Managers : 6 erreurs qui poussent vos salariés à la démission

23 févr. 2023

7min

Managers : 6 erreurs qui poussent vos salariés à la démission
auteur.e
Laetitia VitaudExpert du Lab

Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes

Dans un contexte où la rétention des talents est l’enjeu majeur de nombreuses organisations, connaître, comprendre et surtout agir sur les principales causes de départ des salariés est primordial. Heureusement, notre experte Laetitia Vitaud revient sur ces faux pas qui conduisent souvent vos talents à prendre la porte.

Il est peut-être exagéré de parler de « grande démission » à propos de la France, car malgré le phénomène de rattrapage de la période Covid (et son gel des licenciements), le nombre de départs n’est pas complètement inédit. Il est néanmoins indéniable que les difficultés de recrutement des employeurs sont majeures, que les jeunes recrues quittent leur emploi de plus en plus souvent avant la fin de leur période d’essai, que l’on s’imagine de moins en moins effectuer une carrière linéaire et que le travail hybride remet fortement en question l’organisation du travail et le management contemporains.

Pas facile donc d’être manager dans une telle période de changement du rapport au travail. Ni trop présent, ni trop absent : bien manager devient un jeu d’équilibriste qui se réinvente à chaque génération. D’autant qu’un management jugé inadapté est la cause principale des départs à l’initiative des salariés : plus d’un cadre sur deux choisit de rompre sa période d’essai pour cette raison. S’ils se sentent infantilisés, pressurisés, harcelés, insuffisamment reconnus… ils prennent la poudre d’escampette. Mais quelles attitudes reprochent-ils à leur manager ? Voici les 6 erreurs de management les plus courantes qui font fuir les salariés aujourd’hui.

Une communication insuffisante

À l’âge du travail hybride, le sentiment d’isolement des salariés est parfois accru. Ce n’est pas le télétravail en tant que tel qui provoque l’isolement, ce sont des processus de communication inadaptés ou insuffisants. Certains salariés peuvent tomber dans un sentiment de paranoïa, faute de recevoir suffisamment de signes de leurs collègues et manager. Tout ce qui pouvait aller sans dire quand on se reposait exclusivement sur les moments informels du bureau et les rituels présentéistes devrait désormais être dit plus clairement, faute de quoi les salariés peuvent se sentir abandonnés.

La surcharge communicationnelle et informationnelle, provoquée par l’infobésité du travail, est devenue un problème majeur : face à des boîtes mails et messageries d’équipe surchargées, certains managers éprouvent des difficultés à gérer et « ghostent » davantage les salariés. C’est une erreur. Il est essentiel de codifier et formaliser davantage la communication pour la rendre plus efficace. Quel canal pour quel message ? Qui est mis en copie ? Quel délai de réponse ? Quels temps de déconnexion ? Toutes ces questions doivent être mises sur la table.

Mes conseils :

  • Accuser réception par écrit rapidement : quand un travail est envoyé, en donnant un délai de réponse (« Je reviens vers toi plus en détails d’ici le [date] »). Dans un contexte hybride, les prochaines étapes devraient être explicitées comme dans les cultures néerlandaise ou américaine.
  • Ritualiser les « messes » collectives : moments d’équipe, réunions hebdomadaires, RDV rituels… À force d’aller vers plus de flexibilité et d’autonomie (ardemment désirées par la majorité des salariés), est-on allé un peu trop loin dans le sens du travail asynchrone jusqu’à en oublier les temps collectifs ?

Des objectifs et une charge de travail irréalistes

Les salariés qui se voient fixer des objectifs impossibles à atteindre, voire incohérents, finissent pas baisser les bras, faire semblant d’y croire ou sombrer en burn-out. La charge de travail excessive est un fléau pour de nombreux cadres et travailleurs des services. Cela peut être causé par des effectifs insuffisants (comme dans les hôpitaux où les infirmières font seules le travail de plusieurs personnes) ou des objectifs trop ambitieux. Entre frustration de ne jamais être à la hauteur et épuisement quand on cherche à l’être, l’effet est délétère. Trop de projets en parallèle, cela freine la productivité car personne n’est bon en multitasking.

Sous prétexte que les horaires de travail sont plus flexibles et qu’on peut travailler partout, on a souvent tendance à trop charger la barque. Parfois, ce sont les salariés eux-mêmes, reconnaissants de pouvoir télétravailler qui en font toujours plus. Dans tous les cas, c’est un sujet managérial. Selon une étude de l’Institut Montaigne parue en 2023, 60 % des travailleurs déclarent que leur charge de travail a augmenté ces 5 dernières années. Même quand ils travaillent le même nombre d’heures, ils ont le sentiment d’avoir plus de travail à faire.

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Une reconnaissance qui fait défaut

La reconnaissance est un besoin fondamental au travail : sans confiance, estime des autres et de soi-même, il ne peut pas y avoir de bien-être. Pourtant, la majorité des gens (7 salariés français sur 10) estiment en manquer. La plupart du temps, c’est la reconnaissance de leur manager qui leur fait défaut : selon une étude de l’Anact, seule une personne sur deux s’estime reconnue par son supérieur. C’est un sujet complexe car l’expression de la reconnaissance peut prendre des formes multiples au travail : prix, médailles, compliments, remerciements et émoluments. Au-delà des éléments objectifs de la reconnaissance, il y a des aspects subjectifs, psychologiques et culturels.

Il y a quatre types de reconnaissance dans le monde du travail : la reconnaissance des résultats du travail (ce qui est observable et mesurable), la reconnaissance de la pratique du travail (les compétences mobilisées), la reconnaissance de l’investissement dans le travail (les efforts mis en œuvre), et la reconnaissance existentielle (les individus dans leur singularité, avec leur personnalité et leurs défauts). Un défaut sur l’une de ces quatre dimensions peut provoquer un sentiment de malaise chez les salariés. Voilà donc une mission bien ardue pour les managers !

