Managers : 6 pratiques que vos stagiaires détestent
26 janv. 2023
8min
Journaliste
Chers managers, voici des pratiques que nous, stagiaires, trouvons insupportables et encore trop souvent utilisées… À bannir si vous nous accueillez dans votre équipe et que vous ne voulez pas nous dégoûter du monde du travail.
Aujourd’hui, je suis apprenti, et il n’y a pas si longtemps que ça, j’étais stagiaire. Ça m’est arrivé de passer des journées entières à attendre mon maître de stage parce qu’il était trop débordé pour s’occuper de moi… Eh oui, ce statut trop souvent ingrat, pourtant passage obligatoire vers la vie active, va de pair avec des pratiques d’encadrement à proscrire. Si vous vous êtes déjà servi de vos stagiaires comme de la main d’œuvre temporaire ou qu’à la fin de leur expérience, ils connaissaient mieux les dosettes Nespresso que les dossiers de la boîte, c’est que vous avez perdu de vue l’objectif de ces périodes d’apprentissage en entreprise… et sincèrement, on trouve ça insupportable. Je vous dis pourquoi et comment y remédier. En route pour devenir un maître de stage exemplaire !
Pratique n° 1 : utiliser votre stagiaire comme de la main d’œuvre temporaire
Pourquoi on déteste ça ?
Au vu de la faible gratification offerte aux stagiaires, il peut être tentant de faire appel à eux pour pallier le manque de « vrais » employés et ainsi les faire travailler au-delà de ce qu’ils devraient. Pour certains, comme Claire Despagne, l’entrepreneuse qui rêve de faire sauter la limite des 35 heures par semaine, cette pratique est courante. Pourtant je vous assure que nous avons horreur d’assurer le travail de collaborateurs absents alors que les compétences peuvent nous manquer. Surtout que nous ne sommes pas là pour jouer les bouche-trous mais pour apprendre dans le cadre de notre cursus. Et, pour rappel, la loi interdit de nous utiliser comme tel.
En quoi c’est un mauvais calcul ?
Si vous souhaitez avoir une personne compétente et efficace dans son domaine, recrutez plutôt quelqu’un qui a déjà fait ses preuves. Ce n’est pas le même coût au départ, on est d’accord, mais le retour sur investissement est assuré, puisqu’un profil expérimenté sera plus vite opérationnel et que vous éviterez le turnover de stagiaires (et tout ce que cela implique). N’oubliez pas non plus que les étudiants d’aujourd’hui sont les talents de demain. Dans 5 ans, vous pourriez croiser la route de ce stagiaire que vous avez malmené… Ce serait dommage de vous handicaper dans une course aux meilleures recrues de plus en plus complexe. Sans compter que votre image de marque en sortirait abîmée.
Mes recommandations ?
Messieurs-dames les managers, ne vous servez pas des stagiaires à mauvais escient ! Laissez-nous du temps pour apprendre et pour réfléchir aux actions que l’on mène en entreprise. Vous avez tout à y gagner. Nous vous glisserons sûrement des idées que seul un œil neuf peut avoir et nous deviendrons de meilleurs professionnels. Si vous enchaînez les signatures de conventions de stage plutôt que celles de CDD et CDI, c’est peut-être le moment de faire un audit de votre stratégie de recrutement ?
« Confiez-nous des tâches accessibles au début, comme trier des dossiers, participer à des réunions et rédiger des compte-rendus, pour progressivement monter en puissance. »
Pratique n° 2 : confier au stagiaire la préparation du café
Pourquoi on déteste ça ?
Premier jour dans un stage, un nouveau chapitre commence ! Bien habillé et dans de bonnes dispositions, on s’apprête à découvrir un écosystème inédit… Raté. La journée sera avant tout consacrée à s’occuper des tristement mythiques dosettes à café et de toutes les autres tâches ingrates comme les photocopies. Si dans le point précédent on notait l’importance de ne pas être le remplaçant d’un titulaire indispensable à l’équipe, ici il s’agit de faire preuve de bon sens. Réaliser des tâches simples au début de notre stage, quoi de plus normal ? Mais préparer votre latte supplément cannelle, non ce n’est pas notre rôle et cela ne nous met pas dans les conditions idéales pour travailler. Il ne faut pas oublier que nous faisons des études dans un domaine précis : sans faire injure aux baristas, nous attribuer uniquement ce genre de tâches est un peu réducteur et garantit de longues journées d’ennui. Stimulez-nous !
