Ne vous qualifiez plus de profil atypique, personne n’a un parcours typique !
23 nov. 2021
9min
CEO de Talent Management Groupe, influenceuse RH et experte en recrutement
Assis confortablement dans un fauteuil, vous démarrez votre entretien d’embauche en vous présentant comme “ayant un profil atypique” pensant marquer des points et/ou mieux faire comprendre votre histoire… Et là, c’est le drame ! Le recruteur vous rétorque : « qu’est-ce qu’un profil typique, selon vous ? » Et ça vous laisse sans voix… Sauf que la question mérite vraiment d’être posée ! Est-ce un candidat au parcours sans faute, plutôt “classique” ? Mais selon quels critères ? Bill Gates, Steve Jobs ou Elon Musk, par exemple, ont-ils eu un parcours “typique” ? Non ? Pourtant, n’importe quel recruteur aimerait les recruter, n’est-ce pas ?
Qu’on soit clair, aucune étude scientifique n’a été faite sur le sujet et il n’existe aucune définition officielle. J’imagine que vous vous dites « c’est normal, en tant qu’atypiques on ne peut pas et on ne veut pas être étiquetés ». Oui, mais ainsi, vous l’êtes automatiquement. Et comme personne ne sait expliquer ce qui fait qu’une personne l’est ou ne l’est pas, on a de grandes chances de se planter en entretien en essayant de se définir ainsi. “Mais alors comment se distinguer sur un marché de l’emploi très concurrentiel ?”, me direz-vous. Oui, il peut être tentant de se dire “atypique” pour se différencier à tout prix car, mine de rien, le meilleur moyen d’être invisible est de ressembler aux autres. Mais attention, sortir du lot, cela ne veut pas forcément dire être atypique…
Un terme qui cache souvent des échecs qui n’en sont pas
D’autant que le terme est trop souvent associé à des choix d’orientation que l’on regrette, des échecs professionnels, des trous dans notre carrière, etc. En bref, beaucoup l’utilisent pour masquer des éléments considérés comme “anormaux”. Or, ces derniers ne le sont pas forcément et surtout, notre parcours ne nous définit pas entièrement ! Prenons quelques exemples :
Un changement de trajectoire durant les études : Une personne qui fait une faculté de médecine, s’arrête, puis fait des études de biologie avant de finalement opter pour une école de commerce. Ici, elle tâtonne, cherche sa voix, certes, mais ça ne fait pas d’elle une personne atypique pour autant. Il est bien légitime de changer d’avis !
Un parcours professionnel tortueux : Exercer un métier, puis un autre, puis enchaîner des CDD, faute de CDI, et après quelques années, s’ennuyer et vouloir reprendre des études pour faire totalement autre chose, c’est grave docteur ?
Multiplier les contrats ou des compétences professionnelles n’a rien d’atypique. Sachez que nous allons tous devoir changer cinq fois de métier au cours de notre vie !
Je vous propose donc de changer d’angle de vue ! Au lieu de nous regarder le nombril, posons-nous la question de ce que cherche vraiment notre interlocuteur lorsqu’il nous interroge sur notre parcours professionnel.
Spoiler alert : croyez-moi, un RH/recruteur veut avant tout savoir :
- Ce qui vous a amené à faire certains choix dans votre vie.
- Comment vous avez affronté certaines épreuves.
- Ce que vous avez appris de vos échecs.
- Et comment l’entreprise va pouvoir “profiter” de ces expériences.
En bref, il/elle veut comprendre votre passé, savoir ce qui vous motive aujourd’hui pour mieux se projeter demain avec vous. Le concept d’”atypique” ne lui suffira pas, voire il peut même le rebuter - car qui sait quelle définition il·elle en a ? Maintenant, comment remplacer cette expression ?
1. Assumer ses choix
Nous avons tous déjà fait des mauvais choix et commis des erreurs. Même moi en tant que coach ! Et la question n’est pas de savoir si on regrette, si on aurait pu faire autrement, c’est trop tard, et rien ne sert de ruminer le passé, il faut aller de l’avant…
Alors pour préparer vos entretiens, posez-vous plutôt les questions suivantes :
- Pourquoi avez-vous fait cette/ces erreur(s) ?
- Pourquoi vous ne le referez plus ?
- Qu’en avez-vous tiré comme leçons ? En quoi ces erreurs vous sont utiles aujourd’hui ?
Et si on poussait la réflexion un peu plus loin, nous pourrions même nous demander : « Mais en fait, était-ce vraiment une/des erreur(s) ? » « Et qui au juste défini ce qu’est ou non erreur/un mauvais choix ? Ne suis-je pas influencé par ce que la société me dicte ? »
Car si on ne peut pas changer son passé, on peut changer le regard que nous portons sur lui. Et pour convaincre, ce regard doit être positif et optimiste. N’oubliez pas qu’un·e recruteur·se a besoin d’être rassuré·e, il·elle veut sentir que vous êtes solide et qu’il pourra compter sur vous. Or, pour ça, vous devez être droit dans vos bottes, à l’aise avec ce que vous avez été et êtes devenu.