Mes conseils :

  • Dire merci vous rendra service : un « merci » bien balancé peut avoir plus d’effet que les gratifications matérielles qui jouent sur la motivation extrinsèque (quand vous faites quelque chose pour l’argent, par exemple). Attention à bien personnaliser les messages de remerciement.
  • Tenir les salariés au courant des succès collectifs auxquels ils ont contribué : cela peut prendre la forme d’une newsletter ou d’un RDV rituel qui permet de rappeler à chacun l’importance de sa contribution au travail d’équipe.

Un manque d’autonomie au travail

L’autonomie au travail est l’une des valeurs essentielles plébiscitées par certains travailleurs qui souhaitent sortir du modèle de subordination salariale inventé à l’ère industrielle. Si les salariés ont l’impression de manquer d’autonomie ou de confiance, ils peuvent éprouver une frustration aiguë au travail. Le manque d’autonomie serait la deuxième cause de départ des salariés (après le manque de perspectives d’évolution de carrière). Quand on n’a pas assez de latitude pour prendre des décisions et apprécier l’impact de son travail, on s’en désintéresse au point de pouvoir préférer partir.

Parfois, les salariés ont l’impression qu’il existe un décalage entre les discours sur l’autonomie et la réalité d’une surveillance perçue comme accrue, notamment avec les outils numériques permettant de contrôler le travail des salariés en continu. Pourtant, la liberté de choisir les moyens d’atteindre un objectif est un facteur clé de motivation. D’ailleurs, l’étude de l’Institut Montaigne citée plus haut explique aussi que l’absence d’autonomie fait partie des principaux facteurs aggravants concernant la surcharge de travail : sans autonomie, on perd plus de temps et on ressent la charge de travail comme plus lourde. De sorte que les indépendants, plus autonomes par essence, sont en moyenne plus satisfaits que les salariés (satisfaction moyenne de 7,6/10 chez les indépendants contre 6,7/10 chez les salariés).

Mes conseils :

  • Clarifier les objectifs : pour pouvoir faire confiance et offrir de la flexibilité, il est nécessaire d’être particulièrement rigoureux sur les attentes, les objectifs et les délais. Plus la communication est explicite, mieux les étapes sont définies, plus on peut laisser les salariés tranquilles entre deux rendez-vous.
  • L’autonomie requiert un apprentissage côté manager et côté salarié : on peut donc y aller progressivement, en supprimant par étape certains éléments d’encadrement et en augmentant les responsabilités et libertés au fur et à mesure.

Des opportunités de développement trop faibles

De plus en plus de salariés savent qu’ils devront changer d’employeur, mais aussi de métiers ou de postes, à plusieurs reprises au cours de leur carrière. L’idée qu’il faudra acquérir de nouvelles compétences pour rester « employable » a été si bien intégrée que c’est même devenu un critère essentiel pour choisir un emploi. « Ce poste m’offrira-t-il assez d’opportunités de développement et d’apprentissage ? » « Serai-je plus ou moins employable après quelques années dans ce job ? »

Si les carrières semblent plus précaires alors il devient plus important de rester maître de sa trajectoire et d’avoir en main toutes les cartes pour opérer des reconversions. Pour cela, on peut vouloir trouver dans chaque poste des opportunités de développement importantes. Ces opportunités peuvent prendre des formes multiples : mobilité interne (55 % des sondés déclarent vouloir évoluer vers un poste différent au sein de la même entreprise, d’après l’étude de l’Institut Montaigne), mobilité externe grâce à un CV rendu plus attractif, formations…

Mes conseils :

  • Offrir des formations et du coaching, y compris aux salariés de plus de 50 ans : cela reste un moyen essentiel d’offrir aux salariés des opportunités de se perfectionner dans leur domaine d’expertise.
  • Favoriser la mobilité interne : rotations de postes, promotions mais aussi projets collaboratifs avec des salariés d’autres départements… ces opportunités ne sont pas toujours du ressort des managers individuels, mais dépendent des politiques et outils développés à l’échelle du groupe.

Le harcèlement sous toutes ses formes

Hélas, le harcèlement reste une cause majeure de démission des salariés. Qu’il soit moral ou sexuel, il cause de nombreux dommages psychologiques à celles et ceux qui en font les frais. Il serait la troisième cause de démission des salariés (après le manque d’autonomie et le manque de perspectives d’évolution de carrière). En réalité, on ignore l’ampleur du problème car ce sont également des salariés témoins du harcèlement d’un collègue qui peuvent démissionner à cause d’un·e manager toxique. Le plus souvent, les salariés harcelés et les témoins démotivés quittent l’entreprise sans que l’on ne sache pourquoi. On sous-estime probablement l’ampleur du problème.

Depuis la fin des années 2010, on parle de plus en plus de cyberharcèlement au travail. Si les usages numériques transforment le travail, ils transforment aussi les formes que prend le harcèlement dont les travailleurs sont victimes. Le harcèlement ne disparaît pas avec le télétravail : le management toxique peut même se faire plus intrusif. Il fait fi des limites de temps et d’espace pour s’immiscer encore plus dans l’intimité des victimes.

Mes conseils :

  • Former les salariés à reconnaître et prévenir le harcèlement : bystander intervention
  • Mettre en place des procédures claires à l’échelle des organisations : pour signaler les cas de harcèlement aux responsables des ressources humaines, procéder à des enquêtes indépendantes et protéger les lanceurs d’alertes de représailles professionnelles.

Article édité par Mélissa Darré, photo : Thomas Decamps pour WTTJ

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