Recrutement : connaissez-vous la méthode « A » ?
17 déc. 2019
10min
Autrice, consultante et conférencière sur le futur du travail, spécialiste de la productivité, de l’âge et du travail des femmes
Cet épisode vous aidera à résoudre votre problème # 1 : embaucher. Notre résumé de Who: The A Method for Hiring (2008) présente la « méthode A » conçue par G. Smart et R. Street chez ghSMART pour embaucher les bonnes personnes pour une réussite optimale. Selon The Economist, embaucher est « le principal problème dans les entreprises d’aujourd’hui ». Le livre s’adresse à tous ceux qui ont besoin d’embaucher des « A Players » de haut niveau pour prendre les décisions « What » (quoi) qui s’imposent et savoir les mettre en œuvre.
Geoff Smart a fondé sa société ghSMART en 1995. Randy Street l’a rejoint en tant que partenaire et dirige à présent l’Unité Commerciale de Formation des Cadres de ghSMART. Ensemble, ils aident les entreprises à prendre de meilleures décisions Who (qui) depuis de nombreuses années. Avant de se lancer dans la rédaction de ce livre, ils ont mené une vaste étude statistique pour les aider à comprendre quels types de candidats seront les plus performants. Leur méthode est quasi unanimement reconnue comme l’une des plus efficaces. Elle est largement utilisée par les managers et les entrepreneurs du monde entier.
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L’embauche est le problème numéro un de toutes les sociétés, mais les managers utilisent de mauvaises approches lorsqu’il s’agit d’embaucher
Pour embaucher, les managers s’appuient souvent sur plusieurs mauvaises habitudes. Par exemple, ils continuent à s’appuyer sur les C.V., même si tout le monde sait que les C.V. sont simplement « un registre décrivant la carrière d’une personne où toutes ses réalisations sont embellies et où tous les échecs sont éludés ». Ils considèrent souvent l’embauche comme relevant de la magie noire et recélant de nombreux secrets. Ils s’appuient sur les méthodes d’embauche vaudou, comme :
- L’approche dite du Critique d’Art qui consiste à faire confiance à son intuition : cela fonctionne peut-être pour juger des œuvres d’art, mais c’est terriblement inefficace lorsqu’il s’agit d’embaucher.
- L’approche dite de l’Éponge est une approche que l’on retrouve souvent chez les managers très occupés qui estiment que plus un grand nombre de personnes font passer les entretiens aux candidats, plus la décision d’embauche sera fiable. Malheureusement, si tous ces efforts ne sont pas coordonnés, ils poseront tous les mêmes questions superficielles et aucune information pertinente ne sera recueillie.
- L’approche dite du Procureur repose sur l’idée que les questions difficiles révéleront le véritable potentiel d’un candidat. Ce n’est pas du tout le cas. « Les connaissances et la capacité à faire le job sont deux choses très différentes ».
- L’approche dite du Prétendant consiste à dépenser la totalité de son énergie à « vendre au candidat l’opportunité que vous proposez ». Cette méthode n’implique aucune écoute.
- L’approche Trickster (du Filou), tout comme celle du Procureur, n’est pas très utile. Les ruses et autres astuces ne fonctionnent pas. Vous ne pourrez jamais connaître quelqu’un avec cette méthode.
- L’approche dite de l’Amoureux des Animaux consiste à rester obstinément sur son sujet préféré comme les animaux de compagnie, même s’il n’a jamais été prouvé que ces procédés peuvent se révéler efficaces.
- L’approche dite Chatterbox consiste à envisager chaque entretien comme une discussion amicale. L’idée peut paraître sympathique, mais elle ne contribue pas à recueillir des informations sur la capacité du candidat à travailler au poste proposé.
- L’approche dite du Psychologue et du Test de Personnalité est considérée comme plus professionnelle, mais en réalité de nombreux candidats bien préparés sont capables de fausser leurs réponses.
- L’approche dite du Test d’Aptitudes peut parfois être utile, mais elle n’est jamais suffisante : les aptitudes ne sont qu’une partie de l’équation.
- L’approche dite de la Diseuse de Bonne Aventure consiste à s’appuyer sur des questions hypothétiques (« Que feriez-vous si… ? »). Malheureusement, nous sommes tous capables de répondre ce que l’autre veut entendre : il est donc difficile de savoir ce que pensent vraiment les personnes en face de vous.