2. Le cerveau humain ne fait la différence entre une image réelle et une image fabriquée
Il faut que vous sachiez une chose : l’humain est une machine à fantasmes. Qu’est-ce que cela veut dire ? Eh bien, que notre cerveau, à partir des informations réelles ou fictives qu’il reçoit, va construire des images. Il va “fantasmer”, en se projetant.
Si je vous parle d’un bon pain au chocolat tiède, tout juste sorti du four, avec de jolis reflets dorés sur le dessus, vous voyez les volutes de chaleur, non ? Humez donc cette bonne odeur de chocolat et de beurre aussi. Imaginez-vous le prendre entre vos doigts, il est légèrement croustillant, gras, encore chaud. Vous sentez les odeurs de chocolat et de beurre dans vos narines, n’est-ce pas ? Imaginez-vous le croquer, et laisser tomber quelques miettes sur la table… Il fond dans votre bouche au fur et à mesure que vous le mâchez… Quel délice ! Ok, là je parie que ça y est, vous avez faim ?
Et bien en entretien, c’est pareil. À partir de l’histoire que vous allez raconter, vous allez fabriquer des images, voire faire naître des sentiments chez votre interlocuteur. D’où l’importance d’avoir en tête la réaction que vous voulez provoquer. Il s’agit donc de trouver la bonne manière de raconter votre parcours professionnel, vos échecs, vos ratés, toutes vos décisions, etc. de telle sorte que votre interlocuteur ait une image positive de vous.
Pour raconter une bonne histoire, il faut avoir trouvé les bons mots, mais surtout avoir un fil conducteur. Quel est le vôtre ? Pour qu’un recruteur puisse se projeter, il faut qu’il perçoive une logique dans votre parcours. Cette logique va lui permettre de mieux vous comprendre et d’imaginer le prolongement naturel de votre histoire. Partez du principe que votre parcours, soi-disant atypique, est en fait tout à fait logique. Quelle est cette logique ? Qu’est-ce qui fait que vous êtes passé d’un poste à un autre ? Ou qu’est-ce qui fait que vous changez de métier, de secteur ? Le recruteur a besoin de voir ce qui vous anime et vous amène à prendre certaines décisions. Si vous pouvez, en plus, montrer une évolution ou une montée en puissance, alors il·elle aura d’autant plus de facilités à embarquer avec vous.
3. Quelle est l’histoire que vous voulez raconter ?
Connaissez-vous la théorie des cercles ? C’est la théorie qui consiste à tout relier, à trouver des liens entre de nombreux éléments déconnectés les uns des autres.
Vous avez travaillé dans la banque, puis en association avant de vous expatrier à Miami pour faire de l’immobilier… Pas de panique, de vos expériences découlent des compétences acquises et des qualités développées. Ainsi, si on relie chaque expérience à une qualité et/ou à une rencontre, on obtient un tout cohérent.
Par exemple, en banque, vous avez découvert la relation clients et notamment auprès des petites structures et associations. Après 5 années, au détour d’un échange avec un client avec lequel vous aviez sympathisé, celui-ci vous a proposé de les rejoindre pour développer des partenariats. Passionné par la mission et la vision du président de l’association vous avez décidé de les rejoindre. Vous les avez accompagnés sur près de 30 nouveaux partenariats en 2 ans. Ce fut une très belle aventure humaine et vous en gardez d’ailleurs un très bon souvenir. C’est d’ailleurs ce qui vous a donné envie de vous lancer dans l’immobilier ! Pourquoi me direz-vous ? Et bien, dans le cadre de votre emploi, vous faisiez énormément de veille sectorielle. Et vous avez découvert un univers que vous ne connaissiez pas, l’immobilier. Vous avez pris l’initiative d’approfondir le sujet, vous avez réseauté, lu, écouté des podcasts… On peut dire que vous êtes une personne avec un très bon relationnel, car c’est encore en afterwork, en discutant business, qu’on vous a fait une proposition pour Miami. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui vous êtes incollable sur l’immobilier à Miami ! Donc, forcément, lorsque vous avez vu cette offre d’emploi qui consiste à accompagner les expatriés français à revenir en France, vous vous êtes tout de suite dit que le job était pour vous. Entre vos compétences bancaires, votre réseau et votre maîtrise de l’immobilier, vous savez que vous allez pouvoir en aider plus d’un !
Et BAM, j’ai fait des liens entre banque -> relationnel -> réseau -> association -> veille -> immobilier -> Miami -> expatriés.
À qui le tour ? Ah, je ne vous ai pas dit comment réaliser vos cercles.
Un grand cercle = Une activité/une action. Par exemples :
Si j’ai fait 3 stages, 5 expériences pros = 8 cercles
Si je fais du tennis, du bénévolat et de la couture = 3 cercles
Si j’ai suivi 2 formations, 4 Moocs = 6 cercles
C’est bon, tout le monde me suit ?
Une fois ces grands cercles définis, on les remplit de plusieurs cercles moyens.
