Process de recrutement : comment surmonter son appréhension quand on est timide ?
28 nov. 2024
7min
Nous sommes nombreux à avoir rougi devant un amour adolescent ou face à une salle de classe au moment de réciter des vers de poésie. Pour la plupart, la timidité des premières fois surmontée, nous a permis de prendre en assurance. Mais pour d’autres, la timidité s’installe et perdure au point d’impacter tous les domaines de l’existence. La vie professionnelle et la recherche d’emploi ne font pas exception. Chaque étape du process de recrutement peut alors devenir un vrai obstacle pour les personnes timides. Mais rassurez-vous, il existe des solutions pour surmonter ces difficultés.
« Shyness is nice, and shyness can stop you from doing all the things in life that you’d like to » (la timidité c’est mignon, mais elle t’empêche de faire ce que tu veux dans la vie en VF), chantaient les Smiths à la fin des années 80’s. Si la voix de Morrissey résonne à vos oreilles, c’est peut-être parce vous faites partie de cette grande famille des personnes s’estimant timides, comme 60% des Français d’après une étude. Et si l’on traîne tous un peu des pieds pour se rendre à un entretien d’embauche - tant l’exercice a de quoi impressionner -, lorsqu’on est happé par la timidité, cela peut être encore plus éprouvant. Envoyer une candidature. Répondre à l’appel d’un recruteur. Passer un entretien d’embauche. Pour les personnes timides, ces étapes relèvent parfois de la mission impossible et déclenchent une peur viscérale d’être jugé, de ne pas être à la hauteur ou, pire, de se planter. Pourtant, à force de travail et d’entraînement, il est possible de transformer cette timidité en véritable atout.
Quand cliquer sur le bouton « postuler » se heurte au syndrome de l’imposteur
Mélanie, 25 ans, apprentie journaliste, se souvient des racines de sa timidité. « À l’école, on disait que j’étais dans la lune, timide, introvertie, calme. Ce qui était compliqué à gérer, c’était mon envie d’aller vers les autres. Ma scolarité en a été un peu impactée. » Un « handicap » qui affecte par la suite tous les pans de sa vie, sentimentale, amicale mais aussi professionnelle. « La recherche d’emploi, ça a toujours été quelque chose d’atroce pour moi », explique celle pour qui, cliquer sur le bouton « postuler » est une torture. Sans compter que, tels deux vases communicants, la timidité et le manque de confiance en soi viennent à bout de certaines ambitions professionnelles.
Comme pour Léo, 32 ans, qui a changé de domaine professionnel après plusieurs années en restauration. Calculant ses choix de job en fonction de sa timidité, il contourne les postes trop exposés au contact humain. Ce qui, en restauration, revient à bosser à la plonge plutôt qu’en salle. « Un jour, j’entends parler du syndrome de l’imposteur et je me reconnais dans la description. Par exemple, ça m’arrive de regarder des offres et de me dire : “Ah non, mais ça, je ne pourrais jamais le faire. Je ne suis pas assez bon, je n’ai pas cette compétence.” » Le jeune homme qui a pourtant travaillé à l’étranger dans de prestigieux établissements, ne s’imagine pas être capable de réussir en France. « Au Japon, j’arrive à sortir de ma zone de confort, mais quand je suis en France, mes doutes reviennent au galop et je n’ose plus. » Titulaire d’une double licence en Histoire et en Japonais, il en vient même à développer une stratégie pour camoufler ses réelles compétences. Sa crainte ? Se voir confier des responsabilités dont il ne se sentirait pas à la hauteur. « Quand je fais mon CV, je n’ose pas trop insister sur certaines expériences. Par exemple, j’ai tenu un bar au Japon et en Angleterre, mais je ne me considère pas comme un vrai barman. Pareil pour la langue, le japonais ou l’anglais, je ne le mets pas trop en avant. » Et même quand son profil fait mouche, il préfère décliner de belles opportunités. La dernière en date, un poste dans une épicerie japonaise de saké. « Malgré une formation dans ce domaine, je ne me sentais pas expert et j’ai refusé le poste. » Par crainte d’être pris au dépourvu, il laisse d’ailleurs constamment les appels des recruteurs sans réponse. « Si l’employeur ne laisse pas de message, je me dis qu’il n’est pas intéressé. » Avec ce mode de fonctionnement, il sait qu’il se sabote professionnellement. Cette incapacité à se mettre en avant dans un marché de l’emploi de plus en plus compétitif, complique sa recherche d’emploi et contribue à ronger sa confiance en lui. « J’ai postulé à des métiers qui ne demandent aucune qualification, et je n’ai même pas été rappelé pour un entretien. Ça impacte énormément l’estime de soi. » Pour les timides qui arrivent à passer ces phases de qualifs, le chemin de croix ne fait que commencer, avec pour première épreuve de feu, la pire de toutes : l’entretien d’embauche.
