8 conseils pour être un·e bon·ne allié·e LGBT+ au travail

14 janv. 2025

9min

8 conseils pour être un·e bon·ne allié·e LGBT+ au travail

Dans la lutte contre les agressions et discriminations LGBTophobe, les entreprises comme le gouvernement ont un rôle à jouer. Mais nous avons aussi notre part de responsabilités à l’échelle individuelle. En entreprise, nous pouvons chacun favoriser l’inclusivité en étant des alliés·ées LGBT+. Mari·e Jaudoin, formateur·ice vers l’emploi et consultant·e sur les questions d’inclusion notamment sur le sexisme et la LGBTphobie, nous guide pour devenir des alliés·ées solides.

Comprendre les réalités des personnes LGBT+ en milieu professionnel

En premier lieu, il est important de comprendre que, malgré les efforts de sensibilisation menés par les entreprises, les associations, les médias ou encore les réseaux sociaux, les personnes LGBT+ subissent encore des attaques et des discriminations en entreprise. D’après le baromètre de l’Ifop et l’association L’Autre Cercle, près de 3 employés LGBT+ sur 10 ont subi une agression LGBTphobe au travail en 2023, et plus de la moitié ont entendu des propos LGBTphobes, des chiffres alarmants. Pire, les agressions au sein des organisations professionnelles sont en hausse puisqu’elles étaient de 26% en 2020 et sont de 32% en 2022. Autre sujet préoccupant : celui du salaire. En effet, les hommes gays perçoivent 5 à 6% de salaire en moins que leurs collègues masculins, ce qui revient à une perte de 1200 euros à la fin de l’année. Pour les lesbiennes, il y a peu d’impact sur le salaire mais cela peut être expliqué par le fait qu’elles travaillent moins à temps partiel que les femmes hétérosexuelles. Aussi, elles sont plus souvent associées à des stéréotypes masculins (plus agressives et confiantes), ce qui peut les favoriser dans le monde du travail (ou du moins, moins leur porter préjudice).

Autre chiffre percutant : aujourd’hui 4 personnes LGBT+ sur 10 s’empêchent d’être visibles auprès de leurs collègues, et 51% auprès de leurs supérieur·es hiérarchiques direct·es. « On pourrait penser que l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ne concernent pas le travail, mais c’est faux. De façon très pragmatique, on passe 5 jours sur 7 au travail, et c’est évidemment un lieu où on socialise avec des collègues, ou la frontière avec la vie personnelle est poreuse, souligne Mari·e Jaudoin. On parle forcément de ce que l’on fait de notre temps libre à nos collègues. Il est très pesant de devoir masquer une si grosse partie de sa vie. Pour une personne transgenre qui n’est pas out au travail, cela revient à être appelé par un prénom que l’on rejette. Imaginez que l’on vous appelle par le mauvais prénom et pronom à longueur de journée, ne serait-ce pas énervant ou blessant ? »
Chacun devrait avoir la possibilité d’être soi-même sur son lieu de travail, sans subir de discriminations et d’agressions. « Vous pouvez taire votre passion secrète pour la salsa, mais ne pas parler des relations que l’on a ou de son identité est très difficile. Nous ne devenons pas subitement hétéros cisgenres (lorsque le genre ressenti d’une personne correspond au genre assigné à sa naissance, ndlr) en mettant les pieds au travail. »

2. Respecter les pronoms et le prénom de chacun

Pour beaucoup de personnes non-binaires ou transgenres, le respect des pronoms est une marque de reconnaissance de leur identité. A contrario, se tromper de pronom ou refuser d’utiliser le bon prénom peut être une source de malaise, voire de détresse. « Pour savoir comment genrer une personne, vous pouvez tout simplement écouter comment elle parle d’elle-même et en faire de même, ce qui vous évite de poser la question, suggère Mari·e. Mais bien entendu, vous pouvez demander à la personne concernée comment elle se genre si vous avez un doute. Si vous faites une erreur, excusez-vous simplement et corrigez-vous, sans en faire un drame. »

Un geste simple peut être de renseigner votre pronom sur votre messagerie interne ou encore les signatures de mail. Si tout le monde prend ce réflexe, le préciser sera moins stigmatisant pour les personnes transgenre ou non-binaire, qui sont généralement les seules à le faire.

Si vous avez parmi vos collègues des personnes transgenres, mieux vaut éviter de poser certaines questions comme : « quel était ton “vrai” prénom ? » Demander le « dead name » (le prénom que l’on portait avant la transition, ndlr) est irrespectueux car cela peut raviver des souvenirs douloureux. Cela peut par exemple rappeler une période où la personne ne se sentait pas pleinement elle-même, où elle vivait le rejet, la dysphorie. Ne pas respecter ses pronoms peut participer à invalider son identité actuelle voire inciter les autres à ne pas utiliser le prénom et les pronoms choisis. D’ailleurs, on utilise le terme « transgenre », qui se concentre sur l’identité de genre et non « transexuel·le ». En effet, celui-ci occasionne une confusion de sens entre les notions pourtant bien distinctes d’identité de genre, d’opération génitale et d’orientation sexuelle. De plus, il est historiquement associé à une pathologisation des personnes trans.

