20 ans d'écart mais meilleures amies au travail : elles racontent

16 janv. 2025

4min

20 ans d'écart mais meilleures amies au travail : elles racontent
auteur.e
Camille Perdriaud

Journaliste chez Welcome to the Jungle

contributeur.e

Gen Z, Millennials, Gen Y, baby-boomers… Les occasions où les différentes générations se croisent en dehors du cercle familial sont rares. Pourtant, il existe un environnement où les « d'jeunes » et les « boomers » se côtoient au quotidien : le monde du travail. Si cette cohabitation génère parfois incompréhensions et débats sans fin, elle a aussi donné naissance à des amitiés inattendues entre « fœtus » et « dinosaures ». Nos témoins partagent l’histoire de cette rencontre avec un.e collègue ayant le double ou la moitié de leur âge.

« Je ne la considérais pas comme une gamine, et elle ne me considère pas comme une vieille », Julie (25 ans) et Vanessa (52 ans)

image

« Quand Julie a quitté son job à la billetterie du théâtre, j’ai perdu mon rayon de soleil. » Après plusieurs années de bons et loyaux services dans un théâtre parisien, Julie, 25 ans, a rendu son tablier à sa manageuse Vanessa, 52 ans. Son départ a été vécu comme une tragédie (grecque) par l’une comme pour l’autre. Ces deux fortes personnalités avaient bâti à coup de taquinerie et de chamaillerie une relation débordante d’un amour tumultueux. « Les petites piques qu’on se lancait étaient sûrement la preuve que, malgré la différence d’âge, on se considérait comme des égales », commente Julie, rapidement suivie par Vanessa (qui n’est pas du genre à tourner autour du pot) : « Je ne la considérais pas comme une gamine, et elle ne me considère pas comme une vieille. »

La différence d’âge n’a jamais empêché les deux préposées à la billetterie de rire. Au contraire, cela a été un élément de plaisanterie de plus. « On a des caractéristiques physiques similaires donc on s’est déjà amusées à faire croire aux spectateurs qu’on était mère et fille. On jouait de notre complicité, d’une façon. » Derrière cette blague se cache un réel lien affectif presque maternel entre les deux femmes. Et c’est cette fois sans l’ombre d’une plaisanterie que Julie qualifie Vanessa de sa « mère de Paris ». Après que l’étudiante confie avoir passé un « passage à vide » l’année dernière, la différence d’âge avec Vanessa a pris un autre sens. « Ce n’était plus une blague mais un précieux atout. Elle avait la maturité et le vécu de ma mère, mais sans être ma mère pour autant. Ça m’a vraiment permis de me livrer plus facilement sur ce qui se passait dans ma vie. »

La pertinence des conseils de Vanessa est un élément qui a marqué Julie. Et si elle devait en retenir un, ce serait (paradoxalement) la fois où elle lui a conseillé de quitter le théâtre. Inspirée par le décor, l’étudiante en marché de l’art a commencé à manifester l’envie de devenir comédienne. Mais entre étude et travail, le temps lui manquait. « J’avais peur de quitter mon travail car ça m’offrait une stabilité très réconfortante. Mais j’avais aussi l’impression de passer à côté de quelque chose d’autre. Vanessa m’a poussée à me lancer dans ce qui me plaisait vraiment, et de ne pas stagner par peur de l’échec. » Aujourd’hui apprentie comédienne, Julie ne manque pas d’inviter Vanessa à chacune de ses représentations théâtrales. « Et c’est aussi pour cela que j’adore travailler avec des jeunes, confie Vanessa. Je les vois arriver, évoluer et repartir vers leurs prochaines aventures. C’est très inspirant de voir toutes ces personnes motivées, qui débordent d’énergie et qui se donnent les moyens de réussir. De ce point de vue, c’est eux qui m’apprennent beaucoup sur la vie. »

« Il y a des périodes où on passe plus de temps ensemble qu’avec nos maris respectifs », Camilla (32 ans) et Nathalie (50 ans)

image

« Il y a des périodes où on passe plus de temps ensemble qu’avec nos maris respectifs », confie Nathalie, rapidement complétée par Camila, « des périodes plutôt récurrentes (rires). » Quand les deux femmes parlent, des regards en biais et des sourires en coin nous font croire qu’elles peuvent lire dans les pensées l’une de l’autre. Seules les années séparent Camila, 32 ans, de Nathalie, 50 ans, car au travail, rien ne pourrait se mettre entre les deux femmes. Indissociables, elles se complaisent dans une routine professionnelle bien à elles qui, elles l’admettent, « ne ferait pas rêver tout le monde. » Toutes les deux responsables des opérations import à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, le coup de cœur amical a eu lieu entre le bruit des moteurs d’avion et les conversations déchaînées sur les palettes de transport.

« Nos horaires n’ont pas de limite, on travaille autant de jour comme de nuit, donc rapidement, nos collègues peuvent devenir nos partenaires de vie », avance Camila. Alors, leur amitié précieuse offre un équilibre face à leurs vies professionnelles envahissantes. Les maîtres-mots de cette relation ? « Soutien », « complicité », mais surtout pas « différence d’âge ». Bien que de deux générations différentes, Camila et Nathalie se ressemblent et s’assemblent, « jusqu’au style vestimentaire, plaisantent-elles. Quand on arrive au taf’ et qu’on voit qu’on est habillées de la même façon, on se dit que cette complicité va peut-être un peu trop loin. »

En insistant, il est tout de même possible de leur extorquer quelques éléments en lien avec leur écart générationnel. « L’expérience plus grande de Nathalie dans ce domaine s’est souvent révélée très utile. Elle est passée par des étapes que je vis en ce moment, elle s’est posé les mêmes questions et a été confrontée aux mêmes problématiques que moi. Donc forcément, avoir son point de vue et son recul, c’est un vrai atout pour mieux appréhender tout cela. » Quant à Nathalie, elle estime autant apprendre de Camilla, de 18 ans sa benjamine. « Nous n’avons pas toujours les mêmes façons de voir les choses. Camilla m’a appris à moins me prendre la tête, à lâcher prise sur des situations qui étaient de toutes façons hors de mon contrôle. » Et les journées où rien ne va (il en faut bien quelques unes), elle confie savoir où aller passer ses coups de gueule. « Ça nous arrive de débouler dans le bureau de l’autre pour exploser, rigole Camilla. On est juste deux femmes qui vivent des choses similaires et qui se soutiennent mutuellement », conclut Nathalie.

Article écrit par Camille Perdriaud et édité par Gabrielle Predko ; photo de Thomas Decamps.

Les thématiques abordées