Le MBA, réel accélérateur de carrière ou poudre aux yeux ?

11 juin 2018

8min

Le MBA, réel accélérateur de carrière ou poudre aux yeux ?
auteur.e
Nora Leon

Communications & content manager

Qu’ont Bloomberg, Romney, Georges Bush Jr., et Sheryl Sandberg en commun ? Ils sont tous passés par un MBA d’Harvard. Et Pinault, Borloo, DSK, Pécresse, Hollande ? Ils sont titulaires d’un MBA d’HEC Paris. __Bon, question piège : qu’est-ce qui rapproche Pinault et JC Decaux ? Ils ont fait parmi les plus grandes carrières françaises… Sans avoir jamais passé le Bac. Ah.

Naturellement, vous vous interrogez sur la pertinence du MBA pour avoir une trajectoire stratosphérique. Cet article devrait vous éclairer sur les cas dans lesquels il est utile voire impératif, et ceux où vous pourrez allègrement vous en passer.

Au fait, un MBA… C’est quoi ?

Un MBA (Master of Business Administration) est un diplôme international supérieur de gestion et management des entreprises, qu’on fait en complément d’un master ou d’un doctorat, potentiellement à tout moment dans sa carrière (mais dans la plupart des cas après trois à huit ans de carrière).

Il peut se faire en un ou deux ans, ou bien en alternance (on parle alors d’Executive MBA). Il amène à des carrières prestigieuses de direction d’entreprises, avec différentes spécialités (finance, économie, management, entrepreneuriat…). Cela étant dit, tout MBA reste pluridisciplinaire, comme nous l’indique Johann Matthai, Senior Consultant chez Deloitte et MBA 2015 d’HEC Paris : « Dans un MBA, on prend de la hauteur sur un business. Il ne s’agit plus, comme dans un master, de s’hyper-spécialiser, mais au contraire de toucher à tout. On vous apprend à tirer les ficelles d’une entreprise, du marketing à la finance, en passant par les RH, les opérations et même le droit. Quel que soit votre parcours auparavant et vos ambitions futures, vous êtes obligé de toucher à tous ces aspects, et c’est bien la force de cette formation à la fois pluridisciplinaire et exigeante. »

Quand on a dit ça, on a dit beaucoup et très peu à la fois. Car cette accréditation n’est pas protégée, ce qui signifie que n’importe quelle école peut prétendre délivrer un MBA.

Selon les Échos Start, s’il existe plus de 13 000 MBA ‘autoproclamés’, seules 200 écoles et universités utilisent l’appellation créditée. Comprendre : elles seules délivrent un MBA qui vous propulsera. Il faut donc bien choisir votre cheval de bataille. Car selon le projet, certaines portes peuvent se fermer devant un nom d’école pas assez prestigieux. Game Over.

Mais alors, quels sont les meilleurs MBA ? L’important est de choisir l’un de ceux qui ont des accréditations internationales : l’AACSB, l’AMBA ou encore l’EFMD, et de se référer aux classements annuels les plus sérieux, parmi lesquels Financial Times, The Economist ou encore Forbes US.

Selon le Financial Times (le classement de référence à l’international), voici le palmarès pour 2018 des 15 premières institutions : Stanford (US), Insead (FR), Wharton (US), London Business School (UK), Harvard (US), Chicago (US), Columbia (US), CEIBS (Chine), MIT (US), Berkeley (US), IESE (ESP), Kellog (US), Cambridge (UK), HKUST (Chine), Yale (US).

À noter que dans ce classement international, HEC Paris arrive cette année en 21ème place, l’EDHEC en 78ème place, l’ESSEC en 96ème place et l’EM Lyon à la 99ème place.

Une fois que vous savez ça, pour choisir, demandez-vous quelle localisation et quelle spécialité vous conviendraient le mieux. Johann Matthai explique : « Pour bien choisir son MBA, il faut déjà se poser la question de si l’on veut travailler en Europe ou aux États-Unis. La plupart des MBA sont aux États-Unis, même si quelques-uns sont valables en Europe ou en Asie. Certains masters sont aussi plus stratégiques pour certaines industries. Par exemple et pour n’en citer qu’un, le MBA de la London School of Economics est excellent pour tout ce qui est finance. »

Parmi les spécialisations assumées, on trouve le conseil (Harvard et Warton), le marketing (Kellogg) ou encore l’entrepreneuriat (Columbia, Stanford, l’INSEAD).

