Recrutement : 8 méthodes infaillibles pour repérer (et éviter) les « sales cons »
10 déc. 2021
7min
Narcissique, manipulateur, ou encore pessimiste… Cette triste bande porte un nom, celle des « sales cons ». Autant de personnalités complexes qui ont vite fait de plomber une équipe comme une entreprise. La solution ? Éviter à tout prix de les embaucher !
Popularisée par le professeur Robert Sutton, dans son best-seller Objectif zéro sale con (Vuibert, 2012), la notion de « sale con » désigne ces salariés susceptibles de nuire au collectif. « Un “sale con” anéantit le travail de deux “top talents” de l’entreprise. » Voici le constat sans appel du professeur Dylan Minor de la Harvard Business School, qui a analysé 60 000 cas de salariés répartis sur 11 industries différentes. Pour l’entreprise, le coût financier est donc considérable, sans oublier l’impact émotionnel désastreux pour les équipes. Mais comment repérer ces « sales cons » dès l’entretien d’embauche, pour éviter qu’ils ne se faufilent entre les murs de votre entreprise ?
Les 4 types de comportements toxiques dont il faut le plus se méfier
Dans l’encyclopédie des « sales cons » dressée par Robert Sutton, on retrouve une série de comportements toxiques : « Insultes, violation de l’espace personnel, contacts physiques non sollicités, menaces, sarcasmes, injures, humiliations, moqueries, interruptions, médisances, regards vindicatifs, rebuffades… ». Un constat partagé par Benoît Chalifoux, conférencier spécialiste des soft skills, et Marion Sterlin, fondatrice du cabinet Bloom & experte en ressources humaines, qui dépeignent plus particulièrement quatre types de profils.
Le pervers narcissique : « Il ou elle donne une superbe image de lui à l’extérieur. Il sait très bien lire à travers les gens et se faire apprécier. C’est un grand manipulateur qui est d’autant plus difficile à détecter qu’il déjoue les tests psychométriques », constate Benoît Chalifoux. Et pour ne rien gâcher, le narcissique est intelligent et agit souvent en l’absence de témoins !
Le prétentieux : « Au-delà d’être potentiellement désagréable au quotidien, cette personnalité induit un manque de prise de recul, une incapacité à se remettre en question et donc à apprendre, à évoluer, à grandir. Elle est donc incapable d’activer son potentiel », affirme Marion Sterlin. La plupart du temps, ils se cachent d’ailleurs derrière une fausse modestie et deviennent ainsi plus difficiles à démasquer.
Le non aligné : celui ou celle dont on sent qu’il dégage une incongruence entre ce qu’il dit et ce qu’il semble éprouver ou ressentir (langage paraverbal), ou encore ce qu’il a fait ou la manière dont il se projette. « Cela peut laisser présager un comportement malsain car non affirmé », indique Marion Sterlin.
Le pessimiste : l’individu qui va se plaindre continuellement alors que dans une même situation, un autre salarié ne perçoit pas du tout les choses de la même façon. « L’un voit le problème et l’autre la solution. Le problème est que ces profils finissent par saper le moral de l’ensemble de l’équipe », poursuit Benoît Chalifoux.
8 conseils pour repérer les « sales cons » dès le processus de recrutement
Conseil n°1 : checkez le profil LinkedIn du candidat
Avant même de recevoir un candidat en entretien, revenez-en au b.a.-ba. À savoir, consulter son profil LinkedIn. L’idée n’est pas d’aller spotter les différentes formations et expériences égrenées par ce dernier, mais plutôt de vous faire une première impression de sa personnalité. « Au-delà du profil, à quoi ressemble son bandeau d’accueil ? Mentionne-t-il ses résultats à des concours ou examens ? Qu’a-t-il “liké” dernièrement ? Cela ne suffit pas évidemment, il s’agit d’une première approche. Il vous faudra compléter par le réseau si vous connaissez des personnes qui ont travaillé avec lui ou elle », conseille Marion Sterlin.
