Turnover : le départ de vos collaborateurs est-il (toujours) un mauvais signe ?
16 mai 2023
5min
Indicateur RH primordial, le turnover est considéré comme le reflet de la santé sociale d'une structure : un taux faible traduirait l’engagement des salariés, tandis qu'un turnover élevé serait le signal d’un malaise interne. Mais cette lecture est-elle encore d’actualité ?
Pourquoi suit-on (encore) le turnover ? Le taux de rotation du personnel a vocation à évaluer le rythme auquel les employé·es quittent l’entreprise : il mesure le renouvellement des effectifs prenant en compte les départs et les arrivées. Son analyse permet ainsi d’évaluer la capacité de rétention des talents et, quand il est élevé, il met en exergue des zones de risque : perte de savoir-faire, désengagement, baisse de la performance, dislocation de la culture d’entreprise… Alors que la fidélisation reste un enjeu RH majeur, il demeure un indicateur pivot à suivre pour comprendre les dynamiques au sein de son organisation. Mais est-ce valable tout au long de la vie d’une entreprise ? En effet, le turnover est-il forcément le signe que quelque chose ne va pas ? « Il faut surtout s’intéresser au turnover volontaire, à savoir le taux de rotation des personnes que nous ne souhaitons pas voir partir, les démissions », alerte Céline Méchain. Aussi, cet indicateur ne doit-il pas être appréhendé de manière systémique pour en dégager une analyse intéressante ?
Turnover : un indicateur à mettre en perspective
En France, l’INSEE considère que le taux de rotation moyen est de 15 %, tous secteurs d’activités confondus. Il serait faible entre 5 et 10 %, et serait considéré comme moyen jusqu’à 15 %. Au-delà, il est perçu comme élevé. Toutefois, l’INSEE affirme que ce taux est plus élevé dans certains secteurs ou activités tels que le commerce, les nouvelles technologies et le conseil, où il peut dépasser 50 %. Cette fourchette offre-t-elle à elle seule une vision adéquate de la santé d’une organisation ? D’autres facteurs sont à appréhender selon Céline Méchain : « Si le taux de turnover est intéressant pour se comparer aux autres entreprises du secteur, il ne faut pas en faire une variable absolue. Il s’agit de le mettre en perspective continuellement, à la fois en fonction de la typologie des effectifs et de la phase de croissance de l’organisation. »
Le turnover doit donc s’inscrire dans une vision globale prenant en compte :
- La taille de l’entreprise : « Jusqu’à 200 personnes, il y a peu de turnover car les personnes sont pleinement investies dans une aventure entrepreneuriale. Puis, arrive un certain niveau de croissance qui engendre une série de départs car certains salarié·es ne se reconnaissent plus dans une organisation trop structurée, avec des processus… »
- L’ancienneté des salarié·es : « Quand elles ont moins de six mois d’ancienneté, les personnes sont moins attachées à l’entreprise, donc le risque de départ est grand. Idem après 5 ans. »
- La dynamique du marché de l’emploi : « S’il y a des offres, les salarié·es auront tendance à changer d’entreprise plus facilement », insiste Céline Méchain.
Turnover élevé : faut-il (toujours) s’alarmer ?
Un taux de rotation du personnel optimal n’est pas forcément un taux qui se situe le plus proche possible de 0. « Selon chaque culture d’entreprise, il y a un seuil de turnover qui est considéré comme normal. Dans les périodes de transformation, il y a souvent une augmentation du mouvement transverse ou des départs, car la transformation touche les habitudes des salariés qui se demandent s’ils sont alignés avec la direction prise par la société. Souvent ils choisissent ce moment pour aller vers un autre projet : il est normal d’évoluer et de bouger », souligne Betsy Parayil Pezard. Il existe des moments charnières immanents à la vie de l’entreprise. « Une forte croissance ou encore des réorganisations engendrent souvent des changements qu’il faut digérer et consolider au sein des équipes. Ces périodes de déstabilisation sont généralement accompagnées de départs volontaires, ça fait partie de la vie de l’entreprise », corrobore Céline Méchain.