Est-ce vraiment fait pour vous ?

Maintenant que vous savez comment vous assurer du sérieux du MBA que vous guignez, il faut vous demander s’il est adapté à votre plan de carrière car c’est un investissement (50 à 150K environ selon le MBA choisi) judicieux, ou non, pour vous.

Pour grandir dans votre entreprise ou accéder à des postes à responsabilités : do it

Si vous souhaitez évoluer dans votre entreprise grâce à de solides compétences en économie, finance en management, ou accéder à des postes à responsabilités dans des entreprises du CAC 40 ou chez un géant du conseil, c’est une bonne idée voire un passage obligé. Dans le cas où votre employeur vous paierait le MBA, il est souvent préférable de faire un “Executive MBA” pour garder un pied dans la maison, l’air de rien (bonjour la tactique de sioux).

Pour switcher (secteur, poste, pays) sans perdre en responsabilités : do it

Si vous avez décidé, tout en gardant un niveau de responsabilités élevé, de changer de carrière, c’est aussi la voie royale. Johann Matthai explique : « Souvent, on se lance dans un MBA parce qu’on veut induire un changement dans sa vie professionnelle, qu’il s’agisse de changer de lieu de travail, de poste ou même d’industrie. Mon ami Arjun Vasudev était dans l’immobilier et après son MBA à HEC, il s’est reconverti dans le conseil. En ce qui me concerne, je suis passé de la finance dans le domaine du luxe à du conseil en stratégie. » Parmi les reconversions spectaculaires, on peut aussi donner l’exemple, dans la même promotion à HEC, de Pedro Da Costa, qui après quelques années dans la beauté dans la filiale portugaise de l’Oréal, est devenu Global Product Manager chez Sanofi à Boston et a vite pris un poste à hautes responsabilités à l’échelle de l’Europe, cette fois à Paris.

Pour souffler tout en montant en compétences : do it

Cela permet parfois à des personnes qui ont déjà quelques années de carrière derrière elles de faire une pause bénéfique dans leur carrière. Selon Johann : « certains veulent simplement souffler après quelques années de carrière, tout en suivant une formation qui les aidera à mener à bien leurs objectifs professionnels. » Dans ce cas, les candidats préfèrent un MBA à temps-plein, pour vraiment “déconnecter” du monde de l’entreprise.

Pour accéder à un beau poste en start-up en France ou Europe : don’t do it

En revanche, si votre souhait est d’entrer dans une start-up qui explose, en France, ce n’est pas forcément utile. Selon Alexandra Auffray, recruiter & coach chez Ignition Program : « Le MBA, qui propulse les candidats dans les grandes entreprises du CAC 40 et chez les géants du Conseil, n’est pas utile dans tous les contextes d’entreprises. Ignition Program sélectionne et place les meilleurs talents entrepreneuriaux dans des start-up à haut potentiel, et malgré le fait que leurs postes soient à hautes responsabilités et avec de belles perspectives d’évolution, avoir un MBA n’est pas un critère de sélection. D’ailleurs, la plupart des candidats qui ont fait des MBA sont expérimentés (15 ans et plus), et ont donc des prétentions salariales élevées (du double au triple par rapport aux premières années de carrière) ainsi que des ambitions de postes beaucoup plus stratégiques qu’opérationnels, parfois peu compatibles avec les besoins et les capacités financières de nos start-up partenaires, même après avoir levé des fonds. » Dans la même logique, notons que les PME et TPE françaises ne peuvent pas se payer ces diplômés.

À vous donc d’être clairvoyant sur le type de poste (stratégique ou opérationnel), le type d’entreprise (grand groupe, PME ou start-up) et le lieu (France - Paris ou région - ou international - US ou ailleurs) que vous visez.

