Productivité : est-on vraiment "du matin" ou "du soir" ?
25 juin 2019
5min
Est-ce que l’on est vraiment du matin ou du soir, et comment cela joue-t-il sur notre productivité ?
Et oui être du matin ou du soir n’est pas une simple expression de la langue française, “c’est dans les gènes dès la naissance”, affirme la chercheuse en chronobiologie Claire Leconte. Alors on arrête de s’auto-flageller, si se lever le matin est une véritable torture mais que vous pourriez danser jusqu’au bout de la nuit vous avez une personnalité vespérale, dite “du soir”. À contrario, si le matin vous avez l’âme de Rocky Balboa et que votre énergie est revue à la baisse dans la journée, vous êtes plutôt “du matin”.
Est-ce qu’on peut modifier notre rythme ? Comment ce dernier impacte-t-il notre productivité ? Welcome To The Jungle a interrogé des experts dans le domaine pour nous aider à y voir plus clair.
Être du matin ou du soir : est-ce génétique mais modifiable ?
L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ?
Sauf que cela n’est pas donné à tout le monde, les scientifiques sont unanimes. « En terme médical, on appelle le fait d’être du matin ou du soir la typologie circadienne », explique Albert Lachman, somnologue aux cliniques de l’Europe. « Il existe des gens du matin, donc des couche-tôt/lève-tôt et à l’inverse des couche-tard/lève-tard. Mais certaines personnes sont neutres, et ne sont ni l’un ni l’autre. » Guillaume Gautier ; praticien en hypnose ericksonienne et co-fondateur de DreaminzZz, premier masque d’hypnose connecté permettant d’optimiser son temps de sommeil ; explique que la population est effectivement composée :
- de « matinaux » (25%)
- de « couches tard » (25%)
- d’une majorité plutôt « neutre »
« Les gènes qui déterminent le chronotype de chacun se situent dans l’horloge interne. C’est elle qui fixe les moments d’éveil et d’endormissement. L’horloge interne est en avance de phase chez ceux qui sont matinaux et en retard de phase chez ceux qui sont du soir », détaille le docteur Maria-Antonia Quera-Salva, neurologue responsable de l’unité du sommeil à l’hôpital Raymond Poincaré de Garches. Si vous voulez savoir plus précisément à quel clan vous appartenez, faites le test de Horne et Östberg.
Les récentes études sur le sujet démontrent que cette prédisposition est héréditaire, et influencée par le mois de naissance et longueur des jours pendant la grossesse de votre mère. Si vous êtes, par exemple, né en automne–hiver vous serez généralement matinal alors que les natifs printemps-été sont plus souvent vespéraux.
Est-il possible de modifier sa nature ?
La réponse est oui, adapter notre nature biologique à notre rythme de vie pour répondre à nos impératifs familiaux ou professionnels est possible dans une certaine mesure. Mais il faut pour cela respecter la durée de sommeil dont nous avons besoin, qui varie si nous sommes un gros dormeur ou non. Guillaume Gautier met en garde : « Un gros dormeur qui écourte son temps de sommeil pendant plusieurs années s’adaptera au rythme qu’il impose à son organisme mais il ressentira une fatigue profonde ou pire un état dépressif sur le long terme. Pour apaiser les effets négatifs dus à l’adoption d’un rythme contraire à son propre rythme biologique, il est fortement conseillé d’avoir recours à des thérapies brèves ou à un réveil à simulateur d’aube et autres lumières permettant de leurrer son rythme naturel. »
Par conséquent, et comme le préconise Albert Lachman : « Respectez plutôt votre nature. Il faut essayer de se tester, de savoir si on est du matin ou du soir et adapter ses activités à sa nature. »
Être du matin ou du soir, quel impact sur notre productivité ?
Si votre rythme de travail ne correspond pas à votre nature, les effets négatifs sur votre productivité sont immédiats. Vous ressentirez :
- Un manque de résistance au stress ;
- Un manque de créativité ;
- Un manque de rigueur ;
- Un manque d’implication au travail.
