« Manager, je suis moins payé que l'un de mes n-1 et je le vis bien »

05 févr. 2025

4min

« Manager, je suis moins payé que l'un de mes n-1 et je le vis bien »
auteur.e
Marlène Moreira

Journaliste indépendante.

contributeur.e

Comment réagiriez-vous en découvrant qu’un membre de votre propre équipe gagne un salaire nettement supérieur au vôtre ? Entre logiques de marché, négociations salariales et trajectoires individuelles, les écarts de salaire sont parfois plus parlants -et font souvent plus parler- qu’un long discours.

Alors que 80 % des salariés français considèrent la transparence salariale comme un enjeu bénéfique, la gestion des écarts de rémunération au sein d’une même équipe reste un sujet sensible. D’autant que ces derniers peuvent parfois être conséquents dans des secteurs en tension comme l’IT, atteignant jusqu’à 30 % pour un même poste selon l’expérience et le parcours, d’après une étude du cabinet Michael Page de 2023. Mais comment réagir en tant que manager si vous êtes moins payé que l’un de vos N-1 ? Comment gérer une telle asymétrie et quels peuvent être ses impacts sur la dynamique d’équipe ? Un cas de figure bien connu de Grégory qui, promu manager à 31 ans dans une entreprise en forte croissance, va découvrir que l’un de ses collaborateurs perçoit une rémunération supérieure de 20 % à la sienne.

« J’ai découvert qu’il gagnait 10 000 euros de plus que moi »

Il y a un an, j’ai été nommé manager de mon équipe. À l’époque, je suis un développeur confirmé, mais pas senior. Et surtout, je n’ai pas d’expérience en matière de management. Mais mon équipe a besoin d’un relais managérial pour répondre à de nouveaux besoins, et le manager alors en poste juge que mes compétences humaines et organisationnelles -mes fameuses « soft skills »- me rendent légitime pour ce poste. Pourtant, il y a dans l’équipe un profil senior, largement reconnu pour ses compétences techniques. Mais malgré son expertise, ce collaborateur n’est pas à l’aise avec les aspects relationnels inhérents au management et pas spécialement intéressé par ce rôle.
Une situation qui confirme à mon manager que je suis la personne la mieux placée pour prendre cette responsabilité. Quelques semaines après ma prise de poste, j’accède donc à de nouveaux outils de gestion. En explorant les informations à ma disposition, je découvre un détail en particulier : le salaire de ce collaborateur senior, qui gagne pas moins de 10 000 euros de plus que moi. Je ressens alors une forme de surprise, mais pas d’indignation. Ma première pensée est simple, dénuée de jalousie : « Voilà ce que je peux viser en devenant senior. » Cela me donne une vision claire de la progression possible, plutôt que d’alimenter une quelconque frustration.

Car dans mon entreprise, deux voies de progression sont possibles : celle de l’expertise technique et celle du management. Mon niveau actuel est cohérent : je suis mid-level en technique et débutant en management. À mes yeux, il n’y a aucune règle qui impose qu’un manager soit mieux payé que ses managés. Finalement, tout dépend du rôle, du marché, des compétences mobilisées et de la valeur apportée à l’entreprise. Alors, en réfléchissant à cet écart entre ce collaborateur et moi, il me semble évident que son salaire est justifié, au regard de ses compétences techniques rares. Je trouve normal qu’il ait pu négocier une rémunération en cohérence avec ce qu’il offre à l’entreprise. D’ailleurs, convaincu de son impact positif, j’ai de moi-même proposé qu’il bénéficie d’une augmentation cette année, même si cela signifie qu’il gagnera encore davantage que moi.

« C’est une logique que je trouve saine et juste »

Avant d’être manager, je n’avais aucune visibilité sur les salaires de mon équipe. Dans mon entreprise, la transparence sur ce sujet -sans être tabou- est plutôt limitée. Je me fis principalement à des outils externes, comme des comparateurs en ligne, pour évaluer ma propre valeur. D’ailleurs, je pense que mon cas reste marginal. Peu de managers dans mon organisation se retrouvent avec des salaires inférieurs à ceux de leurs managés, car ils sont souvent plus seniors que moi sur le sujet.

Mais comme cette différence ne m’a jamais semblé problématique, je n’en parle pas avec mes collègues. Cela ne me semble ni nécessaire, ni utile dans notre dynamique de travail. En revanche, j’ai évoqué cette situation avec des proches. Et beaucoup avaient du mal à concevoir qu’un manager puisse être moins bien payé qu’un managé.

Cela reflète sans doute une vision plus traditionnelle, dans laquelle on suppose que ce statut implique forcément plus d’expertise technique que les membres de son équipe. Heureusement, ces réactions ne m’affectent pas. Au contraire, je suis content de travailler dans une entreprise où l’on privilégie les personnes ayant les soft skills nécessaires pour encadrer une équipe, plutôt que de se fier à l’âge et au nombre de cheveux gris.

« C’est une leçon d’humilité »

Avec le temps, cet écart salarial s’est finalement réduit, grâce à une augmentation que j’ai reçue. Mais ce n’est pas ce qui importe le plus. Ce que cette expérience m’a appris, c’est de ne pas tomber dans le piège de la comparaison permanente. Les salaires sont influencés par des facteurs multiples : une négociation particulière, une expertise recherchée ou un moment stratégique pour l’entreprise. Ils ne sont pas des jugements de valeur sur les individus. C’est une simple logique d’offre et de demande.

Cette expérience m’a aussi permis de mieux comprendre ma contribution. Avant, je mesurais ma valeur uniquement à travers ce que je produisais, mon code. En tant que manager, j’ai découvert que je pouvais avoir un impact encore plus fort en facilitant des échanges, en désamorçant des conflits ou en aidant à structurer le travail d’équipe. À certains moments, j’ai compris que mon rôle n’était pas de produire directement, mais de permettre à d’autres d’être plus efficaces.

C’est une leçon d’humilité qui m’a ouvert de nouvelles perspectives. J’apprécie cette complémentarité entre mes casquettes de manager et de développeur. À terme, cela me permettra d’évoluer en équilibrant des compétences techniques et humaines.

« La rémunération n’est qu’un des nombreux outils pour mesurer sa progression »

Pour gérer un écart salarial en tant que manager, je pense qu’il est important de commencer par prendre du recul et d’essayer d’analyser la situation avec objectivité. Comparer son niveau de séniorité et ses responsabilités à celles de son managé peut, à mon avis, apporter un éclairage précieux sur les raisons de cet écart. Je crois également qu’il est important de s’appuyer sur des données concrètes. En utilisant des outils comme les comparateurs de salaire en ligne, on peut avoir une meilleure idée de sa propre position sur le marché.

Bien sûr, ces outils ne reflètent pas toujours toutes les subtilités, surtout pour des cas particuliers comme celui d’un manager qui n’a pas encore atteint un niveau senior en technique. Mais ils offrent une base de réflexion qui peut aider à dépasser les simples ressentis. Et, si nécessaire, ouvrir la discussion avec son propre management. Pour moi, ce qui compte avant tout, c’est de rester concentré sur ma progression et sur mes propres objectifs. Cela me semble une approche plus durable, qui permet d’avancer sereinement sans céder à la pression ou à la frustration.

Au final, j’ai l’impression qu’il est plus constructif de voir ces différences comme une opportunité d’apprendre et de grandir, plutôt que comme un obstacle. La rémunération n’est qu’un des nombreux outils pour mesurer sa progression. Ce qui compte vraiment, c’est d’apprendre, de grandir et de continuer à valoriser les talents qui nous entourent.

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Article rédigé par Marlène Moreira et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.

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