« Pourquoi ? », la première question que les entreprises devraient se poser
02 déc. 2019
7min
Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes
Découvrez notre série MustReads RH. L’objectif, c’est d’aider la force de travail des organisations à garder l’esprit ouvert à tout ce qui s’écrit de mieux sur leur activité. Parce que les RH sont un sujet très large, MustReads s’intéresse à une grande variété de livres inspirants sur les organisations en tant que telles, le management, le recrutement, l’emploi et même l’anthropologie, la sociologie et la psychologie.
Et parce qu’il faut toujours commencer quelque part, cette série a d’abord choisi de se demander POURQUOI. Découvrez notre résumé du Commencer par le Pourquoi de Simon Sinek (2011), pour apprendre à inspirer les autres et à créer de la valeur dans une entreprise qui a du sens.
Si vous embauchez des gens simplement parce qu’ils peuvent faire un travail, ils vont travailler pour votre argent. Mais si vous embauchez des gens qui croient en ce que vous croyez, ils vont travailler pour vous avec du sang, de la sueur et des larmes.
Simon Sinek - Commencer par le pourquoi
Simon Sinek a créé un mouvement pour inspirer les gens à faire les choses qui eux mêmes les inspirent. Devenu mondialement célèbre après un TED talk dans lequel il tentait de montrer comment les leaders pouvaient inspirer la coopération, la confiance et le changement. Le pourquoi doit précéder tout le reste. La question « pourquoi » est une question très puissante : pour les individus et pour les organisations, connaitre son pourquoi permet d’être plus inspirant, créatif, productif et généralement plus heureux.
« Les grands leaders sont capables d’inspirer les gens à agir. Ceux qui sont capables d’inspirer donnent aux gens un sens du devoir ou un sentiment d’appartenance qui a peu à voir avec une incentive extérieure ou à un bénéfice potentiel. Ceux qui dirigent réellement sont capables de fédérer autour d’eux un public qui agit non pas parce qu’il a été influencé, mais parce qu’il a été inspiré. »
Nos décisions résultent d’un dialogue entre nos têtes et nos tripes. Jour après jour, nos cerveaux analysent une grande quantité de données pour nous aider à rationaliser nos décisions. Cependant, la plupart du temps, ces décisions n’apparaissent pas être rationnelles. En effet, si elles correspondent au pourquoi, elle n’ont pas besoin d’avoir l’air rationnelles…
La manipulation, ce n’est pas l’inspiration
Il y a deux manières d’influencer le comportement humain : la manipulation, et l’inspiration. Dans un monde qui ne se demande pas d’abord pourquoi, il ne peut y avoir que de la manipulation : c’est soit la carotte, soit le bâton. La logique carotte / bâton cherche à déclencher un comportement à l’aide d’une combinaison de récompenses et de punitions.
En business et en politique, nombreuses sont les formes de manipulations apparentes : la peur (« Si vous n’utilisez pas notre produit, vous pourriez tomber malade »), la pression de l’entourage (« 90% des experts de votre domaine utilise le produit X »), les discounts (« deux pour le prix d’un »), les cadeaux (« un cadeau gratuit à l’intérieur! »), les messages inspirants (« Perdez 5 kilos en trois semaines »), la nouveauté (« notre nouvelle formule avec de la vitamine D »), etc. Mais ces manipulations n’engendrent pas la loyauté. Ce produit soldé, vous l’achèterez simplement parce que c’est rationnel, et non par loyauté à la marque. D’une manipulation à l’autre, vous n’aurez aucun problème à changer de marque, et ce indéfiniment.
La technique de la carotte et du bâton fonctionne. Mais pas à long terme. Il est impossible de construire une relation de long terme avec quelqu’un que vous manipulez. Par ailleurs, le manipulé risque de développer une addiction à ces manipulations. Si vous êtes habitué à acheter des produits soldés par exemple, vous ne serez plus capable d’accepter un prix « standard » et juste.
Alors, il est peut être temps de laisser tomber la manipulation, et de se mettre à l’inspiration !
Le Cercle d’Or
Pour inspirer et être inspiré, vous devez vous reposer sur un « Cercle d’Or » parfaitement équilibré. Le Cercle d’Or de Sinek propose une analyse intéressante des raisons pour lesquelles certains leaders et certaines organisations ont réussi à devenir extrêmement influents. Cette analyse montre qu’ils ont été capable d’inspirer au lieu de manipuler. Un Cercle d’Or équilibré doit se construire de l’intérieur. Du POURQUOI, au COMMENT, au QUOI, et surtout pas l’inverse. Le Cercle d’Or est le concept principal de Simon Sinek, concept qu’il utilise dans chaque conférence, talk ou livre :
QUOI : la plupart du temps, QUOI est une question facile. Votre QUOI est le produit ou le service que votre organisation vend. D’une certaine manière, il est le résultat de tout. Il peut être facilement identifié et quantifié / mesuré.
COMMENT : le COMMENT est un tout petit peu moins évident que le QUOI, mais beaucoup d’entreprises savent COMMENT ils font les choses, et ce qu’elles font ( QUOI. Le COMMENT peut être la « proposition de valeur » d’une entreprise, c’est à dire ce qui la rend meilleure que la concurrence. C’est tout ce qui rend le QUOI possible, mais, il manque toujours quelque chose…)
POURQUOI : très peu d’entreprises savent POURQUOI elles font ce qu’elles font. Visualiser et exprimer le but ultime de ses actions est une chose compliquée. Pourtant, c’est par cela que tout devrait commencer.
Le Cercle d’Or aide à prioriser ces trois concepts. Chaque action ou message devrait commencer par le pourquoi et se terminer par le quoi. Le marketing est défaillant quand il commence par les spécificités d’un produit. Les consommateurs et les citoyens n’achètent pas ce que vous faites, mais il achètent pourquoi vous le faites.
