Le rasoir d'Ockham ou comment simplifier la prise de décision en entreprise
24 oct. 2024
3min
Face aux deadlines, au regard des autres et à la pression, il n’est pas toujours facile de prendre des décisions au travail. Le rasoir d’Ockham, ou « principe de simplicité », peut s’avérer utile quand la peur de faire le mauvais choix vous paralyse
Anodines ou à grands enjeux, les décisions accompagnent le quotidien des dirigeant·e·s et des managers·euses en entreprise. Comment choisir quand on a de nombreuses solutions ? Face à ce dilemme, le rasoir d’Ockham invite à privilégier l’option la plus simple pour gagner en efficacité. Si ce principe semble jouer un rôle clé dans le succès de certaines entreprises, qu’en est-il vraiment ? Et comment trouver le juste équilibre entre simplicité et performance quand il s’agit de prendre des (grosses) décisions ? On a posé la question à Jean-Louis Muller, ancien directeur de Cegos et expert indépendant en management stratégique.
Le rasoir d’Ockham, c’est quoi ?
« Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? » Cet adage populaire trouve ses fondements dans le principe philosophique du rasoir d’Ockham, théorisé au XIVe siècle par Guillaume d’Ockham. Selon ce modèle, on considère que si plusieurs propositions sont susceptibles d’expliquer un événement, « l’hypothèse la plus simple est la plus vraisemblable ». En d’autres termes, le rasoir d’Ockham, aussi connu sous le nom de « principe de parcimonie », revient à éliminer – à raser – les explications improbables d’un phénomène. Il nous invite à privilégier le scénario qui fait intervenir le plus petit nombre d’hypothèses et à choisir celle qui explique le plus simplement les choses.
Par exemple, votre collaborateur Jacques est souvent absent le lundi matin et vous commencez à réfléchir aux raisons possibles de ces absences répétées :
- Jacques est fatigué après le week-end et a du mal à se lever.
- Jacques a un deuxième emploi secret dans une entreprise concurrente.
- Jacques est régulièrement enlevé par des extraterrestres.
Ici (comme dans la plupart des situations), l’explication la plus simple est généralement la bonne ! Alors que les réponses b et c paraissent invraisemblables, la fatigue de Jacques s’impose comme l’hypothèse la plus probable, donc celle à privilégier.
Attention : cela ne veut pas nécessairement dire que celle-ci est vraie. Mais c’est bien celle qui doit être considérée en premier par son manager et ses collègues.
Plus qu’une philosophie de vie permettant de mieux cerner son environnement, le rasoir d’Ockham peut agir comme un véritable booster de productivité. « Il favorise l’engagement réel des équipes en vue de résoudre des problèmes ou d’innover », selon Jean-Louis Muller. « La fainéantise efficace est une forme d’intelligence », ajoute-t-il.
Le rasoir d’Ockham : de la philosophie à la productivité
Le rasoir d’Ockham, c’est un peu le Marie Kondo de l’entreprise : il vous aide à faire le tri dans vos idées et vos process. Imaginez que vous dirigez une start-up de livraison de repas. Au lieu de vous perdre dans un labyrinthe de 20 critères de réussite, concentrez-vous sur les 3 plus importants, comme le temps de livraison, la qualité du produit et le coût par commande. Le tour est joué ! Vos réunions passent de 2 heures à 30 minutes, et tout le monde sait exactement où mettre son énergie. Résultat ? Votre équipe est plus motivée, le développement s’accélère et vos clients adorent la simplicité de votre produit. Côté marketing, exit les campagnes multi-canaux ultra-complexes. Optez pour un message clair et percutant sur les 2-3 plateformes où se trouvent vraiment vos clients. Non seulement vous économisez du temps et de l’argent, mais votre message a plus d’impact.
Jean-Louis Muller rappelle que ce principe « nous invite à nous focaliser sur l’obtention de résultats aux moindres coûts économiques, sociaux et en stress ». Ainsi, au-delà de vous aider à gérer vos priorités, le rasoir d’Ockham constitue un outil puissant pour une entreprise plus agile, plus efficace et, en fin de compte, plus innovante.
Faites confiance à vos émotions !
Guide d’usage de l’intelligence émotionnelle en entreprise
Managers, comment utiliser le rasoir d’Ockham au quotidien ?
Le rasoir d’Ockham entre en jeu dans de nombreux processus décisionnels. Pour Jean-Louis Muller, le meilleur moyen pour un manager de l’intégrer dans sa pratique quotidienne est « d’être convaincu soi-même de son utilité, de l’annoncer clairement à son équipe et de l’expérimenter dès maintenant, car les meilleurs changements commencent par des résultats immédiats ».
Voici quelques clés pour le mettre en pratique avec succès.
Priorisez l’essentiel
Pour chaque décision à prendre, identifiez les 2 ou 3 critères les plus importants et concentrez-vous dessus plutôt que de vous perdre dans une multitude de détails. Réduisez ensuite vos choix à 5 options maximum, puis testez rapidement la plus simple à mettre en œuvre. Ajustez ensuite votre stratégie en fonction des résultats.
Faites confiance à votre intuition
Si une solution vous semble trop compliquée, c’est probablement le cas. Facilitez votre prise de décision en suivant votre intuition. Celle-ci se base sur vos expériences passées : elle est souvent juste et vous fera gagner un temps précieux.
Essayez le « stand-up quick meeting »
C’est la méthode infaillible de Jean-Louis Muller pour des réunions ultra-productives. Le principe ? « Quand un problème survient, on ne réunit que les personnes compétentes sur le sujet pour un point de 15 minutes, pas plus, pendant lequel on reste debout. Ce contexte permet d’entrer immédiatement dans le vif du sujet pour décider mieux et plus rapidement. »
Utilisez la règle des 80 / 20
On considère que 80 % des résultats d’une entreprise sont créés par seulement 20 % des efforts fournis. Pour les managers, cette méthode peut se révéler d’un grand secours car elle permet d’identifier les tâches importantes. Plutôt que de s’éparpiller, autant se concentrer sur son cœur de métier et déléguer les autres tâches. Concrètement, visez la simplicité plutôt que la perfection, vous n’en serez que plus efficace !
Article écrit par Paula Dargaud, édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ
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