Rythmes de travail : que veulent les salariés un an après le début de la crise ?
09 févr. 2021
5min
Cofondateur et CEO de Welcome to the Jungle, spécialiste de la marque employeur et du recrutement
DRH freelance, spécialiste du travail en 100% remote, des équipes multiculturelles et de l’hypercroissance
Rédactrice
L’onde de choc vécue en 2020, avec l’irruption de la crise sanitaire, a accéléré certaines tendances préexistantes dans le monde de l’entreprise, transformant à jamais les rythmes de travail des salarié·e·s. Presque un an après le début de la pandémie, et suite à la publication de notre premier Observatoire des Rythmes de travail en janvier 2020, Welcome to the Jungle a décidé d’interroger de nouveau les salarié·e·s français.ses pour savoir ce qui avait changé, notamment avec la crise. Les collaborateurs.trices sont-ils/elles plus ou moins satisfait·e·s de leur rythme de travail ? Sont-ils/elles toujours aussi adeptes des rythmes de travail flexibles ? Et comment voient-ils/elles l’évolution de leur cadence de travail dans les années à venir ? Voici 5 enseignements clés tirés de notre étude, que vous pouvez consulter au complet ici.
Méthodologie : Cette étude Ipsos, commanditée par Welcome to the Jungle, a été réalisée entre le 15 et le 24 décembre 2020 auprès de 1 000 Français·es, constituant un échantillon national représentatif de la population salariée âgée de 18 ans et plus.
Les horaires flexibles font moins rêver qu’en 2020
C’est l’un des enseignements clés de l’enquête : les rythmes de travail flexibles séduisent moins qu’il y a un an. En janvier 2020, 60% des salarié·e·s disaient vouloir travailler dans une entreprise où les rythmes de travail étaient flexibles, contre seulement 56% en 2021. Une tendance qui concerne en premier lieu les parents-salarié·e·s, c’est-à-dire surtout les sondé·e·s âgé·e·s de 35 ans et plus (53%, -6 points), et les femmes (57%, -6 points). Et cela n’est pas surprenant. Avec la fermeture des écoles lors du premier confinement, beaucoup de parents ont eu du mal à concilier vie pro et garde d’enfants. Aussi, selon une étude réalisée en mai 2020 par l’INED, les conditions d’exercice du télétravail pendant le confinement ont été plus difficiles pour les femmes que pour les hommes ; notamment car elles étaient plus souvent entourées d’enfants et disposaient moins d’une pièce à elles pour travailler. Mais au-delà de la difficulté de concilier vie pro et vie perso, ce désamour des horaires flexibles révèle un fort désir de retrouver des repères. Comme le rappelle Michel Barabel, directeur de l’Executive Master RH de Sciences Po Paris : « Dans un monde où tout est volatile, où tout ce que dit un homme politique le lundi est contredit le mardi, où les mesures sanitaires changent tous les mois, où la stratégie de l’entreprise peut être remise en cause à tout moment… Il est normal que les salarié·e·s aient un besoin plus fort de repères (points invariants). »
Les cadres et les jeunes plus pessimistes qu’il y a un an
Par rapport à 2020, les cadres (37%, -8 points) et les jeunes de 18-29 ans (37%, -18 points) perçoivent plus négativement l’évolution de leur rythme de travail au cours des dernières années. Ces deux populations ont été durement impactées par la crise ; les cadres car ils/elles se sont retrouvé.e.s en première ligne pour réorganiser le travail, et les jeunes parce-qu’ils/elles sont les premiers/ères à pâtir des impacts économiques de la crise. Selon une étude mondiale de l’OIT publiée en mai 2020, près de 4 jeunes sur 10 « ont des doutes quant à leurs perspectives de carrière ».
Le salaire compte désormais plus qu’un bon équilibre vie pro/vie perso
Autre nouveauté : le salaire (90%) est le critère de bien-être numéro un cette année, devançant l’équilibre vie pro/vie perso qui, en janvier 2020, était considéré comme tout aussi important que la rémunération. Les salarié·e·s ont donc revu leurs priorités en matière d’épanouissement au travail. Face aux retombées économiques de la crise sanitaire, les salarié·e·s privilégient désormais leur sécurité financière. D’autre part, on constate que les salarié·e·s accordent plus d’importance en 2021 qu’en 2020 aux critères qui donnent du sens à leur travail. Les missions et l’intérêt du poste ont plus d’incidence sur le bien-être des collaborateurs·trices (88%, +2 points) qu’en 2020. Ces facteurs sont aussi vus comme plus essentiels en 2021 (35%, +3 points) qu’en début d’année. Cela tend à indiquer que l’année 2020 a fortement questionné les salarié·e·s sur le sens qu’ils/elles donnent leur travail.