Créer du sens pour créer de la valeur
À travers le livre, Apple est mentionné plusieurs fois comme le meilleur exemple d’entreprise qui a réussi à se poser la question du POURQUOI en premier (est-ce toujours le cas aujourd’hui ? C’est une question). Le POURQUOI d’Apple a longtemps été de redonner le pouvoir aux individus. Les clients d’Apple sont si loyaux à la marque qu’ils sont souvent considérés comme un « culte ». C’est parce que les clients d’Apple croient au POURQUOI d’Apple qu’ils sont capables d’accepter des prix plus hauts, des longues heures passées dans les files d’attente, et de devenir les ambassadeurs les plus enthousiastes de la marque.
Pour Sinek, le Cercle d’Or est même ancré dans notre biologie. Notre besoin d’appartenance est si fort que nous ferions n’importe quoi pour le satisfaire, même des choses irrationnelles. Nous achèterions les marques qui semblent satisfaire ce besoin sans se poser la moindre question.
Pour qu’une entreprise ou une marque soit authentique, le Cercle d’Or doit rester clair et être exécuté avec discipline au fur et à mesure du temps. « Chaque chose que vous dites ou faites doit prouver votre POURQUOI, et cet adage doit rester consistant et subir l’épreuve du temps ».
La vérité est la pierre angulaire qui maintient tout l’édifice
Sans confiance, il ne peut y avoir ni exploration, ni innovation, ni progrès d’une nature quelconque. Pour accomplir de grandes choses, les grandes organisations doivent générer de la confiance. C’est aussi comme cela qu’une entreprise peut construire une vraie culture qui propagera et renforcera la vision de l’entreprise au cours du temps. Si ils se sentent protégés et intégrés dans leur entreprise, les employés transmettront ces bonnes ondes aux clients de cette même entreprise.
Cette logique peut paraitre contre-intuitive, mais si vous voulez améliorer votre service client, vous devriez toujours commencer par vos employés ! Sinek s’intéresse beaucoup au cas de Southwest Airlines, qui, au début des années 1970, a réussi à créer un environnement de travail fondé sur la confiance : les employés, mieux traités, traitent à leur tour mieux les clients. Le légendaire CEO de Southwest Airlines, Herb Kelleher, pensait que les employé.e.s devaient toujours passer en premier, avant les actionnaires, et les clients !
« Les employés passent en premier. Si les employés sont bien traités, ils traiteront bien les clients. Les clients achèteront le produit. Et l’actionnaire sera heureux aussi ».
Le POURQUOI a besoin du COMMENT
En 1991, Geoffrey A. Moore a publié Crossing the Chasm, un best-seller qui est devenu une référence du marketing et qui présentait une classification des consommateurs (cette classifications a depuis été détaillée et perfectionnée par Malcolm Gladwell dans The Tipping Point).
Selon Moore et Gladwell, la population est divisée en cinq groupes : les innovateurs (ceux qui créent et inspirent) représentent 5% de la population globale, les « early adopters » (les premiers fans du produit ou de la cause, qui en deviennent les ambassadeurs les plus actifs) représentent 13,5%, la « early majority » (pas les premiers, mais ils aiment les choses nouvelles) qui représente 34%, et la « late majority » (consommateurs qui achètent le produit seulement parce que tout le monde l’a déjà) 34% également. Enfin, les « laggards » (ceux qui achèteront un smartphone seulement parce que le magasin ne vend plus rien d’autre) représentent 16%.
Sinek croit qu’il est impossible de réussir en quoi que ce soit sans se concentrer sur les premiers des « early adopters ». Ces derniers seront les clients les plus loyaux et les plus enthousiastes, sans qui aucun mouvement ne peut être créé. En s’attaquant directement à la large majorité qui constitue le milieu mou des consommateurs avec des produits fades destinés à plaire à tout le monde, l’échec est inévitable puisque vous ne bénéficierez pas du soutien actif d’un groupe passionné. On ne peut pas plaire à tout le monde. Et en essayant, on finit par ne plaire à personne.
Vos supporters les plus actifs s’occupent du COMMENT. Les innovateurs définissent le POURQUOI. Mais sans le COMMENT, ils seraient totalement impuissants.
Le pourquoi et la menace du temps
Beaucoup d’entreprises, de marques et de leaders ont perdu leur pourquoi au fur et à mesure des années. Un des plus grands défis et de rester clair quant au pourquoi - et ce en dépit du succès. En effet, le succès est un défi : si vous réussissez, vous arrivez à un point où il vous faut définir des objectifs métriques pour continuer à croître. C’est exactement à ce moment que vous risquez de vous concentrer seulement sur ce qui est mesurable, et dans le temps de perdre de vue ce qui est réellement important (le POURQUOI).
Cette réalité est celle de beaucoup d’entreprises qui ont perdu leurs founders. Apple a perdu son Pourquoi quand Steve Job est parti en 1985, et probablement une nouvelle fois après sa mort en 2011. Walmart a souffert le même destin à la mort de Sam Walton en 1992, etc.
Il ne faut jamais confondre le succès quantifiable et le vrai succès ! Parfois, il est possible d’atteindre tout ces objectifs (ce qui est mesurable), mais de ce sentir comme une imposture. Ou pire encore, d’être plus misérable que jamais après avoir « réussi ». Cette catastrophe arrive à chaque fois que le QUOI, le POURQUOI et le COMMENT ne sont plus alignés.
Les RH en particulier ne peuvent pas se permettent de perdre de vue le POURQUOI de leur organisation. Ils en sont les fiers gardiens.
Inspirez-vous davantage sur : Laetitia Vitaud
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