« La pédagogie est la clé » : tout savoir sur le management persuasif

30 avr. 2024

7min

« La pédagogie est la clé » : tout savoir sur le management persuasif
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Sylvain Guillet

Journaliste web

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Le management persuasif fait partie des 4 grands styles de management. Zoom sur ce type de leadership axé sur la pédagogie, la mobilisation et l’écoute.

Vous n’êtes pas du genre à imposer vos directives sans discussion, mais vous gardez tout de même la main sur les décisions ? Vous êtes peut-être déjà, sans le savoir, un adepte du management persuasif. Mais attention, même si vous aimez les ingrédients de cette recette managériale, vous ne pouvez pas les intégrer à tous vos menus. Agnès Brunet Desarnaud, fondatrice d’Anagramme Formation, organisme de formation spécialisé en management, et Estelle Divet, coach professionnelle et formatrice en management, apportent leur expertise sur le sujet.

Rappel : les 4 types de management

Rensis Likert, psychologue américain, a identifié quatre styles principaux de management dans les années 1960, qui sont souvent utilisés pour décrire les différentes approches du leadership dans les organisations.

  • Le management directif

Le management directif se caractérise par un leadership clair et décisif, où le manager établit des directives précises et des attentes définies. Ce style est efficace dans les situations nécessitant une réponse rapide ou dans des contextes où la clarté et la discipline sont primordiales. Il permet une coordination et une exécution rapides des tâches, assurant ainsi que les objectifs soient atteints de manière rapide et efficace.

  • Le management persuasif

Le management persuasif est un style de leadership où le manager joue un rôle actif dans la communication et l’explication des décisions aux membres de son équipe, tout en cherchant à les convaincre de la pertinence de ses choix. Ce style se distingue par une approche axée sur l’engagement et la motivation des employés, favorisant une atmosphère de transparence et de confiance. En mettant l’accent sur la persuasion plutôt que sur l’autorité brute, ce style encourage les collaborateurs à adhérer volontairement aux objectifs de l’organisation, renforçant ainsi leur motivation et leur satisfaction au travail.

  • Le management participatif

Le management participatif implique une collaboration étroite entre le manager et son équipe dans le processus de prise de décision. On y valorise les contributions de chaque membre, encourageant l’innovation afin de permettre aux employés de jouer un rôle actif dans la constitution de leur environnement de travail. Il favorise un sentiment d’appartenance et de respect mutuel, ce qui peut conduire à une augmentation de la satisfaction au travail et à une amélioration de la productivité.

  • Le management délégatif

Le management délégatif repose sur la confiance et l’autonomie, puisque le manager confie des responsabilités significatives aux membres de son équipe. Il encourage le développement personnel et professionnel des employés en leur offrant une grande liberté dans la gestion des projets. Il favorise un environnement de travail flexible et dynamique, où les collaborateurs peuvent explorer leur potentiel, innover et prendre des initiatives.

Quels sont les 6 fondements du management persuasif ?

Si on s’intéresse seulement de manière superficielle au management persuasif, on a vite fait de tomber dans le piège d’une mauvaise interprétation. « Derrière ces deux mots, management persuasif, on peut avoir une image assez négative d’un manager qui va essayer de convaincre, d’argumenter à tout prix, de justifier ses actions, voire de manipuler son équipe », prévient Agnès Brunet Desarnaud. Mais l’enjeu du management persuasif est ailleurs ! « C’est un management autour de l’explication et la pédagogie. Le manager dédie une partie de son temps à expliquer à ses collaborateurs pourquoi il faut faire les choses, comment il faut les faire, et à donner du sens », précise-t-elle.

Avec le management persuasif, le manager reste au centre du processus décisionnel, mais il ne se contente pas d’imposer : il cherche à obtenir l’adhésion de son équipe grâce à une communication claire et ouverte. « Le management persuasif se caractérise par une volonté d’influencer plutôt que d’imposer. Quand le manager adopte un style persuasif, il mobilise et encourage. Moins autoritaire que d’autres styles, le management persuasif demeure néanmoins structuré dans son approche. Ce type de manager adopte une approche pédagogique, expliquant soigneusement ses directives pour assurer une compréhension optimale de la part des collaborateurs. Il cherche à motiver et obtenir l’adhésion des équipes, tout en assumant pleinement sa position hiérarchique, explique Estelle Divet.

