8 techniques pour déceler les futurs « sales cons » dès le recrutement
10 déc. 2021
9min
Journalist & Content Manager
Il y a le narcissique, le manipulateur, le démotivé, le tire-au-flanc ou encore le pessimiste. Popularisée par Robert Sutton, professeur à l’université de Stanford, cette triste bande porte un nom. Celle des « sales cons ». On pourrait aussi dire des « sales connes ». Autrement dit, ces indésirables qui plombent une entreprise et une équipe. La solution : éviter à tout prix de les embaucher. Pour éviter que l’un de ces mauvais poissons ne se faufile entre les mailles du filet, deux spécialistes du recrutement et des soft skills nous livrent leurs meilleures techniques
« Un “sale con” anéantit le travail de deux “top talents” de l’entreprise ». Voici le constat sans appel du Pr D-Minor de la Harvard Business School, qui a analysé 60 000 cas de salariés répartis sur 11 industries différentes. Pour l’entreprise, il s’agit donc d’un coût financier considérable, sans oublier l’impact émotionnel désastreux pour les équipes. Pour Benoît Chalifoux, il est tout à fait clair que ce type de personnage est particulièrement délétère pour l’entreprise. D’ailleurs, entre un·e candidat·e qui aurait à 100% la bonne attitude et à 80% les compétences - et l’inverse - son coeur… ne vacille pas. « Je choisis la personne qui a la bonne attitude, car vous pouvez être certain que les 20% seront vite rattrapés », lance ce professionnel du savoir-être.
- Lire aussi : RH : 5 techniques pour gérer les « sales cons »
Les 4 types de « sales con.ne.s »
Dans l’encyclopédie des « sales con.ne.s » dressée par Sutton, on retrouve des comportements toxiques : « Insultes, violation de l’espace personnel, contacts physiques non sollicités, menaces, sarcasmes, injures, humiliations, moqueries, interruptions, médisances, regards vindicatifs, rebuffades ». Dans leur quotidien de recruteurs, les deux expert·es que nous avons interrogés nous livrent quant à eux ces 4 profils.
Le/la pervers.e narcissique. Vous savez, celui/celle que l’on retrouve à coup sûr dans les cas de harcèlement en entreprise. Problème : « il/elle donne une superbe image de lui/elle à l’extérieur. Il/elle sait très bien lire à travers les gens et se faire apprécier. C’est un.e grand.e manipulateur.rice. Il/elle est d’autant plus difficile à détecter qu’il/elle déjoue les tests psychométriques », constate Benoît Chalifoux. Difficulté supplémentaire : le/la narcissique est intelligent.e : il/elle agit souvent en l’absence de témoins !
Le/la prétentieux.se. « Au-delà d’être potentiellement désagréable au quotidien, cette personnalité induit un manque de prise de recul, une incapacité à se remettre en question et donc à apprendre, à évoluer, à grandir. Cette personne est donc incapable d’activer son potentiel », affirme Marion Sterlin, fondatrice du cabinet Bloom& et spécialiste des Ressources Humaines. Difficulté supplémentaire : ils se cachent derrière de la fausse-modestie, et deviennent ainsi plus difficile à démasquer.
Le/la non aligné.e. Autrement dit, celui/celle qui n’est pas droit.e dans ses baskets. Celui/celle dont on sent qu’il/elle dégage une incongruence entre ce qu’il/elle dit et ce qu’il/elle semble éprouver ou ressentir (langage paraverbal), ou encore ce qu’il/elle a fait ou la manière dont il/elle se projette. « Cela peut laisser présager un comportement malsain car non affirmé », indique Marion Sterlin.
Le/la pessimiste. L’individu qui va se plaindre continuellement alors que dans une même situation, un.e autre salarié.e ne perçoit pas du tout les choses de la même façon. « L’un voit le problème et l’autre la solution. Le problème est que ces profils finissent par saper le moral de l’ensemble de l’équipe », poursuit Benoît Chalifoux. Effectivement, comme l’explique Betsy Parayil-Pezard, les émotions négatives sont hautement contagieuses, qui plus est si elles émanent d’un manager.
Comment déceler ces indésirables « sales con.ne.s » dès l’entretien ? Zoom sur 8 techniques imparables.
Checkez le profil LinkedIn
Avant même de recevoir un.e candidat.e en entretien, revenez-en au béaba. À savoir : checker son profil LinkedIn. L’idée n’est pas d’aller spotter les différentes formations et expériences égrenées par le/la candidat.e, mais plutôt de vous faire une première impression de sa personnalité. « Au-delà du profil, à quoi ressemble son bandeau d’accueil ? Mentionne-t-il ses résultats à des concours ou examens ? Qu’a-t-il « liké » dernièrement ? Cela ne suffit pas évidemment, il s’agit d’une première approche. Il vous faudra compléter par le réseau si vous connaissez des personnes qui ont travaillé avec lui/elle », conseille Marion Sterlin.
Ce qui doit vous mettre la puce à l’oreille : Ses posts sont très auto-centrés et servent rarement à congratuler les autres. Il/elle a tendance à se survaloriser (jusqu’à l’étoile gagnée en classe de neige à 13 ans !)