Si vous êtes disposé à abandonner toutes ces approches inefficaces qui relèvent du « vaudou », la bonne nouvelle est qu’il existe des méthodes plus claires qui peuvent vous aider à ne plus vous laisser envahir par la « pagaille de l’embauche ».
Trouver des A players pour vos équipes en 4 étapes
Les A players sont les seuls que vous souhaitez recruter. Voici comment Smart et Street les définissent : « Un candidat qui a au moins 90 % de chances d’atteindre un ensemble de résultats que seuls 10 % des candidats sont capables d’atteindre ». Ils doivent également être parfaitement compatibles avec la culture de votre entreprise.
Embaucher ces A players demande du travail, car vous devez beaucoup chercher, poser des questions difficiles et parfois être prêt à remettre en question vos hypothèses. Les méthodes de recrutement de ghSMART reposent sur 4 étapes essentielles :
- Carte de Score : C’est le document qui décrit exactement ce que vous voulez qu’une personne accomplisse à un poste défini. Ce n’est pas une simple fiche de poste, mais plutôt un ensemble de résultats (mesurables) et de compétences qui définissent ce qu’est un travail bien fait.
- Réserve : Une discipline et une habitude à conserver en tout temps : disposer systématiquement d’une réserve de candidats pour vous assurer que vous aurez les ressources humaines de haute qualité dont vous avez besoin qui attendent juste que vous les contactiez.
- Sélection : il est essentiel de briser l’envoûtement vaudou et de s’appuyer plutôt sur une série d’entretiens structurés qui vous permettront de rassembler toutes les informations pertinentes.
- Vendre : une fois que les bonnes personnes sont identifiées, vous devez les convaincre de rejoindre votre entreprise. C’est tout sauf évident et cette démarche demande de sérieux efforts !
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Commencez toujours par la carte de score
Selon Smart and Street, les cartes de scores sont la « clé du succès » pour toute entreprise. Si elles ne prennent pas la peine de définir ce qu’elles veulent avant de commencer le processus d’embauche, elles sont vouées à l’échec et embaucheront une personne qui ne convient pas au poste. « Lors de l’embauche, tout est situationnel et aucune situation n’est entièrement reproductible ».
La carte de score doit être composée de trois parties :
- La mission du poste : il faut rédiger un résumé de l’objectif principal du poste en langage simple, être clair et intelligible pour que l’ensemble de l’entreprise (et les recruteurs extérieurs) comprenne de quoi il est question. La mission du poste est bien définie lorsque personne ne vous demande d’autres précisions. Chaque mission est spécifique. La mettre par écrit vous aide à comprendre que vous n’avez pas besoin d’embaucher quelqu’un qui sera « bon en tout ».
- Les résultats : vous devez définir des résultats suffisamment élevés (mais toujours raisonnables) qui vont effrayer tous B & C players, et vous motiverez dans le même temps les A players qui aiment relever les défis. Pour les postes dans le commerce, les résultats doivent être quantifiés. Sinon, les résultats doivent être exprimés de manière aussi objective et observable que possible. Les employés engagés sauront donc exactement sur quoi ils seront jugés.
- Les compétences requises : énumérer les éléments comportementaux qui feront que le candidat est parfait pour la mission et l’entreprise. Comment la personne embauchée devra-t-elle travailler pour remplir les tâches qui incombent à son poste ? Au bout du compte, les malentendus culturels affectent les profits. Il est donc essentiel de préciser ce qu’être un « bon employé » signifie.
« L’intérêt de la carte de score est que ce n’est pas seulement un document utilisé pour l’embauche. Elles deviennent des modèles clés qui relient la stratégie théorique à la réalité des réalisations ».
N’arrêtez jamais de chercher
Pour générer un flux continu de « A players », les cadres supérieurs ne peuvent pas se permettre de laisser le recrutement se limiter à un événement ponctuel, voire quelque chose qu’ils ne font que de temps à autre. Il ne faut jamais s’arrêter de chercher, être constamment à l’affût de nouveaux talents.