Pour résumer, voici les 6 principes fondamentaux du management persuasif.

La pédagogie

Un manager qui explique une idée ou un projet de manière transparente et pédagogique renforce sa crédibilité et persuade plus efficacement son équipe d’adopter des pratiques spécifiques.
La communication ouverte

Un élément essentiel du management persuasif est de créer un climat de confiance et de transparence. Une communication ouverte permet au manager de présenter clairement les arguments et d’écouter les préoccupations de son équipe. Il tient compte des feedbacks de chacun pour ajuster son approche.

Le pouvoir de décision

Avec le management persuasif, le manager reste le seul à prendre des décisions. Il peut néanmoins être ouvert aux suggestions et faire preuve de transparence lors du processus décisionnel. Il renforce ainsi la confiance et la responsabilité parmi les employés, mais les persuade également de l’alignement de ces décisions avec les objectifs globaux de l’organisation.

L’adhésion

Le style de management persuasif repose fortement sur l’adhésion des employés car il s’agit d’un processus interactif où le manager cherche à influencer l’équipe non pas par l’autorité ou la contrainte, mais par l’engagement et la conviction.

Le sens

La capacité de donner du sens aux tâches et aux projets est une technique de persuasion puissante. Un manager qui explique pourquoi le travail est important et comment il s’inscrit dans une vision plus large peut motiver son équipe à poursuivre des objectifs avec plus de passion et de détermination.

La proximité

Le principe de proximité dans le management persuasif implique de rester connecté et accessible aux membres de l’équipe. En établissant des relations solides et en montrant de l’empathie, un manager peut plus facilement influencer et motiver son équipe, leur montrant qu’il comprend et prend en compte leurs besoins et leurs aspirations.

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Quand faut-il opter pour le style persuasif ?

Ne vous méprenez pas : en tant que manager, vous n’avez pas à enfiler le même costume managérial tous les jours. Au contraire, votre style de leadership doit constamment s’adapter. C’est le principe du leadership situationnel, un modèle de management développé par Paul Hersey et Kenneth Blanchard qui propose une approche flexible du leadership en fonction du niveau de maturité et de compétence des employés face à des tâches spécifiques. Ce modèle est basé sur la conviction que le style de leadership le plus efficace varie selon la situation, et notamment selon la préparation et la motivation des personnes dirigées. « Le manager doit évaluer le degré d’autonomie de chaque collaborateur et adapter ensuite son style de management au niveau d’autonomie du collaborateur », affirme Estelle Divet. Selon la coach, le niveau d’autonomie ou de maturité professionnelle d’un collaborateur dépend de plusieurs facteurs :

  • Savoir-faire : ses compétences en lien avec la tâche.
  • Vouloir-faire : sa motivation à accomplir la mission.
  • Pouvoir-faire : les moyens à sa disposition pour réussir.

« Le management persuasif répond au niveau d’autonomie “faible”. C’est-à-dire quand le collaborateur commence à “savoir” et à “vouloir”. À ce niveau, il développe ses compétences et est motivé dans son travail », ajoute Estelle Divet.

Être un bon manager requiert donc de savoir être un caméléon prêt à adapter son style de leadership à tout moment : « On peut avoir une tendance en tant que manager à privilégier le management persuasif. Néanmoins, si l’on veut réellement développer les compétences de ses collaborateurs, il est nécessaire de s’adapter et de choisir le bon style pour la bonne personne », confirme Agnès Brunet Desarnaud.

Management persuasif : mode d’emploi

Nous savons maintenant que le management persuasif n’est pas adapté à toutes les situations, ni à tous les collaborateurs. Il n’en reste pas moins que dans de nombreux cas, c’est la meilleure option. Et lorsque cela arrive, il faut savoir appliquer les bonnes méthodes pour tirer le meilleur de ce style managérial. Tout repose sur 3 qualités indispensables.