Selon Guillaume Gautier : « L’impact est rapidement mesurable dès lors qu’on modifie ses horaires. D’ailleurs, il est fortement conseillé d’ajuster ses horaires de travail et donc de productivité en fonction de ses heures d’éveil optimal. Un “matinal” privilégiera les heures du matin pour programmer les tâches lui demandant le plus de concentration par exemple et un “couche-tard” adaptera de même son emploi du temps.
En France, les entreprises souffrent encore d’une longue tradition de présentéisme et d’horaires identiques pour tous les employés. Le “matinal” étant mieux vu que les autres, il symbolise encore aujourd’hui le modèle occidental du parfait travailleur. Pourtant, si une entreprise demande à un “matinal” d’être aussi efficace en fin de journée, elle fera preuve d’une belle erreur de management. »
S’il vous sera difficile d’imposer votre rythme de travail à votre futur employeur, ou même simplement de savoir quels sont les horaires appliqués dans la tribu, essayez d’en savoir plus auprès des collaborateurs. Vous pouvez très bien demander lors du processus de recrutement à rencontrer votre future équipe, ce qui vous permettra un moment plus informel pour aborder ce type de question. Il en va de votre efficacité.
Si dans la plupart des entreprises les horaires sont les mêmes pour tout le monde et demeurent un sujet tabou, certaines tribus ont mis en place des mesures pour optimiser cette productivité.
La sieste
Selon l’enquête d’Eve Sleep, 80% des Français ressentent le fameux “coup de barre” au cours de leur journée de travail. 26% des salariés s’octroient le droit de temps en temps de faire la sieste mais en cachette ! Pourtant, ils ont raison puisque la micro-sieste permet d’améliorer les capacités d’apprentissage, de restaurer la concentration et de parfaire les relations au travail. La sieste en entreprise augmente de 35% la productivité ainsi que la réactivité de l’employé selon la NASA.
À DreaminzZz, la sieste est quasi obligatoire pendant 10 à 20 minutes entre 13 heures et 16 heures, car, au-delà, cela interfère avec les heures du sommeil nocturne. De même, chez Criteo, la “Zen Room” est à disposition des collaborateurs. Le constructeur automobile Renault a quant à lui inauguré le “Calm Space” qui peut accueillir simultanément 60 employés.
L’adaptation du temps de travail
Parce qu’une bonne nuit de repos permet de gagner en productivité, les entreprises ont tout intérêt à faciliter le sommeil des collaborateurs et ainsi éviter les absences répétées. Pourtant, aujourd’hui, 45% des Français de 25-45 ans considèrent qu’ils dorment moins que ce dont ils ont besoin, et cette durée de sommeil ne cesse de diminuer. Pour les plus mal lotis qui dorment moins de six heures par nuit, les déficits de performance équivalent à 48 heures sans sommeil.
Pour parer à ce phénomène, Antoine Amiel, fondateur de Learn Assembly, cabinet de conseil en formation nous décrit de quelle façon le fonctionnement de l’entreprise permet d’adapter son temps de travail et ainsi de dormir comme son corps le réclame. « Cela commence avec des choses simples : prendre en compte le temps de transport, les enfants à conduire à l’école ou non, les horaires de réunion,les traditions collectives de l’entreprise, le télétravail, la récupération suite à des périodes de rush etc. » Ainsi, même si les horaires tendent à devenir un sujet moins tabou en France, les réelles initiatives pour adapter le temps de travail de chacun sont encore peu nombreuses et ne concernent pas tous les secteurs.
« Je conclurai en disant qu’il est important de faire attention à l’usage que l’on fait des étiquettes telles que “matinal”, “couche-tard”, “gros dormeur” etc. Autant il est important de se connaître pour respecter son rythme, autant il est bon de ne pas se laisser enfermer par des dénominations. » déclare Guillaume Gautier. Alors, trouvez le bon équilibre entre votre nature et vos impératifs professionnels pour être heureux au travail et, surtout, trouvez une tribu en phase avec vos attentes et au sein de laquelle vous pourrez être au maximum de vos capacités.
Illustration by Antonio Uve
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