Entreprises : de "good" à "great", il n'y a parfois qu'un pas

02 mai 2019

6min

Entreprises : de "good" à "great", il n'y a parfois qu'un pas
auteur.e
Aglaé Dancette

Fondateur, auteur, rédacteur @Word Shaper

Certaines entreprises prospèrent de manière tout à fait honorable, tandis que d’autres rencontrent un succès franchement incroyable. À partir de 1996, Jim Collins et son équipe composée de 21 chercheurs ont voulu comprendre si les bonnes entreprises pouvaient dans un deuxième temps devenir de très bonnes entreprises. Pendant près de cinq ans, Collins a analysé les données de près de 1 500 entreprises parmi les plus fructueuses pour comprendre ce qui permet de faire le pivot entre être “good” et devenir “great”. Le livre ne rassemble donc pas de théories personnelles, mais les conclusions scientifiques de cette étude.

Du leadership mais avec humilité

D’après l’étude menée par Jim Collins, les leaders qui sont amenés à transformer leur entreprise de façon géniale sont ceux qui conjuguent une forme d’humilité personnelle et d’ambition professionnelle. Ce sont ceux qui mettent leur ego de côté pour servir l’intérêt général de l’entreprise. Jim Collins a remarqué que les dirigeants pétris d’une ambition personnelle trop prononcée empêchent généralement les entreprises correctes d’opérer cette transition vers l’excellence. Au quotidien, cela revient à être capable de prendre pleinement ses responsabilités lorsqu’il y a un problème, sans blâmer les autres ou les circonstances. Les bons dirigeants attribuent généralement leur succès à la chance, alors que les autres s’accordent uniquement le crédit des réussites.

Les dirigeants pétris d’une ambition personnelle trop prononcée empêchent les entreprises d’opérer leur transition vers l’excellence.

D’abord qui, ensuite quoi

Le processus de transformation d’une entreprise, la conduisant à devenir extrêmement fructueuse, commence par le choix des bonnes personnes avec lesquelles collaborer, avant même qu’entre en scène l’étape qui consiste à décider de ce qu’il faut faire. Jim Collins constate que, dans beaucoup d’entreprises moyennes, le dirigeant est vu comme l’esprit supérieur et tous les autres sont simplement là pour aider dans sa démarche. Or l’étude montre qu’il est plus efficace de rassembler la bonne équipe, celle qui sera ensuite capable de trouver les réponses adéquates aux problèmes, plutôt que d’imposer à tous un scénario. Un dirigeant d’entreprise se doit de suivre cette règle qui impose aussi de se séparer des personnes dont le profil est moins adapté.

La recommandation est aussi valable pour les managers en général, ainsi que les entrepreneurs. On est souvent tenté de se concentrer sur une idée et de constituer dans un deuxième temps une équipe autour de ce but à atteindre. Pourtant, Jim Collins remarque que le processus inverse est plus efficace.

Il est plus efficace de rassembler la bonne équipe, celle qui sera ensuite capable de trouver les réponses adéquates aux problèmes, plutôt que d’imposer à tous un scénario.

Se confronter à la réalité

Au cours de leurs recherches, Jim Collins et son équipe ont démontré que, pour enclencher le processus de transformation d’une entreprise, il était indispensable de considérer les problèmes de la boîte de façon totalement transparente et brute. Qu’est-ce qui ne fonctionne pas bien dans l’entreprise et son organisation ? Que faudrait-il améliorer pour franchir un cap ? Autour de ces questionnements, il est important tant pour un manager que pour un dirigeant d’entreprise d’instaurer un climat de confiance afin que les employés puissent prendre part à la conversation et au débat en apportant leurs remarques et idées. Cela peut se traduire de différentes manières au bureau : octroi d’un temps dédié au dialogue chaque semaine ou chaque mois, mise en place d’une boîte à idées, instauration d’une communication interne qui pousse aux échanges et permet de faire le point régulièrement etc.

Pour enclencher le processus de transformation d’une entreprise, il était indispensable de considérer les problèmes de la boîte de façon totalement transparente et brute.

Collins prend l’exemple dans son ouvrage de l’apparition de Procter & Gamble sur le marché des biens de consommation courante dans les années 1960. Face au succès de ce nouvel arrivant, Kimberly-Clark, l’un des leaders du secteur, reconnaissant que les produits commercialisés par P&G étaient de meilleure qualité que les siens, a décidé de s’en inspirer pour opérer sa propre transformation. En acceptant la réalité brute que la marque s’était fait dépasser par ce concurrent, les équipes de Kimberly-Clark se sont servi de ce constat pour sortir plus fortes et finalement repasser devant P&G. Ainsi, en tant que dirigeant d’entreprise, accepter le postulat que l’on est parfois en mauvaise posture permet d’unir ses équipes dans l’adversité et de se surpasser. Inutile donc de chercher à préserver ses employés de la réalité, même lorsqu’elle n’est pas reluisante.