- Lire aussi : Soft-skills : quelles sont les plus recherchées ?
Engagez un maximum de personnes dans le processus d’entretien
Il n’est pas rare aujourd’hui de jauger les candidat.e.s sur plus de 4 ou 5 étapes (voire plus !) avant de procéder à une embauche. Ceci n’a rien d’innocent. C’est même devenu la norme dans nombre de startups montantes. Cela peut être éreintant pour les candidat.e.s, mais pour les entreprises, il s’agit de minimiser au maximum la marge d’erreur. « Ces différentes étapes sont essentielles afin que chaque partie prenante de l’entreprise puisse rencontrer le/la candidat.e, d’autant plus s’il s’agit d’un manager », affirme Benoît Chalifoux. N+1, N+2 mais aussi collègues ou N-1, tous pourront être amenés à auditionner le/la candidat·e et partager leur ressenti.
Ce qui doit vous mettre la puce à l’oreille : Les ressentis divergent beaucoup d’un interlocuteur à l’autre et le/la candidat.e ne semble pas se comporter de la même façon avec son potentiel n-1 ou n+1.
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Revenez-en aux faits
En matière de recrutement comme ailleurs, les déclarations de bonne intention n’ont aucune valeur. Seuls comptent les faits. Alors, demandez à vos candidat.es d’être les plus factuel·les possibles. Cela est particulièrement pertinent pour débusquer les pervers narcissiques ou les non-alignés qui détestent qu’on les confronte à leurs propres contradictions. Démonstration avec cet exemple : « Je me souviens d’un futur manager d’équipe à qui j’avais demandé si le rôle de manager était important pour lui, et qui m’avait tenu un discours du type « le collectif c’est primordial pour moi, j’accorde une importance fondamentale au bien-être de mes équipes etc etc ». Je lui demande à quoi ressemblerait sa première journée au sein de l’entreprise : il me détaille son programme sans inclure une seule minute son équipe. Ce que je souligne. Il me répond qu’il aura bien le temps pour « ça » après ! J’avais mis le doigt sur une incohérence entre le discours affiché et l’action projetée. Donc un manque d’authenticité… forme de connerie (assez répandue d’ailleurs !) », illustre Marion Sterlin. Autre conseil : poser plusieurs fois la même question avec différents mots. Faire préciser, illustrer. Plus on incite le/la candidat·e à être factuel·le et précis·e, moins il/elle n’aura de marge de manœuvre pour manipuler. Mais c’est loin d’être une science exacte ! « Le silence est parfois une bonne astuce en tant que tel : il met mal à l’aise le manipulateur, qui a encore plus que nous tous, horreur du vide, car il laisse place au doute ! », ajoute Marion Sterlin. Alors, faites place au blanc… et observez.
Ce qui doit vous mettre la puce à l’oreille : Vous ressentez une désynchronisation entre ce que la personne dit et son langage non-verbal. Ou encore entre les valeurs qu’elle prétend porter et sa capacité à les illustrer en actions.
- Lire aussi : Recrutement : ce que cache le tutoiement
Mettez en place un entretien “valeur”
On l’a vu plus haut, les test psychométriques ne sont pas toujours révélateurs car certain.e.s candidat.e.s parviennent à les manipuler, un peu comme s’ils/elles passaient sous le radar du détecteur de mensonge. Bien sûr, si un écart de valeur par rapport à la norme apparaît, c’est un gros signal d’alarme. Autrement, vous pouvez miser sur ce que l’on appelle aujourd’hui les “entretiens valeur” qui permettent de mesurer l’alignement du candidat par rapport aux valeurs de l’entreprise. Un bon entretien “valeur” suppose de poser des questions surprenantes. Par exemple : « quel est votre plus grand regret ? » ou encore « pourquoi est-ce que vous vous êtes levé(e) ce matin ?». « Peu de candidats l’ont « révisée », et cela permet très spontanément de voir ce qui les met en énergie, les motive… il est difficile de tricher. Je conseille aussi de poser la question de l’adéquation entre les valeurs personnelles et les valeurs de l’entreprise. “En quoi est-ce que ces valeurs résonnent en vous ?” Difficile de tricher là aussi… Il faut aller sur l’être plus que le faire », encourage Marion Sterlin.
Ce qui doit vous mettre la puce à l’oreille : Votre candidat.e a du mal à se remettre en question et à expliquer comment il/elle a appris de ses erreurs. Vous sentez que ses réponses sont trop calculées et manquent d’authenticité.
- Lire aussi : Valeurs de boîte : et si on arrêtait le bullshit ?