Les entretiens : un mur difficile à franchir pour les timides
Sans surprise, l’entretien est une épreuve digne de Koh-Lanta pour un ou une timide. Comme Albane, 38 ans, cette communicante se souvient de deux entretiens où son « manque de dynamisme et sa timidité » lui ont été reproché. « Il s’agissait de postes dans l’événementiel et de responsable influenceur, or j’ai toujours été quelqu’un de timide et de réservé. Ce n’est pas facile de prendre la parole en public ou de savoir se mettre en avant. » Mélanie raconte également un mic-mac émotionnel difficile à gérer, avant mais surtout pendant l’entretien. « C’est simple, je perds tous mes moyens. Ma gorge se noue comme si j’avais la pâteuse et je suis dans un brouillard mental, je n’arrive plus à débiter quatre mots, ou même à me rappeler ce que j’ai mangé la veille, à structurer ma pensée. Bref, c’est insupportable. » Elle revient sur un épisode épique : « Une fois, j’ai été appelée en plein déjeuner pour un entretien téléphonique. J’ai improvisé un pitch complètement bancal, balbutié des réponses bateaux… bien sûr, je n’ai pas eu le poste. »
La timidité, un trait de personnalité indépassable ?
Mais qu’entend-on exactement par timidité ? « C’est une réponse à la peur d’être rejeté par les autres ou encore d’être jugé. Et insidieusement, c’est aussi la peur d’être soi-même », lance Joëlle Dago-Serry, coach professionnelle, journaliste TV et ex-timide. Cette peur s’alimente également par la crainte de manifester des symptômes de cette timidité. Par exemple, la peur de rougir, de trembler, d’avoir les mains moites, la difficulté à articuler sa pensée. « Ce n’est pas réellement un trait de personnalité puisque c’est juste la réponse à une peur, mais à la longue, cela devient une façon de fonctionner », explique la coach. Un handicap qui peut se développer à plusieurs moments de la vie. « Par le biais d’une éducation qui était soit trop rigide, soit étouffante ou quand on a vécu dans une famille qui avait des mots dénigrants, rabaissants. Cela peut aussi s’installer à l’école, avec du harcèlement scolaire par exemple. Mais également à l’âge adulte, après un accident de la vie comme un licenciement difficile ou du harcèlement moral. La confiance en soi a été atteinte et on peut développer une crainte qui ne nous quitte plus. »
En recherche d’emploi, Joëlle Dago-Serry le confirme, « les timides (surtout les femmes) ont tendance à se sous-estimer et du coup, à s’auto-censurer. Ils veulent cocher toutes les cases avant d’envoyer une candidature. Pourtant, avec 70 % des compétences demandées, c’est largement suffisant ! » Et problème, lors d’un entretien avec une personne timide, les recruteurs peuvent avoir du mal à cerner la personnalité des candidats timides et donc à se projeter sur une suite professionnelle. « Les timides ont tendance à mettre en avant leurs compétences techniques plutôt que leur personnalité, explique la coach. Et dans la vie professionnelle, cette timidité peut aussi impacter les relations humaines d’une entreprise. Elle peut compliquer l’intégration dans une équipe et limiter les opportunités d’évolution en entreprise. Mais aussi, les timides peuvent même avoir des difficultés relationnelles à cause d’un manque d’intelligence émotionnelle ou d’habiletés sociales. »
Conseils pour dépasser sa timidité en process de recrutement
Si la timidité peut être un frein pour l’épanouissement professionnel, elle peut aussi devenir une force, à condition de travailler sur soi. Voici quelques conseils pour mettre toutes les chances de son côté lorsqu’on est un ou une timide en recherche d’un emploi.