Ce qui doit vous mettre la puce à l’oreille : des posts très autocentrés qui servent rarement à congratuler les autres. Ce candidat a tendance à se survaloriser, jusqu’à l’étoile gagnée en classe de neige à 13 ans !
Conseil n°2 : engagez un maximum de personnes dans le processus d’entretien
Il n’est pas rare aujourd’hui de jauger certains candidats sur plus de trois ou quatre étapes, avant de procéder à une embauche. Si cela peut être éreintant pour les principaux intéressés, la méthode n’a rien d’innocent du côté des entreprises, qui cherchent à minimiser au maximum leur marge d’erreur. « Ces différentes étapes sont essentielles afin que chaque partie prenante de l’entreprise puisse rencontrer le candidat, d’autant plus s’il s’agit d’un manager », confirme Benoît Chalifoux. N+1, N+2 mais aussi collègues ou N-1, tous pourront être ainsi amenés à auditionner et partager leur ressenti sur le candidat.
Ce qui doit vous mettre la puce à l’oreille : si les ressentis divergent beaucoup d’un interlocuteur à l’autre et que le candidat ne semble pas se comporter de la même façon avec son potentiel N-1 ou N+1.
Conseil n°3 : misez sur les faits
En matière de recrutement comme ailleurs, les déclarations de bonne intention n’ont aucune valeur. Seuls comptent les faits. Il est donc utile, lors de l’entretien, de chercher à ce que votre candidat soit le plus factuel possible, en n’hésitant pas à demander des précisions et illustrations. « Je me souviens d’un futur manager d’équipe à qui j’avais demandé si le rôle était important pour lui. Il m’avait tenu un discours du type : “Le collectif, c’est primordial pour moi”. Mais lorsqu’il m’a décrit sa première journée au sein de l’entreprise, pas une minute n’était consacrée à ses équipes. J’avais mis le doigt sur une incohérence entre le discours affiché et l’action projetée. Et donc un manque d’authenticité… », illustre Marion Sterlin.
Ce qui doit vous mettre la puce à l’oreille : si vous ressentez une désynchronisation entre ce que la personne dit et son langage non-verbal. Ou encore entre les valeurs qu’elle prétend porter et sa capacité à les illustrer en actions.
Conseil n°4 : mettez en place un entretien de « valeurs »
On l’a vu plus haut, les tests psychométriques ne sont pas toujours révélateurs car certains candidats parviennent à les manipuler. Bien sûr, si un écart de valeurs par rapport à la norme apparaît, c’est un signal d’alarme. Autrement, vous pouvez miser sur ce que l’on appelle un entretien de valeurs, afin de mesurer l’alignement du candidat par rapport aux valeurs de l’entreprise. « Vous pouvez poser des questions surprenantes comme “Quel est votre plus grand regret ?” ou “Pourquoi vous êtes-vous levé ce matin ?”. Ou de façon plus classique, la question de l’adéquation entre les valeurs personnelles et les valeurs de l’entreprise. “En quoi est-ce que ces valeurs résonnent en vous ?” Peu de candidats ont “révisé”, et cela permet spontanément de voir ce qui les motive… Il est difficile de tricher », encourage Marion Sterlin.
Ce qui doit vous mettre la puce à l’oreille : si le candidat a du mal à se remettre en question et à expliquer comment il a appris de ses erreurs. Vous sentez que ses réponses sont trop calculées et manquent d’authenticité.
Conseil n°5 : observez votre candidat en toute discrétion
C’est réellement dans les moments informels que vous pourrez en apprendre plus sur votre candidat. Alors apprenez à aiguiser votre sens de l’observation. Benoît Chalifoux, par exemple, emmène le principal intéressé dans un restaurant qu’il connaît bien et dans lequel il entretient un lien privilégié avec le serveur. « À un moment, je sors de table pour faire semblant d’aller aux toilettes ou de passer un coup de fil. Le serveur prend la relève et il s’agit alors de savoir comment le candidat va se comporter avec lui. Parfois, on découvre un autre visage », rapporte le spécialiste des soft skills. Une pratique que Marion Sterlin a, elle aussi, longtemps utilisée pour ses recrutements : « Après le rendez-vous, j’aimais bien demander au personnel d’accueil (ou à l’assistante qui prend les rendez-vous) comment le candidat l’avait salué, s’était comporté… ».