Le point de vue des employeurs

Joëlle Salou, Talent Developer riche de plus de 25 ans d’expérience aujourd’hui en poste chez Claranat, insiste : « Le MBA s’est vulgarisé : rares sont ceux qui sont encore excellents et vous permettront d’accéder à des fonctions d’exception. Il faut sélectionner la bonne université ou école, et se spécialiser dans la bonne filière. Pour réussir, il est primordial d’avoir mûri son projet sur le bachelor et le master et avoir exercé pendant plusieurs années avant de postuler. La valeur ajoutée d’un MBA, explique d’ailleurs Joëlle, c’est de faire décoller sa carrière après quelques années en poste. Le faire au bout de trois à cinq ans d’expérience est plus efficace, car vous mettez à profit une certaine maturité professionnelle, et que vous avez déjà prouvé vos capacités. »

En France, assure-t-elle, l’INSEAD est très qualitatif, sur de la stratégie d’entreprise ou de la finance. « Tous les professionnels que je connais qui ont voulu accéder à des postes à responsabilités après quelques années de poste en France l’ont choisie et ont fait fleurir leur carrière de manière tout à fait impressionnante. Ils ont accédé à des postes de direction, à un niveau international. » À ce type de poste, le candidat n’a même plus besoin de chercher un emploi. Selon Joëlle, il est soit recruté pendant son MBA soit chassé par des recruteurs de haut niveau sur des postes internationaux, ou encore déjà employé et sponsorisé par son entreprise qui lui promet une belle évolution. Cette dernière option est le must : « Les talents repérés au sein de grands groupes du CAC 40 sont souvent propulsés par leur entreprise via un MBA. C’est une option confortable qui leur promet une augmentation et une prise de responsabilités fortes à la sortie. », déclare Joëlle. Et selon Johann Matthai, l’augmentation de salaire après un MBA est forcément supérieure à 50% du salaire précédent.

C’est la raison pour laquelle, pour Joëlle, faire un MBA implique nécessairement de choisir une école à l’international, si ce n’est pas l’INSEAD, « Les écoles d’exception sont majoritairement aux États-Unis. Prenez Harvard, Stanford, Wharton, et vous aurez un poste à la mesure de vos ambitions. En France, l’INSEAD est à un niveau international ; HEC est également valable mais ce n’est pas la même dimension. Quant à l’EDHEC, l’ESSEC et l’EM Lyon, ce sont de bonnes écoles au niveau national, mais elles sont loin derrière à l’échelle mondiale et ne permettent pas d’accéder aux mêmes postes à l’international. »

C’est pour moi. Comment j’y entre ?

Vous vous en doutez, les meilleurs MBA sont sélectifs. À Harvard, près de 10 000 candidats se disputent 1 000 places, et ailleurs la sélection est également féroce. À Wharton, il y avait 6 590 candidats pour 861 places, à Columbia 5 829 candidats pour 762 places et à l’INSEAD 4 500 candidats pour 1 024 places en 2017.

Pour être crédible, il vaut mieux arriver avec quelques années d’expériences réussies (3 à 8 ans en général) et quelques recommandations enthousiastes, au cas où on vous les demande. Et le nerf de la guerre, c’est un projet professionnel ambitieux et réfléchi, que vous communiquerez avec charisme.

En effet, la première phase du dossier passée, les épreuves d’admissions comprennent toutes un entretien physique de 29 minutes (pas une de plus pour Havard) à une heure (à HEC Paris), qui est d’autant plus stratégique que les candidats sont choisis par des professeurs et alumnis du MBA en question. Études de cas, réflexions stratégiques ou simplement entretien formel, toutes les écoles veulent vérifier si le candidat a un projet bien pensé, et des bases solides en management, leadership et collaboration au sein d’un groupe.

Nous vous conseillons vivement, pour chaque école ou université où vous postulez, de vous renseigner de manière exhaustive sur Internet pour connaître les détails du processus de recrutement (dossier et entretien(s)). Puis de contacter un ou plusieurs anciens (via LinkedIn) pour avoir leur avis sur le type de profils recherchés, la manière d’exceller au niveau du dossier et les principales préoccupations des jurys lors des oraux. Prenez des alumnis qui sont sortis 1 à 3 ans auparavant pour être certains que le processus n’ait pas été refondu entre temps. Vous aurez ainsi une bonne idée des attentes dans cette institution.

Et pour finir, on vous dit “m****” !

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