En quoi c’est un mauvais calcul ?
Pour l’entreprise, il en ressort un manque d’ambition flagrant. Faire aussi peu confiance en un nouveau venu ne donne pas envie de s’investir dans le stage. Conséquence : vous risquez de nous perdre au tout début de notre période d’immersion et si le stage dure 6 mois, ça va faire long le désengagement…
Mes recommandations ?
Je vous recommande de soigner notre onboarding en accordant du temps à notre formation. Chaque stagiaire est différent alors tenez compte de notre niveau d’études et de nos soft skills. Confiez-nous des tâches accessibles au début, comme trier des dossiers, participer à des réunions et rédiger des compte-rendus, pour progressivement monter en puissance. Des ajustements seront toujours possibles en fonction de l’envie et des capacités de chacun. Si vous avez un doute, vous pouvez aussi nous confier des exercices avant de nous faire sauter dans le grand bain !
Pratique n° 3 : mélanger le pro et le perso
Pourquoi on déteste ça ?
Ici on ne parle pas de se désintéresser de la personnalité de votre stagiaire, c’est même au contraire très appréciable de voir qu’un maître ou une maîtresse de stage cherche à en savoir plus sur nous. Ce qui est moins sympathique, c’est de devoir prendre vos rendez-vous chez le dentiste ou gérer de la paperasse personnelle au lieu des courriers administratifs de l’entreprise. Nous sommes très contents de savoir que l’opération de votre dobermann vous a coûté 300 €, mais nous doutons de la valeur ajoutée de ce type de mission. Nous avons besoin que vous traciez des limites claires entre la maison et le bureau. Au-delà du fait que ce mélange des genres peut nous mettre mal à l’aise, nous ne sommes ni votre nounou ni votre psy !
En quoi c’est un mauvais calcul ?
Cela ne nous donne pas l’impression d’avancer dans notre cursus, or si nous sommes en stage, c’est précisément pour cette raison. La loi veut d’ailleurs que ce que nous ayons à traiter soit en rapport avec nos études. À l’heure où l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle est difficile à trouver, c’est en plus un mauvais signal que vous nous envoyez.
Mes recommandations ?
Pour donner du sens à notre expérience de stagiaire, veuillez faire le tri dans les documents que vous nous confiez… et dans les discours que vous tenez. Le stagiaire vous remercie d’avance, et on espère quand même que votre dobermann va mieux !
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Pratique n° 4 : négliger l’intégration et la sortie de vos stagiaires
Pourquoi on déteste ça ?
En tant que manager, vous êtes bien loin de la période estudiantine. Les formations et les stages ont pourtant rythmé votre parcours et vous avez sans doute, comme beaucoup, connu des intégrations en entreprise catastrophiques. Vous savez, quand on vous accueille très brièvement et que vous êtes aussitôt livré à vous-même. Ça m’est déjà arrivé et c’est très désagréable, ça donne l’impression d’être transparent comme Boo dans Mario Kart. C’est assez violent et ça ne nous met pas en confiance. Alors ne reproduisez pas les mêmes erreurs. Il y a des faux pas à ne pas commettre lors de notre arrivée.
En quoi c’est un mauvais calcul ?
La première semaine est cruciale pour que l’on prenne bien nos marques et que l’on soit à l’aise avec le fonctionnement de l’entreprise. Si notre onboarding est mal (ou pas) pensé, vous risquez de nous voir disparaître du jour au lendemain. Et si l’on décide quand même de rester, la suite du stage sera douloureuse pour nous parce qu’on sera déboussolé, on ne se sentira ni intégré ni engagé, et pour vous, parce qu’on sera un poids mort pour toute l’équipe.
Mes recommandations ?
Préparez la phase d’onboarding en amont et soignez le programme de notre premier jour. Si vous n’êtes pas disponible à notre arrivée, plutôt que de nous laisser errer dans l’open space, dites à un collègue de confiance de nous accueillir. L’idéal est de prévoir un déjeuner de bienvenue, qui permettra à la nouvelle tête de savoir où elle met les pieds et de rencontrer l’équipe. Pensez à nous faire découvrir les différents services et misez sur la formation (aux outils, aux problématiques de la boîte…). Cette entrée en douceur nous offrira le temps de gagner en autonomie. Et à la fin du stage, mettez en place une stratégie d’offboarding, tout aussi essentielle. Rien de pire que de se sentir comme un stagiaire parmi tant d’autres, alors si vous le pouvez, faites un petit cadeau ou un repas de départ. Donnez-nous un feedback sur notre stage et le tour est joué ! On éprouvera de la reconnaissance et vous, vous soignerez votre marque employeur, c’est du gagnant-gagnant.
