Qui sont ces "salariés protégés" presque invirables ?
28 mars 2019
5min
« Intouchables, invirables, la terreur des employeurs »… Beaucoup de clichés reposent à tort sur les épaules des salariés protégés. Loin d’être les parias de l’entreprise ou les vaches sacrées de la tribu, ils sont de simples salariés. Employés ordinaires, à une exception près : ils bénéficient d’une protection contre le licenciement. La raison de cette protection ? Éviter les représailles de l’employeur qui pourraient résulter de leur fonction particulière au sein de l’entreprise ou de leur état physique.
Qui sont les salariés protégés ? Sont-ils vraiment intouchables ou peuvent-ils être licenciés ? Et en quoi consiste cette protection ? Welcome to the Jungle décrypte ce statut et liste ceux qu’il concerne.
C’est quoi un « salarié protégé » ?
« Tous les hommes ne sont pas vulnérables de la même façon ; aussi faut-il connaître son point faible pour le protéger davantage. » Sénèque
Le représentant du personnel
Défini par le Code du travail aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2, le salarié protégé est un représentant du personnel. Exerçant des fonctions représentatives dans l’entreprise, il s’expose davantage que les autres salariés, ce qui justifie qu’il bénéficie d’une protection singulière contre le licenciement. Autre particularité, il dispose d’un crédit d’heures d’absences nécessaires à l’exercice de sa mission.
Le représentant du personnel peut être :
- un membre élu à la délégation du comité économique et social (CSE) ;
- un délégué syndical (DS) ;
- un membre élu ou un représentant syndical au comité d’entreprise (CE) ;
- un délégué du personnel (DP) ou un délégué interentreprises ;
- un représentant du personnel au comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ;
- un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative ;
- un représentant de la section syndicale (RSS) ;
- un candidat aux fonctions de délégué du personnel ou de membre élu du CE ou du CHSCT ;
- un salarié ayant demandé l’organisation d’élections ;
- un représentant des salariés désigné dans le cadre d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire ;
- un salarié prouvant que l’employeur connaissait l’imminence de sa candidature ou de sa désignation avant d’être convoqué à un entretien préalable au licenciement.
Tous sont protégés à compter de la déclaration de leur candidature, pendant la durée de leur mandat et durant 3, 6 ou 12 mois à l’issue du mandat.
La femme enceinte
Si elle n’est pas officiellement citée au titre des « salariés protégés », la femme enceinte bénéficie néanmoins d’une protection que lui offre le Code du travail.
Qu’elle provienne de la salariée elle-même ou de ses collègues, la révélation de la grossesse à l’employeur déclenche immédiatement un dispositif de protection. Concrètement, l’annonce de la grossesse dépossède l’employeur de son pouvoir de licenciement. Plus fort encore, le licenciement d’une salariée dont la grossesse n’a pas été déclarée est nul si elle révèle son état dans les 15 jours qui suivent son entretien préalable de licenciement.
La femme enceinte est protégée du licenciement, mais pas seulement. Le non-renouvellement d’un CDD arrivé à son terme ou la rupture d’une période d’essai ne peuvent être déterminés par l’état de grossesse d’une salariée. Globalement, l’employeur a l’interdiction de prendre en considération son état de grossesse pour décider de sa mutation ou de la baisse de sa rémunération, et doit l’autoriser à s’absenter pour effectuer les visites médicales obligatoires de suivi.
Le salarié victime d’une maladie ou d’un accident
Comme la femme enceinte, le salarié malade ou accidenté ne rentre pas dans le statut de « salarié protégé », mais il bénéficie néanmoins d’une protection. L’article L. 122-45 interdit tout licenciement d’un salarié « en raison de son état de santé ou de son handicap ». S’il n’existe aucun élément permettant de le justifier, le licenciement prononcé au seul motif que le salarié a été classé en invalidité ou placé en arrêt maladie est nul.
### « Invirables » ? Pas tout à fait…
Porteur de ce statut ou de cet état physique, on se croit souvent intouchable, « invirable ». Qu’en est-il du représentant syndical qui distribue des tracts haineux ? Et de la femme enceinte qui insulte son manager ? Ou du salarié en arrêt maladie qui fait durer sa période de convalescence ? En pratique, le licenciement reste possible, mais dans des conditions légales très strictes.
Le licenciement d’un représentant du personnel
Il n’est pas impossible de licencier un représentant du personnel, même pour motif disciplinaire. Mais, son statut de « salarié protégé » lui offre une protection singulière, orchestrée par une procédure de licenciement très rigoureuse.
En plus de la convocation à l’entretien préalable de licenciement, l’employeur qui souhaite engager une telle procédure est soumis à un certain nombre de contrôles. Après l’entretien et avant la notification du licenciement, l’employeur doit :
- requérir l’avis du comité d’entreprise lorsqu’il existe (ou du CSE, qui remplace progressivement le CE),
- puis, dans les 15 jours, solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail qui conditionne la validité du licenciement.
L’employeur l’informe du motif de licenciement retenu et du mandat du salarié par LRAR (lettre recommandée avec accusé de réception, ndlr.) L’inspecteur réalise alors une enquête contradictoire, avant de rendre sa décision dans un délai de deux mois. Il peut autoriser ou refuser le licenciement, mais doit justifier sa décision qui pourra être contestée. S’il ne respecte pas ces étapes, l’employeur s’expose à des poursuites pénales pour délit d’entrave, passible d’une peine d’un an de prison et de 3 750 euros d’amende.
Femme enceinte et personne malade : une protection relative
Parce qu’ils ne sont pas considérés comme des « salariés protégés », la femme enceinte et le salarié malade ou accidenté ne relèvent pas de cette procédure.
De la révélation de la grossesse au congé maternité, l’employeur n’est pas complètement destitué de son pouvoir de licencier. Il peut encore y procéder lorsque « l’intérêt de l’entreprise le commande ». Dans ce cas, il lui faudra démontrer que sa salariée a commis une faute grave qui n’est pas liée à son état de grossesse ou apporter la preuve de son impossibilité de maintenir le contrat, pour un motif étranger à la grossesse, à l’accouchement ou à l’adoption. C’est le cas d’une mauvaise exécution du travail par la salariée enceinte, d’absences répétées non justifiées par sa grossesse ou d’un comportement excessivement agressif envers son manager.
N.B. : la protection accordée à la femme enceinte reste extrêmement fragile. Ce qui est prohibé, c’est de décider de licencier une salariée pendant sa grossesse ou son congé maternité, mais, quatre semaines après son retour, rien n’empêche l’employeur de la licencier !
Le salarié malade ou accidenté peut être licencié dans les mêmes conditions. La faute grave peut alors résulter d’un comportement antérieur à l’accident ou d’un manquement aux obligations du contrat (exemple : dissimuler à son employeur son état de santé lorsqu’il s’est amélioré).
L’employeur peut aussi invoquer l’impossibilité de maintenir le contrat, notamment quand son absence cause un trouble à l’entreprise ou s’il démontre la nécessité de procéder à son remplacement définitif (exemple : l’arrêt maladie prolongé d’un salarié occupant un poste clé, essentiel au bon fonctionnement de l’entreprise).
Violation de mon statut : quels recours ?
Si le salarié protégé s’estime lésé, il peut contester la décision de l’inspecteur du travail autorisant le licenciement ou saisir le conseil de prud’hommes. Si le licenciement est annulé, le salarié a le droit, s’il le demande, d’être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent et de bénéficier d’une indemnité. De quoi réfléchir à deux fois avant de licencier un salarié protégé…
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