles, et réunit des travailleurs dont les compétences permettent d’exécuter les tâches indispensables à l’atteinte de ces objectifs.

Le leadership transactionnel utilise le management directif comme levier d’action, avec un mode décisionnel vertical (descendant). L’ensemble des missions sont définies en amont par le décisionnaire, puis réparties entre les différents membres de l’équipe. Le ciment qui unit les collaborateurs et le manager est constitué d’un système de récompenses-sanctions selon les résultats obtenus.

Au contraire, le leadership transformationnel implique d’inspirer et de motiver les membres de l’organisation à atteindre des objectifs communs, en mettant l’accent sur la stimulation intellectuelle, l’encouragement individuel, la considération et l’inspiration.

Management transformationnel : quels atouts pour l’entreprise ?

Le leadership transformationnel n’est pas seulement un phénomène de mode. Depuis les années 80, les études consacrées à ce sujet ne cessent de croître et des spécialisations en leadership transformationnel ont même vu le jour dans certaines écoles de management. Mais alors, pourquoi ce style de management progresse-t-il aussi bien tant au sein du monde académique que du monde professionnel ?

Engagement des collaborateurs

Ne vous contentez pas de déléguer. L’être humain a besoin de se sentir utile pour fonctionner à son maximum ; et pour cela, c’est au manager d’opérer le changement d’état d’esprit chez ses collaborateurs. Dans une société où 1 tiers des travailleurs pensent avoir un bullshit job, il est plus que temps d’utiliser les ressources du leadership transformationnel pour améliorer leur motivation intrinsèque : « Les équipes doivent sentir qu’elles sont au cœur du projet et que leurs actions ont de vrais impacts. », préconise Julien Godefroy.

Aider les collaborateurs à se situer dans l’écosystème organisationnel est donc un puissant vecteur d’engagement : «Le fait de permettre aux salariés de contribuer aux transformations de leur environnement de travail joue à un niveau bien plus profond. Ils ont le sentiment de participer à quelque chose de plus grand. La transformation qu’ils opèrent au quotidien au sein de leur « microsystème » concourt à celle de l’entreprise et par diffusion, de la société. », selon Jean-Luc Nève.

Résultats et performances

D’un point de vue opérationnel, le leadership transformationnel a su démontrer son impact sur la productivité et les performances d’équipe. En 2011, une méta-analyse regroupant les résultats de 113 études menées sur le leadership transformationnel ne laisse aucun doute sur les bénéfices de ce style de management : l’ensemble des critères de performances montrent une corrélation positive entre le leadership transformationnel et les performances individuelles et collectives.

Plus récemment, une autre étude publiée dans le Future Business Journal (FBUJ) a confirmé l’impact du leadership transformationnel sur les performances des collaborateurs, tout en soulignant les effets positifs sur la motivation intrinsèque et, dans une moindre mesure, sur les risques de burnout et de social loafing (flânerie sociale).

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Innovation et résilience

Pour Jean-Luc Nève, « Le management transformationnel se distingue par sa capacité à inspirer et à mobiliser les individus vers des objectifs communs, ce qui favorise l’innovation et l’adaptabilité organisationnelle. Contrairement à d’autres approches plus directives, il encourage l’autonomie et la responsabilisation des membres de l’équipe. » Les collaborateurs ne sont pas enchaînés à une mission spécifique et ont une compréhension plus globale de leur impact sur l’organisation. Leur travail a plus de sens car ils ne se contentent pas d’obtenir de bons résultats, mais se sentent unis au destin de l’entreprise. Ce sentiment d’appartenance encourage la prise d’initiative et la flexibilité, poussant les salariés à se dépasser, à s’adapter et à innover pour contribuer au succès de cette aventure collective.

Transmission de l’ADN de l’entreprise

On pense souvent que les valeurs de l’entreprise sont inscrites dans le marbre, et que les nouveaux employés en deviennent automatiquement des ambassadeurs dès qu’ils mettent un pied au bureau. Alors qu’en réalité, c’est le rôle du manager d’incarner la culture de son entreprise, et de la transmettre à ses collaborateurs grâce à des leviers transformationnel : « Il est évident qu’on ne peut pas changer les comportements de quelqu’un avec qui on n’a pas de contact, affirme Jean-Luc Nève. La réponse consiste alors à agir sur l’environnement que l’on peut modifier. Si l’on manage au quotidien 5 personnes seulement, et si l’on s’astreint à créer cet “espace magique” avec ces salariés proches, dans lequel des valeurs de confiance, de transparence, de solidarité sont déployées, ce que l’on aura tendance à observer est que cette équipe obtient des résultats supérieurs à celles qui l’entourent. Une de ces 5 personnes va alors éventuellement être promue et ira rejoindre une autre équipe de
l’entreprise. Dans ce cas, elle apprendra à cette équipe les leçons que son ex-manager lui a apprises et managera cette équipe selon les mêmes principes, à sa manière. Ensuite une personne de cette équipe sera également promue et intégrera une autre équipe. En quelque temps, vous avez dans l’entreprise, 4 “espaces magiques”, puis 8 etc… Ce que vous faites en tant que manager, très simplement, c’est créer ces « ondes » qui vont se diffuser. Pour cela, considérez systématiquement vos collaborateurs comme les premiers agents du changement de l’ADN de l’organisation.
»

Quels sont les défis auxquels peuvent être confrontés les leaders transformationnels ?

Si vous travaillez avec une équipe qui a été habituée à un mode de fonctionnement particulier (ex : management directif), il faut faire attention à la manière dont vous implantez le changement, au risque de susciter une levée de boucliers de la part de vos collaborateurs : « Pour gérer la résistance au changement lors de la mise en œuvre du leadership transformationnel, les leaders peuvent impliquer les employés dans le processus de prise de décision, expliquer les raisons du changement, fournir des opportunités de formation et de développement, démontrer les avantages du changement à travers des succès tangibles, et offrir un soutien émotionnel aux employés concernés (faire preuve d’intelligence émotionnelle. », suggère Julien Godefroy. Il ne faut donc jamais forcer le changement, mais l’accompagner à l’aide d’une communication ouverte et d’une écoute active.

Néanmoins, même si vous y mettez la forme, le leadership transformationnel est parfois incompatible avec le contexte managérial dans lequel vous vous trouvez : « Le leadership transformationnel peut ne pas être adapté dans des environnements où des décisions rapides et un contrôle strict sont nécessaires, tels que les situations de crise ou les industries fortement réglementées. », selon Jean-Luc Nève.

Mais Julien Godefroy n’est pas forcément du même avis : « En théorie, le leadership transformationnel peut ne pas être adapté dans des situations où une approche plus directive ou autoritaire est nécessaire, nous dit le coach en management. En pratique c’est faux, car le management directif ou autoritaire fonctionne vraiment moins bien que le management transformationnel. Pour moi, le vrai problème est lorsqu’un manager avec une personnalité autoritaire cherche à mettre en œuvre un management transformationnel. Il va manquer de cohérence et il aura des difficultés à adopter les bonnes postures. Les équipes le sentiront et elles auront des difficultés à y adhérer. »

Quel que soit le style de management que vous adoptez, vous avez donc tout intérêt à vous inspirer des principes du leadership transformationnel pour booster l’adhésion et la motivation de vos collaborateurs. On touche à l’essence même du leadership : un leader n’ordonne pas, il mobilise.


Article écrit par Sylvain Guillet, édité par Alix Mardon, photo : Thomas Decamps pour WTTJ