Pratique n° 5 : ne pas communiquer suffisamment
Pourquoi on déteste ça ?
Comme avec vos collaborateurs en poste, il faut beaucoup dialoguer avec nous, voire plus, car nous découvrons le monde de l’entreprise, et nous avons autant besoin qu’envie d’apprendre. Qui n’a jamais été désarçonné en étant laissé de côté lors d’un stage ? En ne comprenant pas concrètement ce qu’on attendait de lui ? Nous ghoster ou faire de la rétention d’informations nous bride et nous empêche d’avoir un sentiment d’appartenance à l’entreprise. Plus grave, cela peut nous dégoûter d’un métier ou d’un secteur tout entier.
En quoi c’est un mauvais calcul ?
Vous n’avez pas envie que l’on passe nos après-midis sur Netflix et nous non plus. Apportez-nous de la considération, ne soyez pas avare en consignes et conseils, on vous le rendra bien en s’investissant tout au long de notre période de stage. D’autant plus que le lien de confiance entre manager et stagiaire ne peut exister sans une bonne communication. Or c’est la condition d’un stage réussi pour les deux parties. À quoi bon nous accueillir si c’est pour ne rien nous transmettre ?
Mes recommandations ?
Pour remédier à ça, il faut nous donner une feuille de route claire et réalisable, et ajuster régulièrement nos objectifs. Si vous êtes en télétravail, appuyez-vous sur des outils de communication internes comme Slack, histoire de ne pas perdre le lien. Organisez un point hebdomadaire pour assurer le suivi et créer un espace bienveillant où l’on pourra partager nos remarques et questions. Et puis, on apprécierait vraiment d’entendre ce que l’on fait de bien et ce que l’on peut améliorer. Surtout, acceptez le fait que nous allons sûrement commettre des erreurs et c’est normal ! On est en phase d’apprentissage, si on en fait, ça veut dire qu’on essaye et qu’on progresse. Encouragez-nous !
« Faites-nous aussi confiance quand on travaille en pyjama. »
Pratique n° 6 : ne pas autoriser le télétravail et entretenir le présentéisme
Pourquoi on déteste ça ?
Spoiler : nous faire prendre le métro tôt pour travailler dans un coin au bureau ne nous rendra pas plus performant (cela peut même être le contraire). Évidemment, pas question de nous mettre en full remote pendant 6 mois, ça compliquerait notre expérience et nous isolerait alors que nous sommes aussi là pour tisser du lien avec les membres de l’équipe. Au début de notre immersion, il est logique que nous venions au bureau. Mais ensuite, nous ne comprenons pas que l’on nous refuse des jours de télétravail, surtout lorsque notre manager n’est pas dans les locaux. On aime parfois profiter du calme de notre studio d’étudiant pour se consacrer aux tâches qui demandent de la concentration. Et on veut être logés à la même enseigne que tous les collaborateurs.
En quoi c’est un mauvais calcul ?
Ne pas accepter le travail à distance (quand c’est possible, bien sûr) montre que votre entreprise n’a pas évolué sur cette problématique alors que le télétravail s’est démocratisé depuis la crise Covid. Les étudiants comme le reste des actifs sont en quête de plus de flexibilité, et c’est une bonne chose pour votre marque employeur que de prouver que vous êtes ouvert au distanciel. C’est d’ailleurs un levier pour nous convaincre de postuler à un stage dans votre organisation. Faites-nous aussi confiance quand on travaille en pyjama.
Mes recommandations ?
Nous laisser prendre des jours de télétravail en même temps que notre manager, ou un jour par semaine s’il n’en prend pas, ne va pas nuire à notre productivité et notre volonté de bien faire pendant le stage. Au contraire. La crise sanitaire a permis d’adopter des outils de communication comme Slack ou Teams, et des bonnes pratiques pour ne pas rompre le contact et assurer l’accompagnement même à distance. Initiez-nous au travail hybride, qui n’est pas prêt de disparaître, et laissez-nous de l’autonomie : c’est un gage de confiance qui va alimenter notre motivation. En plus, c’est autorisé par la loi, alors dépassez vos aprioris !
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Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ
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