Ce qui doit vous mettre la puce à l’oreille : si vos fameux « espions » attestent d’un manque de courtoisie ou d’une attitude hautaine à leur égard. « Bien sûr, il peut arriver qu’un candidat stressé adopte des comportements inhabituels, il vous faudra donc faire preuve de finesse dans votre jugement », nuance toutefois Benoît Chalifoux.
Conseil n°6 : sortez le candidat de sa zone de confort
Inflexible et intransigeant, le sale con est incapable de se remettre en question de par sa haute estime de lui-même. C’est la raison pour laquelle il est si difficile de collaborer avec lui. Imaginez un cas pratique ou une mise en situation qui n’est pas directement en lien avec le poste convoité. « Le candidat ne peut alors presque pas s’appuyer sur ses “acquis” : on voit rapidement ceux qui paniquent en se disant “Il doit y avoir une erreur” et ceux qui tentent… Nous avons besoin de personnes agiles intellectuellement et émotionnellement, donc capables d’apprendre rapidement. Ce sont elles que l’on veut recruter », souligne Marion Sterlin. Cette technique vous permettra de déceler les candidats négatifs, ceux qui rechigneront à mettre en place des changements dans leur poste, préférant écraser les prises d’initiatives de leurs collègues.
Ce qui doit vous mettre la puce à l’oreille : si le candidat abandonne et demande un autre exercice, persuadé qu’il y a erreur.
Conseil n°7 : proposez une journée d’immersion
Prenant généralement place en fin de recrutement, la journée d’immersion peut se révéler être un véritable trésor d’informations sur les candidats. « C’est extrêmement intéressant d’observer la capacité d’adaptation du candidat face à ce nouvel écosystème, ainsi que sa capacité à entrer en relation avec les autres », affirme Benoît Chalifoux. Participation active à des réunions, déjeuners d’équipe, rencontres autour d’un café… Il est essentiel de laisser le plus possible la place à l’informel durant cette journée. « C’est dans ces situations non prévues que le “sale con” manque de repères et risque donc de laisser apparaître ses travers, renchérit Marion Sterlin. Le silence est parfois une bonne astuce en tant que tel : il met mal à l’aise le manipulateur, qui a encore plus que nous tous, horreur du vide, car il laisse place au doute ! »
Ce qui doit vous mettre la puce à l’oreille : si la parole de vos équipes se fige en présence du candidat.
Conseil n°8 : faites confiance à votre intuition
En tant que recruteur expérimenté, votre intuition n’est pas une simple question de feeling, mais la somme de votre expérience, consciemment ou inconsciemment emmagasinée. Sans représenter l’élément central de votre prise de décision, l’intuition y participe grandement. « L’intuition s’envisage comme notre capacité à ingérer les signaux faibles (capacité d’observation, écoute empathique…) et à faire confiance à notre inconscient. Elle s’alimente au fil des expériences, des rencontres, de la compréhension de l’autre et de la connaissance de soi. Écouter son intuition n’est donc pas un excès de confiance en soi et peut, au contraire, permettre d’aller au-delà du candidat “top sur le papier” ! Je pense que c’est en partie parce qu’on rationalise trop le recrutement, comme s’il pouvait être une science exacte, qu’on laisse passer des “sales cons” ! », conclut Marion Sterlin.
Ce qui doit vous mettre la puce à l’oreille : l’impression persistante d’un manque d’authenticité de la part du candidat, qui jouerait un rôle.
Article rédigé par Paulina Jonquères d’Oriola et édité par Mélissa Darré, photo par Thomas Decamps.
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