La sécurité psychologique, ingrédient clé de la vie en entreprise

13 juin 2024

4min

La sécurité psychologique, ingrédient clé de la vie en entreprise
auteur.e
Nicky Charles Peters

Journalist and editor

contributeur.e

Vous n’avez pas pu passer à côté du terme « safe place », très couramment utilisé pour décrire un environnement dans lequel on se sent bien. Au travail, alors que le burn out est une menace presque universelle, il s’agit de communiquer avec des personnes bien différentes de nous, dans environnement stressant. Est-il possible d’y trouver une certaine « sécurité psychologique » ? Par quoi passe-t-elle ?

Si chaque personne a sa propre conception de l’environnement de travail idéal, deux critères sont toutefois à peu près universels. Il y a d’abord le sentiment d’inclusion, ou d’appartenance, et celui de sécurité. À eux deux, ils forment ce qu’on (ou du moins les psychologues) nomme la « sécurité psychologique ». C’est-à-dire le fait de se sentir en sécurité sur le plan physique et psychique, inclus et accepté dans un environnement, et où ce sentiment est partagé par d’autres. C’est - entre autres - se sentir suffisamment à l’aise pour donner son avis, proposer des idées, communiquer avec ses collègues et sa hiérarchie, sans peur du rejet, des reproches, des représailles ou d’autres réactions négatives courantes dans les environnements de travail toxiques.

La notion de sécurité psychologique est née dans les années 1950, suite aux travaux d’un psychologue qui s’intéressait aux conditions nécessaires à la créativité et la productivité, deux fondamentaux de la vie au travail. Si ce besoin de sécurité psychologique ne se cantonne pas à la sphère professionnelle, il y joue un rôle important. Nous passons une grande partie de nos semaines à travailler, et, tout comme c’est le cas dans la vie personnelle, il n’est pas toujours facile de repérer et réajuster les relations qui se passent mal.

Comment savoir si vous bénéficiez d’une sécurité psychologique au travail ?

Nos environnements de travail connaissent une vraie évolution. Tout le monde n’a pas pour autant la chance de connaître une sécurité psychologique professionnelle. Beaucoup de personnes travaillent en effet dans des conditions très moyennes, voire carrément toxiques. Comment savoir si votre boîte n’est pas exactement la championne de la sécurité psychologique ? Pour savoir déceler quand ils manquent à l’appel, il faut connaître les piliers d’un environnement de travail sain et bénéfique. Vous pouvez commencer par vous demander comment fonctionne votre équipe et à quoi ressemble précisément votre culture d’entreprise. C’est déjà un bon moyen de voir si des red flags apparaissent.

Par exemple, avez-vous l’impression que l’on vous exclut ou que l’on vous ignore au sein de l’équipe ? Ou une autre personne, peut-être ? Craignez-vous de commettre des erreurs à cause des réactions que cela risque de générer ? Est-ce envisageable pour vous de soumettre un grief, un problème ou demander de l’aide à votre N+1 ? Constatez-vous des fonctionnements négatifs récurrents, au sein de l’équipe ou avec le management ? Si oui, votre entreprise gagnerait certainement à implémenter certaines mesures favorisant la sécurité psychologique de ses salariés. Dans ce cas, il existe quelques jalons à poser pour définir et mesurer des objectifs, et aller vers du mieux. De nombreuses approches ont été développées pour améliorer les environnements de travail et les dynamiques professionnelles. Pour simplifier les choses, le sociologue Timothy Clark a détaillé les quatre phases qui, selon lui, assoient la sécurité psychologique de façon ferme au sein de l’entreprise.

1. Sécurité d’inclusion

La première phase consiste à créer un environnement dans lequel chaque membre de l’équipe se sent intégré et perçu à sa juste valeur. Quand certaines personnes sont exclues de la dynamique d’équipe ou ne s’y sentent pas les bienvenues, elles vont au travail à reculons et se sentent mal dans les interactions avec leurs collègues. Les paysages humains des entreprises sont aujourd’hui pluriels, et riches de cette diversité. Les cultures d’entreprise doivent à leur tour refléter et valoriser ce creuset de parcours, d’identités et de compétences. La sécurité d’inclusion peut naître au travers d’activités de team-building ou encore d’initiatives RSE. Ces dernières doivent montrer l’engagement de l’entreprise : que tout le monde se sente bienvenu, vu et apprécié au bureau.

2. Sécurité de l’apprentissage

La deuxième phase consiste à offrir aux équipes un cadre qui leur permette d’apprendre et d’évoluer. Pour que les salariés puissent essayer de nouvelles choses, acquérir des compétences et progresser dans leur carrière, ils doivent pouvoir sortir de leur zone de confort en toute sécurité, prendre des risques sans craindre les reproches s’ils se plantent. C’est une phase qui nécessite de vraies opportunités et de la communication. La direction doit créer et encourager des conditions dans lesquelles les salariés peuvent innover, proposer, aller plus loin sans trop de risques, quels qu’ils soient. Ce sont des occasions d’apprendre, qui doivent s’accompagner de deux autres pratiques : le renforcement positive et le feedback constructif. Ces derniers sont les garants d’une attitude saine de l’entreprise et du management face à celles et ceux qui osent. Si le couperet ou les remarques tombent quand quelqu’un tente autre chose et cherche à élargir un peu l’horizon, il y a peu de chance que d’autres se lancent.

3. Sécurité de la place

La troisième phase a lieu quand les salariés se sentent à leur place dans l’équipe, à savoir à l’aise non seulement dans les tâches qui leur sont allouées, mais aussi dans le fait de donner leur avis et participer activement à la dynamique de groupe. Quand on n’a pas peur du rejet, du silence qui en dit long ou de la moquerie, on a bien plus envie de partager ses idées et de déployer ses compétences au sein de l’équipe. Ici, il est important de savoir reconnaître et satisfaire les façons de communiquer propre à chaque membre de l’équipe. Certaines personnes n’ont aucun mal à proposer des choses dès que l’opportunité se présente, quand d’autres ont besoin de temps, d’espace et d’encouragements pour le faire. En équipe, plusieurs têtes pensantes valent mieux qu’une. Et si personne ne craint de prendre la parole, c’est tout le monde qui en sort gagnant et grandi.

4. La sécurité d’oser

La quatrième et dernière phase est atteinte quand les salariés se sentent suffisamment en confiance et en sécurité pour remettre en question des fonctionnements, idées, dynamiques d’équipe, comportements ou même réflexes de management. On doit pouvoir le faire sans crainte de répercussions directes ou de risque pour sa trajectoire professionnelle. C’est le point culminant des avancées réalisées dans les phases précédentes. Les salariés peuvent commencer à se sentir en sécurité, à tirer des leçons de leurs erreurs, à proposer de nouvelles idées et à faire bouger les lignes. Quand une culture d’entreprise ne facilite pas la prise de parole (sur une boulette qu’on a faite, une opportunité qui n’a pas été saisie), le management passe à côté d’une ressource ô combien utile à la prise de décision – et ce à tous les niveaux. Les gros scandales ou bad buzz qui ont éclaté ces dernières années ont bien souvent été liés au fait que les salariés se sentaient muselés au bureau.

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