Le télétravail plébiscité, mais surtout sous sa forme partielle
Par rapport à janvier 2020, on constate qu’une plus grande proportion de salarié·e·s est favorable au télétravail partiel (56%, +9 points), ainsi qu’au travail à distance occasionnel illimité (52%, +9 points) et au télétravail complet (31%, +6 points). Ce qui démontre une forte progression de l’adhésion des salarié·e·s aux modes de travail à distance. Parallèlement, on constate que le télétravail est plébiscité surtout lorsqu’il se limite à quelques jours par semaine. En effet, l’enquête révèle que les effets positifs du télétravail sont davantage ressentis lorsqu’il est partiel (quelques jours par semaine au maximum) - au niveau de la flexibilité horaire (71%), du sentiment d’autonomie (70%), du bien-être (62%), de la productivité (59%) et du stress (56%). Inversement, le télétravail à 100% décuple les inconvénients du travail à distance, impactant négativement le sentiment d’isolement (47%), les relations avec les collègues (45%), mais aussi le sentiment d’appartenance (30%) et les relations avec la hiérarchie (24%). Il semblerait donc que la dimension sociale du travail se détériore davantage en télétravail complet qu’en télétravail partiel.
Ils/elles sont globalement satisfait.e.s de leur rythme de travail
Avec tous les ajustements qu’ils/elles ont dû faire en cours d’année, on aurait pu penser que les salarié·e·s seraient moins satisfait·e·s de leur rythme de travail en 2021. Il n’en est rien. Comme en 2020 (82%), une large majorité de Français·e·s (83%) considèrent avoir un bon équilibre vie pro/vie perso. Ils/elles sont même plus nombreux·euses à considérer que leur rythme est compatible avec leur bien-être au travail (66%, +2 points). Une indication claire que les salarié·e·s se sont, dans l’ensemble, plutôt bien accoutumé·e·s à leur nouvelles conditions de travail. Et il semblerait que cela soit en partie dû aux efforts des entreprises, qui ont su faire preuve de souplesse et de bienveillance. En effet, les salarié·e·s sont un peu plus nombreux·euses en 2021 à trouver que leur entreprise est plus attentive à leurs besoins en matière de rythmes de travail (57%, +1 point). Mais une zone d’ombre persiste : la cadence ne cesse de s’accélérer.** En effet, un.e salarié.e sur deux (50%+ 3 points) déclare qu’il/elle n’a pas le temps d’apprendre des choses nouvelles et intéressantes.
Quels sont les dispositifs de flexibilisation du temps de travail préférés des Français·es ?
Depuis deux ans, les dispositifs les plus plébiscités par les salarié·e·s sont les horaires flexibles (68%) et la semaine de 4 jours (66%). Même si, comme on l’a vu, les salarié·e·s sont peu adeptes des horaires flexibles en cette période de crise (adoption dans l’urgence, fermeture des écoles, besoin de repères…), ils/elles restent séduit·e·s par le concept et sa mise en place en “temps “normal”. En ce qui concerne la semaine de 4 jours (66%), ce dispositif continue à faire rêver les salarié·e·s, bien que seul·e·s 20% d’entre eux/elles disent y avoir accès. Autre constat : le travail à distance occasionnel illimité a grimpé dans le classement (52%, +9 points), démontrant une fois de plus que le travail à distance est de plus en plus positivement perçu. Enfin, l’année 2020 a contribué à populariser le télétravail complet, qui séduit aujourd’hui plus de salarié·e·s (31%, +6 points).
- A lire aussi : La semaine de 4 jours, LE remède de sortie de crise ?
Les salarié·e·s plus optimistes quant à la flexibilisation des rythmes de travail
Bonne nouvelle : malgré le pessimisme ambiant, les salarié·e·s sont plutôt optimistes en ce qui concerne l’évolution future de leur rythme de travail. Plus de salarié·e·s en 2021 qu’en 2020 pensent que l’assouplissement des rythmes de travail sera davantage répandu dans les années à venir dans leur entreprise (36%, +8 points) et dans le pays (50%, +4 points). En revanche, ils/elles sont partagé·e·s sur la question de savoir si la crise sanitaire va entraîner ou non des transformations durables. Un peu moins de la moitié (48%) a le sentiment que la crise va encourager leur entreprise à appliquer des mesures durables de flexibilisation du temps de travail, tandis qu’une faible majorité (52%) pense le contraire. Une question qui demeure pour l’heure en suspens. Seul l’avenir le dira…
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