La méthode numéro un consiste à demander des références sur vos réseaux personnels et professionnels. On constate souvent que c’est le moyen le plus efficace de trouver les meilleurs candidats. 77 % des leaders de l’industrie interrogés pour ce livre estiment que les références sont le meilleur moyen de générer un flux de candidats adéquats.
Être constamment à l’affût de nouveaux talents implique de demander systématiquement aux personnes que vous rencontrez : « Qui sont les personnes les plus talentueuses que vous connaissez et que je devrais engager ? » Les personnes de talent connaissent généralement d’autres personnes talentueuses et sont souvent heureuses de vous donner leurs noms.
Les références d’employés se sont révélées à maintes reprises une excellente source de futures recrues. Ils sont nécessairement bien ciblés parce que les employés connaissent davantage la culture et les valeurs de l’entreprise que des personnes étrangères à l’entreprise. L’implication des employés dans la recherche de candidats et le recrutement est toujours bénéfique pour l’entreprise.
« En transformant les employés en dénicheurs de talents, tout le monde envisage l’entreprise via un prisme de type qui et plus seulement de type quoi ».
Structurez votre processus de sélection
Les entretiens traditionnels ne prédisent pas les performances professionnelles. La méthode ghSMART propose de structurer le processus de sélection à travers une série de 4 entretiens. Le temps est précieux et doit être utilisé intelligemment pour recueillir les éléments pertinents et des données sur le bilan de performance du candidat.
1. L’entretien de sélection est la première étape. C’est un court entretien téléphonique (pas plus de 30 minutes) destiné à trier les candidats qui ne conviendront évidemment pas et à faire une liste de ceux que vous conservez, cette démarche vous permettra d’économiser beaucoup de temps. Même les entretiens de sélection doivent être structurés. Voici les questions que vous devez poser lors de l’entretien de sélection:
- Quels sont vos objectifs de carrière ?
- D’un point de vue professionnel, en quoi êtes-vous doué ?
- D’un point de vue professionnel, en quoi n’êtes vous pas doué ou qu’est-ce que vous n’aimez pas faire ?
- Qui étaient vos 5 derniers supérieurs et comment évalueront-ils vos performances sur une échelle de 1 à 10 lorsque nous les contacterons ?
2. L’entretien Qui est un entretien structuré, approfondi visant à définir des modèles dans le parcours de carrière d’un candidat. C’est le prédicteur de performances le plus fiable, il consiste à suivre la chronologique de la carrière d’une personne. Pour chacun des postes occupés, vous devez poser les questions suivantes :
- Pour quelles tâches avez-vous été embauché ?
- De quelles réalisations êtes-vous le plus fier ?
- Quels étaient vos points faibles lorsque vous occupiez ce poste ?
- Quel était le nom de votre patron et comment épelez-vous son nom ?
- Comment était-ce de travailler pour lui/elle ? À votre avis, que me dira-t-il quand je lui demanderai quel est votre plus grand atout ?
- Comment évalueriez-vous l’équipe dans laquelle vous étiez sur une échelle A, B, C ? Quels changements avez-vous effectués ? Avez-vous embauché ? Avez-vous licencié ? Comment évalueriez-vous l’équipe que vous avez quittée sur une échelle A, B, C ?
- Pourquoi avez-vous quitté ce poste ?
Lorsque vous retracez le parcours du candidat de manière chronologique, vous comprenez comment les événements se sont déroulés les uns à la suite des autres. Indiquer au candidat que vous allez vérifier ses références l’incite à être plus honnête.
Généralement, un entretien Qui peut prendre jusqu’à trois heures. « Pour chaque heure passée en entretien Qui, vous économiserez des centaines d’heures en éludant les C players. Le retour sur investissement en matière de temps est gigantesque ».
Comprendre pourquoi un candidat a quitté les postes qu’il a précédemment occupés est essentiel. Les A players sont attirés par de meilleures opportunités alors que les C players sont souvent renvoyés de leur travail. C’est la raison pour laquelle il faut identifier les modèles récurrents du parcours d’un candidat, cela vous fournira des informations précieuses sur lui.
3. L’entretien ciblé est destiné à recueillir des informations spécifiques supplémentaires sur le candidat. Elle se concentre sur un (ou plusieurs) des résultats et sur des compétences de la carte de score :
- Quelles ont été vos réalisations les plus importantes dans ce domaine ?
