« Le bien-être n’est plus un gadget, il est devenu une compétence »
01 sept. 2022
4min
Journaliste, éditrice et auteure de documentaires pour la jeunesse
La méditation au quotidien est de plus en plus érigée comme arme anti-stress. Mais pourrait-on étendre cette compétence au milieu pro pour mieux travailler, mieux diriger ? Inspirez, expirez : on vous guide dans cette pratique bien-être
On a pédalé sur les sentiers, on a passé du temps avec les amis, on a regardé le soleil se coucher. Pendant quelques jours ou semaines, on s’est reconnecté à soi, aux autres, on a pris le temps de vivre. Puis, on a troqué ses tongs pour ses chaussures de ville et on a repris le chemin du bureau, avec plus ou moins mal au ventre… Difficile d’échapper au stress de la rentrée. Or, pour certains, il perdure bien au-delà de septembre, pouvant virer à l’anxiété chronique. Les confinements successifs ont mis à rude épreuve la santé mentale des salariés et des managers. Une étude d’ADP montre que les niveaux de stress au travail concernent 67 % des travailleurs au moins une fois par semaine, contre 62 % avant la pandémie. Plus grave, 53 % d’entre eux pensent que leur travail pâtit d’une santé mentale en détresse. Et 41 % sont stressés par l’augmentation des responsabilités. Les managers sont donc en première ligne, selon Betsy Parayil-Pezard, coach spécialisée dans le développement du leadership, l’émergence de l’intelligence collective et la pleine conscience.
À quels types de stress sont confrontés les managers ?
Betsy Parayil-Pezard -Au-delà du stress, les managers font face à un sentiment d’anxiété latent et ambiant, suite à la pandémie. Le groupe de protection sociale paritaire et mutualiste Malakoff Humanis a d’ailleurs pointé dans une étude, non pas une explosion des risques psychosociaux, mais plutôt une fragilisation générale de l’état psychologique des travailleurs. Le stress est lié à des facteurs situationnels qui provoquent le sentiment que l’on n’a pas suffisamment de ressources pour y répondre : une charge de travail supplémentaire, une nouvelle responsabilité, une tension dans l’équipe. L’anxiété est un état psychologique dont les causes sont plus difficiles à cerner, mais les statistiques montrent bien son développement.
Actuellement, les professionnels vivent de grands bouleversements. La transformation est devenue la norme. Salariés et managers doivent faire preuve d’agilité en permanence. Or notre système physiologique n’est pas adapté à ces changements récurrents. Nous pouvons nous sentir dépassés et perdre la connexion avec ce que nous entreprenons. Dans ces conditions, le bien-être n’est plus un gadget, il est devenu une compétence. J’encourage les professionnels à s’observer quand ils sont en vacances. À ce moment-là, on ralentit, on contemple, et on est plus présent à soi et pour les autres. Je crois qu’il est aidant de cultiver cet esprit de bien-être au travail. La méditation de pleine conscience – mindfulness en anglais – est une excellente approche pour y parvenir.
En quoi la méditation n’est pas un gadget ? Pourquoi cette pratique fait du bien sur le court et le long terme ?
La méditation a un impact physiologique. Sa pratique réduit la fatigue émotionnelle, renforce des réseaux d’analyse et de créativité dans le cerveau et génère une clarté qui permet d’affirmer son leadership. En augmentant les capacités respiratoires, la méditation offre une pause au corps et au cerveau, stimule les hormones liées au bien-être, et permet de porter notre attention sur ce que l’on a choisi. C’est très bénéfique pour un manager, souvent pris entre les exigences de sa direction et les besoins de ses équipes. La méditation nous aide aussi sur un plan relationnel. Elle élargit notre capacité d’écoute, permet ainsi de recueillir plus d’informations et par conséquent de prendre de meilleures décisions. C’est un peu comme si on augmentait la définition dans une image pour la rendre plus claire.
« La méditation élargit la capacité d’écoute des managers »
Les capacités de pleine conscience – observer ses émotions, structurer sa pensée, se connecter à ce qu’on fait – sont des capacités professionnelles à part entière. Nous avons tous un mental chargé, et nous ne prenons pas le temps d’observer notre expérience, et de comprendre ce qui se passe dans notre monde intérieur. La méditation offre ce temps d’observation, qui permet de mesurer son niveau de stress, d’en identifier la source et donc d’agir plus efficacement. Dans un précédent article, j’explique à quel point les émotions sont contagieuses et comment elles se transmettent du haut vers le bas dans les hiérarchies des organisations.
Comment introduire la méditation dans son quotidien et dans celui de son équipe ?
Ancrer la pratique dans notre quotidien prend du temps. Pour maîtriser cette boîte à outils dont fait partie la méditation, il faut suivre des formations qui vont nous apprendre à détecter et gérer nos émotions, mais aussi à écouter, à communiquer, à prendre la parole ou encore à créer un environnement de travail propice à la collaboration. Les managers ont par ailleurs besoin d’échanger et de travailler avec leurs pairs. Il faut voir l’intelligence émotionnelle basée sur la pleine conscience, comme une compétence managériale à acquérir auprès d’instructeurs expérimentés, puis s’appuyer sur une intelligence collective qui permet de bénéficier de l’expérience des autres. Les deux sont importants, c’est ça qui permet de grandir.
Que conseillez-vous aux managers dans un premier temps pour gérer le stress ? Est-il possible d’introduire des temps de méditation dans sa journée de travail ?
Oui et de façon très simple. On peut programmer un minuteur pendant 10 minutes et compter ses respirations jusqu’à 10 pour entraîner le cerveau à méditer, ou se servir d’applications comme « Petit Bambou » ou « Headspace ». On peut aussi mettre un repère visuel (comme une gommette) au coin de son écran : quand on le voit, on prend une respiration et on se pose la question de comment on se sent physiquement et mentalement. Et là, nous nous rendons compte que nous avons besoin de nous lever pour boire un verre d’eau, de changer de position, de nous étirer… Bien souvent, quand nous sommes débordés par le stress, c’est parce que nous n’avons pas pris le temps de nous écouter sur une période trop longue. Glisser des temps de « micro écoutes » tout au long de la journée permet de devenir un bon ami pour soi-même. L’écriture est aussi une pratique intéressante pour un manager. Tenir un journal permet de débriefer avec soi, de prendre du recul et de remarquer ce qu’il est important de remarquer, pour prendre les bonnes décisions. Je suis convaincue que les managers qui soutiennent véritablement les transformations, sont ceux qui font ce pas de côté, prennent conscience régulièrement de nouveaux éléments, puis agissent pour développer un leadership en pleine conscience.
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Article édité par Ariane Picoche, photo : Thomas Decamps pour WTTJ
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