Aussi, avoir un taux de rotation trop bas signifie que les effectifs se renouvellent peu, or les nouvelles générations de salarié·es ne restent plus aussi longtemps qu’avant dans une entreprise. Il est donc normal que les effectifs tournent un minimum et de manière plus récurrente qu’auparavant : on pourrait appeler cela le taux de turnover « sain » ou « frictionnel ». Il ne faut néanmoins pas se laisser convaincre que des pourcentages élevés puissent être un signe de bonne santé. « Quand on observe des départs en masse et qu’ils durent dans le temps, le risque est de voir le capital de connaissances de l’entreprise, son histoire, sa culture se déliter », insiste Betsy Parayil Pezard. En effet, ce sont des phases où les mouvements d’entrée et de sortie sont trop fréquents et de nature à désorganiser l’entreprise : la stabilité du personnel est alors mise en danger, et par extension, la performance. Alors, comment suivre son turnover de manière sereine et maîtrisée ?
Piloter son turnover : 3 actions à déployer
Écouter pour mieux anticiper
Si le turnover est un indicateur intéressant, il est recommandé de le confronter avec des outils de suivi plus qualitatifs afin de comprendre les causes des départs : « Il est important de rester connectés et d’écouter ses équipes régulièrement afin de prendre en compte l’évolution de la satisfaction, mais aussi pour détecter la multitude de préoccupations que peut avoir un individu durant sa vie. En effet, les causes du départ d’une personne sont souvent multifactorielles et font écho à des aspirations sociétales exogènes à l’entreprise », souligne Betsy Parayil Pezard. Pour cela, la mise en place d’enquêtes d’engagement est indispensable : « Il s’agit de poser régulièrement une question aux salariés afin de détecter des signaux faibles et de faire émerger des tendances ». Céline Méchain recommande de croiser ces données avec des enquêtes annuelles ou bi-annuelles qui permettent de recueillir une vision plus approfondie du climat social de l’entreprise.
Créer un climat de confiance propice aux conversations
Pour que les équipes s’expriment librement et dans la confiance, il faut créer un climat de sécurité psychologique. Pionnière dans le domaine, Amy Edmondson la définit comme « un climat d’équipe caractérisé par la confiance et le respect, dans lequel les gens sont à l’aise d’être eux-mêmes ». L’environnement offre la capacité d’être soi en tout temps, d’être en mesure d’exposer sa vulnérabilité aux autres sans craindre le jugement ou la réprimande. Comment faire ? « Il s’agit d’installer des moments de conversation réguliers qui permettent de développer des relations internes de qualité et une expérience collaborateur réussie. Il est essentiel de montrer également que vous agissez à partir des informations données et des problèmes relevés par les salariés, pour continuer à augmenter la confiance. Sans cela, vous n’obtiendrez pas les bonnes informations », insiste Betsy Parayil-Pezard.
Sonder les différents canaux RH
Pour analyser le turnover et le piloter, « la seule question à se poser en tant que RH est la suivante : est-ce que les salarié·es décident de partir pour une meilleure opportunité ou pour fuir un élément qui les dérange dans l’organisation ? », pose Céline Méchain. Pour recueillir cette information, l’exit interview ou l’entretien de départ est un moment fondamental : « Parfois, les personnes n’osent pas se confier par peur ou méfiance. Si la personne est là depuis peu, je demande au recruteur de mener cet entretien car la conversation sera plus informelle, donc les retours seront plus faciles à recueillir ». De manière générale, d’autres indicateurs permettent de croiser les données et repérer les zones de risque. Ils sont à suivre au sein des entretiens annuels, des opérations de feedback ou lors des points avec des référents RH.
Tableau de bord RH : suivre les mouvements salariés… plus que les départs ?
Alors que les organisations se transforment et que le marché de l’emploi reste tendu, d’autres indicateurs, autour des dynamiques salariales globales, peuvent enrichir les tableaux de bord RH. « Le taux de salariés qui ont été promus ou qui ont fait une mobilité est également intéressant », explique Céline Méchain. Dans cette perspective, Betsy Parayil Pezard enjoint les entreprises d’appréhender le turnover de manière plus écosystémique : « C’est très enrichissant pour les collaborateurs d’expérimenter d’autres environnements de travail : les entreprises ont tout à gagner à créer des portes de sortie sans frictions… afin de faciliter les retours et garder une bonne marque employeur, ainsi qu’une bonne relation à moyen terme ! » En ce sens, le taux de salariés boomerang apparaît comme un indicateur alternatif (ou complémentaire) au turnover : « le taux de turnback » serait alors un moyen de piloter l’attractivité et la rétention à long terme.
Article édité par Mélissa Darré, photo : Thomas Decamps pour WTTJ
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