7 phrases à proscrire pour être un meilleur allié LGBTI+

07 juin 2023

5min

7 phrases à proscrire pour être un meilleur allié LGBTI+
auteur.e
Etienne Brichet

Journaliste Modern Work @ Welcome to the Jungle

contributeur.e

À l’occasion du mois des fiertés, quelques piqûres de rappel s'imposent. Que ce soit volontaire ou non, il vous arrive peut-être de lâcher des phrases au bureau qui peuvent blesser vos collègues LGBTI+. Pour éviter de sauter à pieds joints dans les préjugés, voici quelques formules à proscrire au boulot, mais aussi dans la vie de tous les jours.

1. « C’est facile d’être gay aujourd’hui »

Ce n’est pas parce que vous avez des amis et/ou collègues gays qu’ils ne sont pas victime d’actes ou de paroles homophobes ! Ce décalage n’est pas si étonnant puisque selon le Baromètre LGBT+ 2022 de l’Autre Cercle, 55 % des personnes LGBTI+ ont déjà entendu des expressions LGBTphobes au travail, contre 34 % des personnes non-LGBTI+. Certes, il y a eu de nombreuses avancées ces quarante dernières années, mais elles restent encore fragiles. Pour rappel, l’homosexualité a été retirée de la liste des maladies mentale de l’OMS en 1990 et le mariage pour tous, obtenu dans un climat particulièrement tendu en France, fête seulement ses dix ans cette année. Dans son rapport annuel, l’ONG Ilga-Europe indique que les agressions contre les personnes LGBTI+ sont en hausse dans notre pays. Donc non, être gay aujourd’hui, ce n’est pas facile et dire le contraire est clairement le meilleur moyen pour afficher votre ignorance en place publique. Pour ne pas vous enfermer dans celle-ci, allez jeter un coup d’œil au documentaire Homo en France qui illustre bien ce que c’est qu’être gay, lesbienne, et bi de nos jours.

2. « Comment tu sais que tu es lesbienne/gay si tu n’as jamais essayé avec un homme/une femme ? »

C’est sûrement à cause de ce genre de question que sept personnes LGBTI+ sur dix vivant en couple ont déjà omis volontairement de faire référence au genre de leur partenaire au travail. Asseyons-nous quelques minutes et prenons le temps de réfléchir pour revoir les bases. Comment les personnes hétérosexuelles peuvent savoir qu’elles sont hétérosexuelles avant même d’être dans une relation ? Dire à un gay ou une lesbienne qu’il ou elle n’a pas encore trouvé la bonne personne, sous-entendu dans une relation hétéro, c’est complètement déplacé. D’abord, ce genre de propos part du principe que l’hétérosexualité est l’orientation sexuelle par défaut. Cette façon de penser est ancrée dans notre société grâce à (ou plutôt à cause de) l’hétéronormativité. Grosso modo, c’est un ensemble de normes sociales, notamment les bicatégorisations sexuelles (mâle/femelle) et genrées (masculin/féminin), qui permettent de légitimer et de faire passer pour « naturelle » l’hétérosexualité.

Penser que les lesbiennes et les gays doivent forcément avoir des relations avec des hommes/des femmes pour revenir « dans le droit chemin », c’est une des façons qu’a l’hétéronormativité de les rappeler à l’ordre. Ce genre de remarques, comme le notent les chercheuses Line Chamberland et Julie Théroux-Séguin, tendent à retirer aux lesbiennes et aux gays leur autodétermination et leur agentivité (leur capacité à agir de façon intentionnelle sur elles-mêmes, sur les autres et sur leur environnement) face à leur propre sexualité. Aux dernières nouvelles, les homos n’ont pas besoin de l’avis des hétéros pour savoir qui ils aiment.

3. « T’es un homme/une femme trans donc t’es pas un vrai homme/une vraie femme »

En plus d’être extrêmement transphobe, ce genre de propos montre là encore qu’il existe tout un tas de préjugés derrière les notions de genre. C’est quoi être un homme ? Être une femme ? Qui délivre les diplômes pour être un VRAI homme ou une VRAIE femme ? Les personnes trans existent et ce n’est pas prêt de changer, donc autant apprendre à les respecter et à intégrer qu’un homme trans est un homme et qu’une femme trans, une femme. Point.

Une étude réalisée en 2017 en Belgique sur les conditions de travail des personnes trans montre qu’il y a encore des progrès à faire. Si 76 % des personnes interrogées ont reçu des réactions positives de leurs collègues lors de leur transition, au moins 62 % disent avoir souffert de discriminations au travail et 50 % ont ressenti le besoin de cacher leur identité de genre. Plus dramatique, 27 % ont quitté leur emploi en raison d’un environnement hostile. Donc à moins qu’une personne trans vous parle d’elle-même des problématiques qu’elle rencontre, évitez de l’asséner de questions sur ses parties génitales, ses opérations, ses hormones, son prénom donné à la naissance… Évitez également le terme « transsexuel » qui trouve ses racines dans une terminologie médicale et pathologique, et préférez le terme « transgenre ».