- Quelles sont vos réflexions sur vos plus grands échecs et quelles sont les leçons que vous apprises dans ce domaine ?
Après chaque réponse, vous devez rester curieux et demander Comment ? Comment avez-vous fait ? Dites-m’en plus ! Vous pouvez faire passer plusieurs entretiens ciblés pour vérifier que le candidat correspond effectivement à la culture de l’entreprise.
4. Les entretiens de référence sont destinés à tester tout ce que vous avez appris au cours des entrevues précédentes. N’oubliez pas les références ! Vous devez toujours poser des questions sur au moins sept références différentes : 3 patrons, 2 collègues ou clients et 2 subordonnés :
- Dans quel contexte avez-vous travaillé avec cette personne ?
- Quelles étaient les plus grandes forces de cette personne ?
- Quels étaient les domaines dans lesquels cette personne pouvait s’améliorer ?
- Comment évalueriez-vous ses performances globales sur une échelle de 1 à 10 ? Pourquoi ?
- Cette personne a mentionné avoir rencontré des problèmes avec… dans ce travail. Pouvez-vous m’en dire plus ?
Lorsqu’il est question de références, l’absence d’enthousiasme est un très mauvais signe.
Faire les bons choix en matière d’embauche
L’objectif des étapes de la A Method est de rassembler des éléments factuels suffisants pour décider si les compétences d’une personne (ce qu’ils sont capables de faire) et feront (ce qu’ils veulent faire) correspondent à votre carte de score. Un A player est une personne qui dispose des compétences énumérées sur la carte de score ET qui correspondra au poste. C’est ce que les auteurs appellent « skill-will bull’s eye » (mettre dans le mille en matière de compétences et de volonté).
Une série de drapeaux rouges peuvent vous aider à aller au-delà des apparences et déterminer avec certitude si un candidat ne convient pas :
- Lorsque le candidat ne mentionne pas ses échecs passés
- Lorsque le candidat parle en mauvais termes de ses supérieurs précédents
- Lorsque le candidat ne peut pas expliquer ses changements de postes
- Lorsque le candidat blâme les autres pour son manque de réussite
Après l’ensemble du processus de sélection, vous devez classer chaque candidat en fonction des informations pertinentes et en fonction de leurs cartes de scores. Embauchez uniquement ceux qui ont obtenu des A !
Pour terminer, n’oubliez pas de bien vendre le poste et votre entreprise !
Vous n’avez pas terminé jusqu’à ce que votre candidat idéal devienne un de vos employés (et même si à ce moment ce n’est pas encore vraiment fini, car il/elle peut encore partir). Le secret consiste à vous mettre dans la peau de votre candidat. Il y a 5 règles auxquelles chaque personne pense lorsqu’il s’agit de choisir un emploi :
- Le bon poste : le point le plus important que vous devez vendre à votre candidat, ils recherchent des postes où ils peuvent être A players, où leurs objectifs et leur ambition correspondront à la vision et à la stratégie de l’entreprise. Ils veulent avoir un impact et se sentir utiles et désirés.
- La Famille : accueillez toujours la famille et faites en sorte qu’ils se sentent chez eux. Parfois, la famille peut être un obstacle, mais vous pouvez les transformer en alliés.
- La liberté : Les A players n’aiment pas être micro-managés. Ils cherchent des postes où ils seront autonomes pour se dépasser et viser l’excellence. « Aujourd’hui, la liberté compte pour les salariés, surtout pour les plus précieux d’entre eux ».
- L’argent : ce n’est probablement pas l’élément le plus important, mais le salaire, les primes et les avantages font partie de l’équation.
- Le Fun : le côté fun dépend de la culture de l’entreprise. Si c’est le bon poste pour votre candidat, c’est un point essentiel pour vendre votre entreprise.
Vendre requiert une attention de tous les instants. C’est une idée que vous devez garder à l’esprit tout au long du processus. Même lorsque le candidat accepte, la vente n’est pas terminée, car les recherches suggèrent que de nombreuses nouvelles recrues quittent souvent leur poste dans les 100 premiers jours.
Illustration : Pablo Grand Mourcel
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