  • Savoir écouter : « Cette écoute va nous permettre d’identifier d’éventuels points de blocage au niveau de l’équipe et pouvoir adapter les arguments qu’on va partager avec eux », nous dit Agnès Brunet Desarnaud.
  • Être pédagogue : « Prendre le temps d’expliquer, de donner une vision globale. Très souvent, on a des managers qui vont avoir tendance à limiter le champ de compréhension de leurs collaborateurs. Il faut expliquer l’impact du travail des collaborateurs sur l’entreprise, sur le chiffre d’affaires, sur les consommateurs, etc. C’est handicapant pour la montée en compétences de l’équipe », continue Agnès Brunet Desarnaud.
  • Savoir analyser : « Le management persuasif, c’est une étape vers d’autres styles de management qui vont provoquer plus d’autonomie de la part des équipes. Quand les collaborateurs atteignent un stade de maturité suffisamment élevé, il faut être dans l’analyse et l’observation pour passer à autre chose », termine Agnès Brunet Desarnaud.

Le management persuasif est donc axé sur la connaissance de ses collaborateurs et la transparence des informations, lesquelles reposent sur « une communication claire et empathique», selon Estelle Divet. Au-delà de cet aspect relationnel, la coach professionnelle et formatrice en management préconise une persuasion basée sur la logique et les faits : « En présentant des arguments solides et des données pertinentes, les managers peuvent convaincre leurs collaborateurs de la valeur d’une décision ou d’un changement », explique-t-elle.

Quelles limites au management persuasif ?

Le management persuasif n’est malheureusement pas la réponse à tout. Comme nous l’avons vu plus haut, un bon manager doit adapter son style managérial selon la situation et le niveau de maturité de son équipe : « Si le collaborateur est dans un autre niveau d’autonomie (très faible ou élevé par exemple), alors ce style de management sera improductif. Le collaborateur de très faible autonomie sera perdu et manquera de cadre, et aura besoin du management directif. À l’opposé, le collaborateur qui a une autonomie très importante sera démotivé par un style persuasif, considérant ne pas avoir besoin d’être mobilisé par son manager », avertit Estelle Divet.

Le management persuasif ne doit surtout pas être utilisé avec des profils seniors, qui risqueraient alors de se sentir infantilisés : « Ce n’est absolument pas adapté », confirme Agnès Brunet Desarnaud. Il faut d’ailleurs, quels que soient les profils, veiller à ne pas transformer le management persuasif en un management paternaliste — voire autoritaire. Pour cela, Estelle Divet préconise d’« être vigilant sur la position de vie dans laquelle nous sommes. Si le manager commence à ne plus accorder de valeur à ses collaborateurs, en tout cas moins qu’à lui-même, il y a un risque de basculer dans un style autoritaire, où le manager va chercher à convaincre plus qu’à mobiliser ».

Par ailleurs, le management persuasif n’est pas seulement inadapté à certains collaborateurs, mais aussi à certains contextes. Il est soumis à certaines limites qui l’empêchent parfois d’être efficace, à commencer par la contrainte du temps : « On ne peut pas faire de management persuasif quand il n’y a pas le temps. On imagine assez mal le capitaine des pompiers prendre le temps d’expliquer telle ou telle chose à son équipe lorsqu’il y a un incendie. Il est parfois préférable d’opter pour un management directif », affirme Agnès Brunet Desarnaud. Dans des situations de « rush », où il y a de forts enjeux liés aux résultats, la pédagogie sera donc plus difficile à appliquer. Cela n’empêche pas, dans un second temps (par exemple après l’incendie), de faire un débrief et un retour d’expérience sur ce qu’il s’est produit.

Ainsi, on espère vous avoir convaincu (avec pédagogie) que le management persuasif est une technique managériale pleine de qualités… à qui sait l’utiliser au bon moment et avec les bonnes personnes.

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Article écrit par Sylvain Guillet, édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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