4. « Les personnes intersexes ne sont ni des hommes, ni des femmes »

Le « i » de LGBTI+ tend à être invisibilisé d’où le grand nombre d’idées reçues particulièrement blessantes et stigmatisantes vis-à-vis de l’intersexuation. Pour remettre les pendules à l’heure : les personnes intersexes sont nées avec des caractères sexuels (génitaux, gonadiques ou chromosomiques) qui ne correspondent pas aux définitions binaires types des corps masculins ou féminins. Elles peuvent s’identifier comme homme, femme, non-binaire. L’intersexuation, qui concerne les caractéristiques sexuelles physiques, n’a rien à voir avec la transidentité, qui concerne l’identité de genre. De même, les personnes intersexes peuvent être gays, lesbiennes, bies, hétéros, pansexuelles, asexuelles…

Évitez aussi de parler d’hermaphrodisme lorsqu’il est question d’intersexuation, ce terme a beau être pertinent lorsqu’il est utilisé en botanique et en zoologie, il est extrêmement stigmatisant quand il désigne une personne intersexe, car cela revient à considérer l’intersexuation comme une pathologie qu’il faut soigner. Pour en apprendre plus et éviter de discriminer vos collègues intersexes, le site du Collectif Intersexe Activiste est très riche d’enseignements.

5. « On ne peut pas faire confiance aux personnes bisexuelles, elles sont indécises »

La bisexualité reste encore taboue et est parfois considérée comme une orientation sexuelle qui n’est pas légitime. Les personnes bisexuelles sont souvent décrites comme confuses, indécises, voire infidèles. L’idée qu’elles sont dans une phase qui passera en vieillissant revient régulièrement. Ces remarques sont des stéréotypes ancrés dans la biphobie. Mais ces préjugés, qui concernent l’orientation sexuelle, en viennent parfois à toucher la personnalité même des personnes bisexuelles qui sont vues comme des sortes de traîtres en devenir. À la racine de ces maux, on retrouve cette bonne vieille hétéronormativité puisqu’il est inconcevable, dans une société où l’hétérosexualité est l’orientation sexuelle par défaut, qu’une personne puisse être attirée par plusieurs genres. Alors oui, il peut exister des personnes bisexuelles indécises, mais ce n’est pas en lien avec leur orientation sexuelle. D’autant plus que, jusqu’à preuve du contraire, elles n’ont pas le monopole de l’indécision ! Regardez autour de vous dans l’open space !

6. « C’est à la mode d’être LGBTI+ »

Non, être LGBTI+ ce n’est pas comme le hand spinner en 2017, ce n’est pas une mode. De même, il n’existe pas de « lobby LGBT » ou de plan de domination mondial pour que les personnes LGBTI+ réduisent au silence les personnes hétéros et cisgenres. Ce genre de rhétorique est très ancré dans les discours d’extrême droite et s’appuie sur un sentiment de peur et de haine qui n’est pas fondé. Alors oui, il se peut qu’il y ait plus de personnes LGBTI+ par rapport aux siècle dernier. Ou plutôt, il y a davantage de personnes qui font leur coming out, encouragées par les récentes avancées sur ces questions.

D’aillleurs, tout n’est pas rose en France puisque d’après le Baromètre LGBT+ 2022 de l’Autre Cercle, 30 % des personnes LGBTI+ ont déjà été victimes d’une agression LGBTphobe dans leur organisation et 26 % ont été victimes de discrimination de la part de leur direction. Des chiffres en hausse par rapport à l’enquête réalisée en 2020. Mais si la visibilité au travail a du mal à progresser, la plupart des personnes LGBTI+ se sentent assez en confiance pour être davantage visibles en dehors, notamment les jeunes comme l’indique la récente étude IPSOS LGBT+ Pride 2023.

7. « Pourquoi vous tenez absolument à vous enfermer dans des cases ? »

Ironiquement, on pourrait retourner la question aux personnes hétéros et cisgenres. À force de penser que l’hétérosexualité est naturelle (oui je sais, encore l’hétéronormativité), on en oublierait presque que c’est une case. C’est même LA case originelle qui domine toutes les autres. Constamment présente dans notre imaginaire comme quelque chose qui « va de soi », nous avons plus souvent cherché à savoir d’où venait l’homosexualité, laissant de côté l’hétérosexualité. Pourtant, l’apparition de ces deux termes est très récente et remonte au 19ème siècle. Popularisée par la psychiatrie et la psychanalyse, l’hétérosexualité est devenue le mètre étalon de la normalité, faisant de l’homosexualité une déviance et une pathologie. Ainsi, comme l’explique l’autrice Hanne Blank et avant elle plusieurs auteurs et autrices dont le philosophe Michel Foucault, ce sont des catégories sociales qui ont été construites, inventées et qui produisent des normes pour classer les gens au sein de la société. Pour résumer grossièrement les raisons derrière la création de la notion d’hétérosexualité, les médecins de l’époque devaient justifier le fait d’avoir des relations sexuelles sans intention de procréer, ce qui était considéré comme une perversion. Comme quoi, au jeu des étiquettes, ce sont les hétéros qui ont commencé.

Article édité par Romane Ganneval ; Photographie de Thomas Decamps