Entretien annuel : 7 phrases qui démotivent vos talents (et leurs alternatives)
28 janv. 2025
7min
L'entretien annuel, temps fort managérial souvent redouté, est pourtant crucial pour la fidélisation des talents. Pour en faire un moment constructif, les managers doivent maîtriser leur communication et éviter certaines maladresses. Quelles sont les phrases à bannir et comment formuler ses messages efficacement ?
Crucial pour déterminer les grandes orientations de l’année à venir, l’entretien annuel est aussi une source d’appréhension pour bon nombre de salariés. D’après une étude d’Opinion Way pour Javelo en 2022, 41 % des salariés redoutent ce temps fort. Et pour près de la moitié d’entre eux, cet échange est avant tout corrélé à un pic de stress. Mais pourquoi un tel malaise ? Pour 47 % des salariés interrogés, tout se joue dans leur capacité à se justifier à l’oral, ou encore que les enjeux répondent une logique subjective où le rapport de force avec l’employeur est déséquilibré. Dans la liste des doléances, les salariés soulignent aussi le fait que l’entretien annuel n’est pas assez suivi d’actions concrètes.
Et comme si cela ne suffisait pas, vos collaborateurs redoutent également certains éléments de langage et autres phrases maladroites. Or, une communication bien maîtrisée peut avoir des conséquences positives sur la rétention de vos talents. Ainsi, près de 4 salariés sur 5 pourraient être davantage fidélisés et motivés, s’ils bénéficiaient de meilleurs entretiens. Comment tirer le meilleur parti de ce temps fort pour booster l’engagement des équipes, et in fine la performance globale de l’entreprise ? Quelles sont ces formulations à laisser de côté, et leurs alternatives pour des entretiens vraiment constructifs ?
« Je me suis battu pour toi / pour ton augmentation »
Le degré de frustration de vos salariés : mode Gladiator activé
Pourquoi c’est problématique :
Cette phrase infantilise le collaborateur en suggérant que l’augmentation dépend du talent de négociation du manager plutôt que de ses performances, ses efforts, son investissement. Elle crée une relation de dépendance malsaine, et dévalue les accomplissements du salarié.
- L’alternative constructive :
« Ton augmentation reflète la qualité de ton travail et ta contribution à l’équipe cette année. Voici précisément les réalisations qui ont justifié cette décision… » En étayant votre prise de décision avec des faits concrets, vous renforcez la légitimité de la reconnaissance et saluez les résultats de votre collaborateur pour ce qu’ils sont. Une posture d’autant plus primordiale que, pour 76 % des salariés, cette reconnaissance de l’entreprise mérite de passer tout autant par les paroles que par les actes. Sans oublier que cette phrase peut particulièrement vous desservir, tant cette phrase compte parmi les expressions les plus galvaudées de la langue de bois managériale.
« Ah bon, ça te surprend ? »
Le degré de frustration de vos salariés : effet kiss cool non désiré
Pourquoi c’est problématique :
Cette réaction révèle un dysfonctionnement profond dans la relation manager-managé. Un entretien annuel ne devrait jamais contenir de réelles surprises. En termes de management, cette phrase traduit un manque de communication continue qui peut générer une perte de confiance durable.
- L’alternative constructive :
Pour éviter toute découverte plus ou moins désagréable pour votre talent lors du seul moment de l’entretien annuel, il vous appartient de mettre en place un système de feedback continu tout au long de l’année. Cela peut passer par des points mensuels sur les objectifs, des feedbacks immédiats après un projet important ou encore des sessions informelles régulières de coaching. Une stratégie adoptée par de nombreuses entreprises comme Gap, Adobe ou Zara qui, pour réduire leur turn-over et augmenter la satisfaction de leurs salariés ont créé un système d’évaluation continue, au cours duquel les employés sont amenés à s’exprimer sur différents points comme leur charge ou leurs conditions de travail.