Exemple : “je dirige aujourd’hui le Talent Management” (1 grand cercle)
Quelles sont mes missions, quel est mon rôle ? Une mission = 1 cercle moyen
Exemple : Comptabilité, Communication, Marketing, Management, …
Et on duplique. Pour rappel :
1 cercle = 1 thème
1 thème = plusieurs missions ou rôles (donc plusieurs cercles moyens)
Ensuite, on se pose et on se demande “Qu’est-ce qui relie chacun de mes grands cercles ?” Facile, ce sont vos qualités, vos atouts, vos soft skills qui se retrouvent dans vos cercles moyens. Parce que oui, on retrouve souvent d’un cercle à l’autre les mêmes qualités. Vous ne changez pas en tant que personne d’une expérience à l’autre ! Et c’est ça le lien le plus fort entre tout : VOUS. Cet exercice demande du temps, prenez facilement 3 à 4 heures pour vous poser dessus.
4. Burn out, maladie, maternité… Rien ne devrait être tabou !
Un sujet ne devient tabou que si vous avez décidé qu’il l’était ! Pensez-vous réellement être le seul ou la seule à avoir connu un licenciement qui se soit mal passé, une longue maladie ou un burn out, etc. ? Non, ce qui vous est arrivé n’a malheureusement rien d’exceptionnel. Ça fait mal, c’est triste, mais c’est courant. Alors pourquoi avoir si peur d’en parler ou pire, de tout faire pour l’occulter ? Cela fait partie de vous. De la même manière, n’imaginez pas que votre interlocuteur a eu une vie formidable et avec une carrière linéaire et sans accroc. C’est impossible ! Ce que vous avez vécu, votre interlocuteur l’a peut-être vécu aussi, directement ou indirectement.
Je vais me répéter, mais ce qui intéresse un RH/recruteur, ce n’est pas votre parcours en tant que tel mais la manière dont avez rebondi d’une opportunité à une autre, dont vous avez surmonté une difficulté, quelles réactions vous avez eu, les ressources que vous avez déployées et ce que vous en avez appris. Car ce que vous avez mis en place pour surmonter cette/ces épreuve(s) difficile(s), vous pourrez le mettre en pratique dans d’autres circonstances. Et c’est ça qu’on cherche à voir en entretien : votre capacité à vous projeter chez votre futur employeur en vous servant de ce que vous avez déjà vécu.
Un jour, en entretien, une femme m’a affirmé, doit dans les yeux, que son cancer du sein avait été “la meilleure chose qui lui soit arrivée”. Quelle audace, non ? Et bien, cette confession personnelle - qui aurait pu la mettre dans une position de vulnérabilité - lui a donné une telle force et une telle confiance en elle que rien ne pouvait l’arrêter, même pas les questions embarrassantes qu’on lui a posées, les fameuses questions pièges ! Et à travers ses arguments et les liens qu’elle a su faire, elle m’a laissé penser que ce tempérament de feu, elle pourrait aussi l’avoir en entreprise.
5. Les questions pièges, ça n’existe pas !
En parlant de questions pièges, qu’est-ce qu’un piège ? Un piège est une situation embarrassante qui n’était pas prévue et que nous subissons. Ce qui le caractérise, c’est surtout l’effet de surprise. Souvenez-vous à l’école, lorsque vous n’aviez pas appris une leçon. Le lendemain, vous priez pour ce pas être interrogé·e… Et biim, forcément, c’est vous que le prof interrogeait. Et là, le problème, ce n’était pas tant le fait qu’il vous ait choisi mais que vous n’aviez pas appris votre leçon. Une question piège n’est donc pas une question surprise, mais une question prévisible que vous n’avez pas préparée. L’enjeu est donc de préparer toutes les questions qu’un recruteur est susceptible de vous poser. Et notamment sur ce que vous considérez être vos “points faibles” : chômage, maladie, burn-out, licenciements, études avortées, etc.
Si vous décidez d’omettre ces sujets, en espérant ne pas être interrogé dessus, alors vous prenez un énorme risque : celui d’être déstabilisé·e, hésitant·e, perdu·e… s’ils sont mis sur la table. Alors tous les efforts que vous aurez faits pour construire de l’enthousiasme et de la confiance chez votre interlocuteur s’effondreront en quelques secondes. Le pire c’est que vous ne pourrez vous en prendre qu’à vous même et ne pourrez pas dire : « Le RH n’a rien compris à mon parcours atypique. » Non, non, non ! Car c’est vous qui n’avez pas su le rassurer et lui dessiner un parcours avec des liens. Lui/elle, avec ses questions dites “pièges”, essayait simplement de trouver un lien dans tout ce que vous disiez. Alors pourquoi ne pas faire de ces pseudo “points faibles”, des points forts ?
Surtout, ne vous cachez plus derrière le mot “atypique”. Affirmez haut, fort et avec fierté votre parcours et ce qui fait que vous êtes la personne formidable que vous êtes aujourd’hui ! Parce que oui, en changeant de regard sur vous, les autres en changeront aussi.
Photo par Welcome to the Jungle
Édité par Eléa Foucher-Créteau
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