Observez votre candidat.e en secret
Espionner votre candidat·e lors d’une entrevue au restaurant ? Cela va peut-être vous sembler étrange, mais c’est en tout cas une technique pratiquée par Benoît Chalifoux lorsqu’il est engagé par des entreprises pour évaluer des profils susceptibles de rejoindre le top management. Concrètement, comment ça marche ? Benoît Chalifoux emmène le/la candidat.e dans un restaurant qu’il connaît bien et dans lequel il entretient un lien privilégié avec le serveur à qui il donne un pourboire (très fréquent au Canada). « À un moment, je sors de table pour faire semblant d’aller aux toilettes ou passer un coup de fil. Le serveur prend la relève et il s’agit alors de savoir comment le/la candidat.e va se comporter avec lui. Parfois, on découvre un autre visage », rapporte Benoît Chalifoux. Autre technique proposée par notre expert canadien : « Passez devant votre candidat.e et tenez-lui la porte. Regardez ensuite s’il/elle va tenir la porte pour le suivant. Cela démontre sa capacité à faire preuve de prévenance envers autrui. Bien sûr, il peut arriver qu’un.e candidat.e stressé.e adopte des comportements inhabituels, il vous faudra donc faire preuve de finesse dans votre jugement », nuance-t-il. Une pratique que Marion Sterlin a elle-aussi longtemps utilisé pour ses recrutements : « Après le rendez-vous, j’aimais bien demander au personnel d’accueil (ou à l’assistante qui prend les rendez-vous) comment le candidat l’avait salué, s’était comporté…». Vous l’aurez compris : c’est réellement dans les moments informels que vous pourrez en apprendre plus sur votre candidat.e. Alors apprenez à aiguiser votre sens de l’observation.
Ce qui doit vous mettre la puce à l’oreille : Vos fameux “espions” attestent d’un manque de courtoisie envers eux/elles, ou d’une attitude hautaine à leur égard. Le/la candidat.e ne prend pas en considération les personnes qui l’entourent.
Sortez le/la de sa zone de confort
Inflexible et intransigeant, le/la sale con.ne est incapable de se remettre en question de par sa haute estime de lui/elle. C’est la raison pour laquelle il est si difficile de collaborer avec lui/elle. C’est pourquoi, imaginez un cas pratique ou une mise en situation qui n’est pas directement en lien avec le poste convoité. « Le/la candidat.e ne peut alors presque pas s’appuyer sur ses « acquis » : on voit rapidement ceux/celles qui disent « il doit y avoir une erreur », qui paniquent, s’amusent, ceux/celles qui tentent… Nous avons vraiment besoin de personnes agiles intellectuellement et émotionnellement, donc alignées, et capables d’apprendre rapidement. Ce sont elles que l’on veut recruter », souligne Marion Sterlin. Cette technique vous permettra de déceler les candidats négatifs, ceux qui rechigneront toujours à mettre en place des changements dans leur poste… et écraser les prises d’initiatives de leurs collègues / collaborat·eurs·rices
Ce qui doit vous mettre la puce à l’oreille : Le/la candidat.e abandonne et demande un autre exercice, persuadé qu’il y a erreur.
Misez sur les journées d’immersion
Les journées d’immersion sont de plus en plus utilisées par les startups en croissance. Elles prennent généralement place en fin de recrutement, et peuvent se révéler être de véritables trésors d’informations sur les candidat.e.s. Participation active à des meetings, déjeuners d’équipe, rencontres autour d’un café. « C’est extrêmement intéressant d’observer la capacité d’adaptation du candidat.e face à ce nouvel écosystème, ainsi que sa capacité à entrer en relation avec les autres », affirme Benoît Chalifoux. Durant cette journée, il est essentiel de laisser le plus possible la place à l’informel. « C’est dans ces situations non prévues que le sale con.ne manque de repères et risque donc de laisser apparaître ses travers », renchérit Marion Sterlin. Par exemple : faites le meeting plus tôt que prévu avant le déjeuner, et proposez à des personnes qui n’étaient pas prévues de se rajouter au repas. Suite à cette journée, le/la candidat.e peut faire ses feedbacks ainsi que les membres de l’équipe.
Ce qui doit vous mettre la puce à l’oreille : La parole de vos équipes se fige et/ou s’étrique en présence du candidat, et le/la candidat.e vit mal l’informel/l’imprévu !
Faites confiance à votre intuition
Quand il y a un doute, il n’y a pas de doute ! Si vous êtes un.e recruteur.se expérimenté.e, faites confiance à votre intuition. Il ne s’agit pas d’un simple feeling. L’intuition est la somme de votre expérience, consciemment ou inconsciemment emmagasinée. Même si elle n’est pas l’élément central de la prise de décision, l’intuition y participe grandement. « L’intuition s’envisage comme notre capacité à ingérer les signaux faibles (capacité d’observation, écoute empathique) et à faire confiance à notre inconscient. Elle s’alimente au fil des expériences, des rencontres, de la compréhension de l’autre et de la connaissance de soi. Écouter son intuition n’est donc pas un excès de confiance en soi et peut au contraire permettre d’aller au-delà du candidat « top sur le papier » ! Je pense que c’est en partie parce qu’on rationnalise trop le recrutement, comme s’il pouvait être une science exacte, qu’on laisse passer de sales con.nes ! », conclut Marion Sterlin.
Vous avez laissé passer un·e « sale con•ne » au travers des mailles du filet ? Pas de panique, on vous explique dans cet article comment les gérer et réduire leur pouvoir de nuisance.
Photo par Thomas Decamps
Article édité par Héloïse de Montety
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