« Tu aurais dû / pu faire comme ça… »
Le degré de frustration de vos salariés : la bouteille à moitié vide
Pourquoi c’est problématique :
Les phrases orientées vers le passé et qui ne proposent aucune solution constructive pour l’avenir sont à éviter. En effet, 90 % des salariés qui reçoivent un feedback négatif sortent démotivés de l’échange et 80 % d’entre eux pourraient même quitter l’entreprise pour un autre job. Donc prenez le temps de segmenter l’entretien entre les points positifs et les axes d’amélioration, sans émettre ce qui peut s’apparenter à un jugement de valeur.
- L’alternative constructive :
Une bonne culture du feedback est si essentielle, que l’entreprise Netflix a théorisé sa fameuse méthode 4A. L’objectif ? Si la critique est nécessaire, vous pouvez tenter une technique constructive consistant à formuler le feedback en trois points : d’abord souligner les points positifs, puis les axes d’amélioration et enfin la recherche de solutions. N’oubliez pas également que le bon feedback est celui qui juge le travail et non la personne. Mieux vaut donc éviter la formulation « Tu es quelqu’un de brouillon », pour privilégier « Ta présentation était brouillon ». Toujours dans la bienveillance, l’idée est d’amener votre collaborateur à progresser et non à le blâmer. « Pour de prochains projets similaires, explorons ensemble des approches qui permettraient d’optimiser nos résultats. Par exemple, que dirais-tu de… ? » Cette alternative est efficace car elle oriente vers le futur plutôt que de ressasser le passé, crée un espace de dialogue collaboratif et engage concrètement vers des solutions avec une proposition directe.
« Pourtant, ton / ta collègue y arrive très bien »
Le degré de frustration de vos salariés : « Comparaison n’est pas raison »
Pourquoi c’est problématique :
Les comparaisons toxiques démotivent. Cette approche crée un environnement de travail compétitif qui ignore les spécificités de chaque collaborateur. Ce dernier peut être d’autant plus néfaste, qu’il mène le plus souvent à une priorité excessive de la réussite individuelle au détriment du succès collectif, nuisant du même coup au groupe et à l’entreprise.
- L’alternative constructive :
Pour éviter de tomber dans cet écueil, vous pouvez proposer des solutions personnalisées et fixez des objectifs individualisés - « Voici trois approches qui pourraient t’aider à progresser sur ce point… » -, tout en définissant un objectif commun à long terme, en vue de répondre au projet global de l’entreprise. De même, il est important de réaffirmer clairement vos valeurs, afin de privilégier une compétition saine sur fond de challenges communs. Pour le psychologue Jean Garneau, celle-ci peut être de deux types : la « compétition-imitation », qui pousse les individus à imiter celles et ceux qu’ils admirent, et la « compétition-émulation », où les membres cherchent à se surpasser ensemble. Dans ce cas de figure, n’omettez pas d’accompagner votre équipe dans la co-construction d’un plan de développement, afin de définir les ressources et outils nécessaires à l’atteinte de ces objectifs individuels et collectifs.
Cultiver votre marque employeur, c'est faire grandir vos équipes.
« Je sais que tu peux faire mieux »
Le degré de frustration de vos salariés : torchon essoré jusqu’à la dernière goutte
Pourquoi c’est problématique :
Pourquoi mettre une pression supplémentaire sur les épaules de votre collaborateur, si ce dernier a déjà atteint ses objectifs ? Une charge de travail trop lourde ou irréaliste peut vite mener au désengagement. D’autant plus que cette phrase est contre-productive, car elle démotive en suggérant une insuffisance sans direction claire. Elle crée une pression psychologique inutile et ne reconnaît pas les efforts déjà accomplis.L’alternative constructive :
Sachant que le manque de reconnaissance compte, lui aussi, parmi les leviers de désengagement des salariés d’après une enquête Hays de 2021 - 44 % des sondés ayant démissionné pour ce motif -, il est bon de savoir reconnaître les très bons résultats d’un salarié, sans être tenté de lui en demander toujours davantage. « Je vois que tu as atteint tes objectifs. Bravo pour cela. Si tu souhaites continuer à te développer, discutons ensemble des domaines qui t’intéressent et nous pourrons définir un plan d’action pour y parvenir. » Ainsi, vous reconnaissez d’abord les réussites actuelles, puis vous ouvrez un dialogue constructif sur le futur en impliquant le collaborateur dans son propre parcours de développement.