Accepter le postulat que l’on est parfois en mauvaise posture permet d’unir ses équipes dans l’adversité et de se surpasser.

Le concept du hérisson et la culture de la discipline

Jim Collins fait également une différence entre l’ambition que l’on peut avoir pour son entreprise et la compréhension de ce qui fait d’elle une entreprise efficace. Ainsi, le plus crucial pour devenir génial est de cibler objectivement le domaine dans lequel l’entreprise pourrait devenir la meilleure du monde, la plus rentable et la plus passionnée. Plutôt que d’essayer de courir plusieurs lièvres à la fois comme un renard, les chercheurs ont constaté qu’il était plus efficace de se concentrer sur un seul objectif réalisable à la fois, comme le font les hérissons.

Partant de ce principe, il convient d’instaurer une discipline rigoureuse au sein de l’entreprise pour ne pas s’éparpiller dans de multiples domaines. Les entreprises qui semblent davantage réussir sont celles qui apprennent à faire moins de choses à la fois, tandis que les autres ont constamment peur de manquer une opportunité.

Les entreprises qui semblent davantage réussir sont celles qui apprennent à faire moins de choses à la fois.

De l’usage de la technologie

Jim Collins remarque dans ses recherches que les entreprises médiocres ont tendance à sacraliser la technologie et à se reposer dessus. À l’inverse, les boîtes qui parviennent à faire le gap n’utilisent la technologie que pour accélérer leur réussite et non pour la créer de toutes pièces. 80 % des dirigeants interrogés sur le processus de transformation de leur entreprise n’ont pas mentionné la technologie comme un facteur, même dans le cas d’entreprises pionnières dans le domaine, à l’instar de Nucor (entreprise américaine spécialisée dans la sidérurgie depuis les années 1970).

Les entreprises médiocres ont tendance à sacraliser la technologie et à se reposer dessus.

Au quotidien, on a parfois tendance à imaginer que l’on serait plus performant si on était équipé de tel ou tel gadget, que l’entreprise obtiendrait de meilleurs résultats si on proposait une plate-forme numérique ou un service à la pointe de la technologie. Jim Collins nous fait prendre conscience que ce n’est pas toujours la clé de la réussite et qu’au contraire il faut se préserver de ce leurre.

Gravir les échelons un à un

Au cours des cinq ans de recherche qu’a nécessités l’étude menée par Jim Collins et son équipe, il a été établi que les entreprises qui ne parvenaient pas à se transformer pour devenir excellentes essayaient généralement de sauter les étapes le plus vite possible, et par conséquent obtenaient des résultats décevants. Jim Collins a compris que la plupart des très bonnes entreprises n’avaient pas conscience de leur transformation, n’en faisaient pas la publicité et ne se concentraient pas sur une seule décision importante, un grand plan d’action ou une innovation incroyable. Le succès revient à accepter qu’il s’agit là d’un processus qui prend un certain temps et qui n’est palpable que rétrospectivement.

Le succès revient à accepter qu’il s’agit là d’un processus qui prend un certain temps et qui n’est palpable que rétrospectivement.

Jim Collins illustre ce point en prenant l’exemple de Warner-Lambert, le concurrent direct de Gillette à partir des années 1960. À chaque fois qu’un nouveau CEO reprenait les rênes, il arrivait avec un nouveau plan d’action qui freinait tout ce qui avait été mis en place précédemment. Puis, voyant que la nouvelle stratégie ne fonctionnait pas mieux que la précédente dans l’immédiat, sans chercher à en comprendre les raisons, le dirigeant était remplacé. À coup de restructurations et de ce que Collins appelle « la spirale infernale », l’entreprise a finalement disparu à la fin des années 1990, victime de son incapacité à faire preuve de patience et de recul.

À vouloir aller trop vite, nous passons parfois à côté de notre potentielle réussite.

En tant que dirigeant ou manager d’une entreprise, il est tentant de vouloir des résultats rapidement. L’ouvrage de Jim Collins nous fait prendre conscience qu’à vouloir aller trop vite, nous passons parfois à côté de notre potentielle réussite. Il est important d’accepter que la temporalité économique impose un certain laps de temps entre les actions menées et les effets escomptés dans le réel.

Jim Collins a complété son best-seller initialement publié en 2001 à plusieurs reprises. Vendu à plus de 3 millions d’exemplaires, l’ouvrage est considéré comme l’une des bibles du management et démontre qu’en économie le bon peut devenir excellent.

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Photo by WTTJ

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