1. Postuler, même sans remplir toutes les cases
Joëlle Dago-Serry encourage les candidats à ne pas se censurer. « Postuler, c’est déjà une victoire. Même si vous n’avez pas toutes les compétences demandées, l’essentiel est de montrer votre envie d’apprendre et votre capacité à évoluer. » Mélanie a pour sa part surmonté ses craintes en se répétant que chaque candidature était une opportunité d’apprendre, avec la formule qu’elle s’est réappropriée. « C’est un petit pas pour moi, mais un grand pas pour la timide que je suis. »
2. Préparer sa candidature avec soin
Identifiez vos forces et vos expériences marquantes. N’hésitez pas à solliciter l’aide de vos proches ou d’un coach pour rédiger un CV et une lettre de motivation percutante. Mélanie, pour sa part, emporte toujours avec elle son CV imprimé, ce qui lui permet d’éviter le brouillard mental ou encore les trous de mémoire.
3. S’entrainer encore et encore
La clé pour dompter la timidité lors des entretiens réside dans l’entraînement. Joëlle Dago-Serry compare cela à une discipline sportive : « Répétez devant un miroir, enregistrez-vous, travaillez vos réponses avec des proches. Le cerveau assimile les répétitions et crée des automatismes. Le jour J, vous serez plus confiant et moins sujet au stress. » Mélanie confirme l’efficacité de cette méthode : « Avant un entretien réussi, j’avais simulé plusieurs fois les échanges avec ma famille qui jouait le rôle de l’employeur. Ça m’a permis d’être capable de construire une histoire sur moi à partir de ce que j’avais écrit. C’était hyper intéressant car ça permet en plus de se connaître. En entretien, ça m’a aidé à visualiser les informations dont j’avais besoin. » D’autres comme Albanne ont opté pour un stage de prise de parole en public et un peu de théâtre, ce qui lui a permis de développer sa capacité à communiquer à l’oral. Se voir à travers le regard des autres est aussi une façon de dominer sa timidité. D’autant que d’après une étude d’Elliott Beaton de l’Université de Sacramento, le cerveau des personnes timides réagirait davantage aux émotions visibles sur le visage des gens. La timidité s’accompagne ainsi souvent d’une hyperréactivité émotionnelle. Ce qui rend plus empathique, mais aussi plus vulnérable face au stress d’un entretien.
4. S’entraîner seul·e face à un miroir
L’une des craintes des personnes timides est l’expression des symptômes de sa timidité (mains moites, bégaiements, etc). Alors, pour affronter ces symptômes physiques, la coach recommande d’entraîner son cerveau en se regardant parler pour diminuer la peur de sa propre image.
5. Prendre conscience de ses atouts
Si la timidité n’est pas forcément un atout dans le monde professionnel, les personnes timides ont de nombreuses qualités. Joëlle Dago-Serry insiste sur l’importance de prendre conscience de ces dernières. « Les timides sont souvent observateurs, empathiques et réfléchis. Ces traits, bien que discrets, sont très appréciés dans le monde professionnel. » Léo a appris à valoriser son profil grâce à des petits exercices. « Dans un carnet, j’écris toutes les choses que j’ai faites dans ma vie professionnelle. Revoir mes réussites m’aide à comprendre tout le chemin parcouru. »
6. Se reposer et prendre soin de soi
La timidité, exacerbée par le stress, peut être épuisante lors de la recherche d’emploi. Prenez du temps pour vous reposer mais aussi pour vous détendre avant un entretien. Albane a ainsi mis en place quelques exercices pour gérer son stress. « Pour éviter d’avoir du mal à dire ce que je pense, je fais des exercices antistress et de la relaxation avant les entretiens. »
7. Ne pas hésiter à se faire accompagner
Un coach ou un psychologue peut aider à surmonter ses blocages et à développer sa confiance en soi. C’est une certitude pour Joëlle Dago-Serry : « La timidité peut affecter de nombreux aspects de la vie (professionnel, personnel, amoureux). Il est crucial de ne pas rester passif et de chercher de l’aide pour surmonter cette difficulté et vivre plus pleinement. Et soyez rassurés, la timidité n’est pas un trait de personnalité définitif. Avec un travail sur soi et de l’aide, il est possible de la dépasser et de révéler sa personnalité sous-jacente. Cependant, cela demande un effort, surtout si la timidité est ancrée depuis l’enfance. »
Article écrit par Manuel Avenel, édité par Aurélie Cerffond. Photo : Thomas Decamps pour WTTJ.
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