« C’est à toi de faire évoluer ton poste »
Le degré de frustration de vos salariés à son écoute : perdu dans le brouillard
Pourquoi c’est problématique :
Les objectifs flous peuvent être confondants pour un salarié qui se voit attribuer une responsabilité sans cadre ou support. Or, sans feuille de route claire, les limites du périmètre des missions de votre collaborateur sont rendues obscures, ce qui peut générer une grande confusion, et potentiellement de l’épuisement et de la perte de sens.L’alternative constructive :
Un rapport d’Officevibe révèle les dix indicateurs de désengagement des employés au travail. Parmi cette liste figure notamment l’inadéquation avec les attentes en matière de rôle, et 75 % des salariés déclarent que leur manager pourrait définir des objectifs plus précis les concernant. Forcément, ne pas être au clair sur les objectifs ou le sens de sa mission peut se révéler particulièrement anxiogène pour votre équipe. Il vous revient donc d’établir un périmètre clair, tout en laissant la porte ouverte à une certaine forme d’exploration pour viser un stade supérieur clairement défini. « Explorons ensemble les compétences à développer pour atteindre ce niveau, et construisons un plan d’action concret avec des étapes intermédiaires. » Cette alternative crée une sorte de partenariat avec votre collaborateur, lui offrant un accompagnement structuré ainsi que des objectifs atteignables.
« Si je t’augmente, il faut aussi que j’augmente les autres »
Le degré de frustration de vos salariés : « Encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots »
Pourquoi c’est problématique :
Cette phrase compare injustement une situation individuelle sous le prisme du collectif, alors que chaque évolution doit être basée sur des critères objectifs et non pas les desideratas d’une équipe. Prenez également le temps de bien cerner les sources de motivation réelles de votre collaborateur derrière cette demande, pour y répondre au mieux.L’alternative constructive :
« Voici les critères objectifs qui déterminent les évolutions salariales : performance, position sur le marché… Au vu de ta situation spécifique, une augmentation de X vient saluer tes performances/ nous ne pouvons te proposer d’augmentation cette année, mais je te propose que nous travaillons sur un plan d’action pour y parvenir prochainement. » La clé pour transformer l’entretien annuel d’un moment redouté en une opportunité de dialogue constructif et de développement professionnel ? Une préparation minutieuse, des échanges réguliers tout au long de l’année, et surtout une communication bienveillante. Pour justifier l’accord ou non d’une augmentation, votre approche doit être transparente sur les critères objectifs et mesurables pour y parvenir. Privilégiez les faits avec des phrases comme « Ton projet X a permis d’économiser Y euros », « Tu as dépassé tes objectifs de 15% ce trimestre », « Ton initiative sur [projet spécifique] a amélioré l’efficacité de l’équipe de [chiffre précis] ». En bref, restez factuels et ne culpabilisez jamais votre collaborateur d’exprimer ce souhait !
Les entretiens annuels sont l’opportunité de repenser votre manière de communiquer avec votre équipe. Exit les phrases toutes faites, les comparaisons entre salariés et les promesses vagues qui démotivent plus qu’elles n’inspirent. La clé d’un dialogue constructif repose sur une communication factuelle, des objectifs clairs et une écoute active et bienveillante. En privilégiant l’authenticité et l’empathie, tout en restant aligné avec les objectifs de l’entreprise, vous pouvez transformer ces rendez-vous en véritables temps forts pour vos salariés comme votre organisation.
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Article écrit par Manuel Avenel et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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