3. Évitez les présupposés

Pour faire de l’entreprise un environnement plus inclusif, il est préférable de ne pas présupposer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de vos collègues. Par exemple, au lieu de demander à un collègue s’il a une « copine », vous pouvez adopter un langage neutre en demandant s’il a « quelqu’un dans sa vie ». Statistiquement, il est à peu près certain que vous avez dans votre entourage des personnes LGBT+ (en 2023 en France, une personne sur dix se disait LGBT+). « Si quelqu’un vous dit qu’il/elle n’a que des hétéros cisgenres autour de lui / elle, c’est peut-être que personne ne s’est senti tout à fait à l’aise de lui en parler et d’être soi-même en sa compagnie, remarque lae formateurice. Une chose simple à faire au quotidien est donc de montrer par votre langage, que vous ne supposez pas que tout le monde est forcément hétérosexuel·le ou cisgenre. » Enfin, inutile de sur réagir (même positivement) si quelqu’un vous mentionne son homosexualité. Dans le cas inverse, personne ne s’esclaffe quand vous dites que vous êtes hétérosexuel·le !

4. Savoir écouter et ne pas faire de l’autre un·e porte-parole

Une personne LGBT+ n’est pas nécessairement militante ou experte de ces questions. De fait, lui poser des questions intrusives sur son identité ou lui demander son avis sur des sujets plus politiques peut être perçu comme une forme de pression.

Tout le monde ne souhaite pas aborder ces questions, surtout dans le milieu professionnel. Soit parce qu’il s’agit de sujets trop intimes voire déplacés (du style « mais du coup, si tu es une personne transgenre, t’as un zizi ou une zezette ? »), soit parce qu’on ne souhaite pas débattre de sujets sociétaux avec ses collègues. « Certains·es seront très heureux de discuter de ces sujets avec vous, mais vous le saurez généralement assez vite. Si vous voulez vraiment aborder un sujet délicat, demandez à votre collègue si iel est d’accord pour en parler », recommande Mari·e.

Si vous êtes à un degré hiérarchique supérieur, gardez également en tête qu’un certain rapport de pouvoir peut rendre la discussion plus compliquée pour votre interlocuteur·ice. Prenons l’exemple de la PMA : si un·e manager sonde un·e collègue LGBT+ qu’iel supervise, et que cette personne est en faveur de la PMA alors que le manager ne l’est pas, le/la collègue pourrait penser que ce désaccord pourrait influencer le jugement du manager au quotidien et ses décisions professionnelles à son égard. De plus, beaucoup de personnes souhaitent préserver leur vie intime de leur vie professionnelle.

Si vous décidez d’aborder des sujets LGBT+ avec une personne concernée et que celle-ci semble ouverte à la discussion, gardez en tête qu’elle n’a pas réponse à toutes les questions concernant le genre ou l’orientation amoureuse en général : elle a sa propre histoire personnelle (et intime).

Enfin, si une personne vous partage son expérience, soyez à son écoute et évitez de remettre en question son vécu. Par exemple, si celle-ci vous raconte un moment difficile de sa vie, ne minimisez pas ce qu’elle a traversé, ses ressentis lui appartiennent.

5. Soutenir ses collègues dans les moments difficiles

Être un bon allié·e signifie aussi être prêt à intervenir lorsque vous êtes témoin de comportements discriminants ou haineux. Il peut s’agir d’une « blague » homophobe ou transphobe, d’un commentaire sur l’apparence, sur la vie personnelle d’un collègue, d’un refus de promotion en raison de l’orientation sexuelle ou de transidentité… Si par exemple vous entendez une remarque déplacée, exprimez votre désaccord en indiquant que ce genre de propos n’est pas acceptable. Pour rappel, les comportements discriminatoires sont passibles de sanctions disciplinaires et pénales.

C’est malheureux, mais les alliés·ées sont parfois mieux entendus·es que les personnes LGBT+. Ainsi, leur soutien peut faire une grande différence, surtout dans les cas où la personne LGBT+ n’est pas en position de réagir. « Quand on est soi-même concerné par ces sujets, il peut être émotionnellement lourd d’être dans une posture de défense ou de pédagogie tout le temps, c’est à ce moment-là que les alliés·ées peuvent monter au front pour soulager leurs proches, explique Mari·e. Car si à la pause déj’, un de vos collègue se lance dans un débat sur le mariage pour tous, c’est peut-être intellectuellement stimulant pour lui, mais pour une personne gay, c’est de sa vie et de son futur qu’il s’agit. Si l’allié·e rentre en jeu, cela peut alléger la charge émotionnelle. »

6. Respecter la confidentialité des informations personnelles

Il peut arriver qu’une personne LGBT+ se confie à vous de façon privée sur sa vie, son orientation ou sur une transition de genre à venir. Partager ces informations à d’autres collègues sans son consentement, même par inadvertance, peut lui causer un grand tort. Le coming out d’une personne lui appartient, le faire à sa place peut l’exposer à des discriminations, voire à des situations dangereuses. Cela prive également la personne de son droit de choisir quand, comment, et à qui partager cette information intime. « Si vous n’êtes pas sûr·e de la confidentialité de l’information, mieux vaut la garder pour vous. Révéler le genre ou l’orientation sexuelle de quelqu’un sans son consentement est puni par la loi », rappelle Mari·e.

7. Sensibiliser ses équipes et ses collègues

Il faut savoir que les entreprises ont pour obligation légale de protéger leurs employés contre les discriminations. Cela implique de prévenir les comportements discriminants et d’agir pour faire cesser tout harcèlement. Elles peuvent aussi encourager les initiatives internes, telles que la mise en place de groupes de soutien LGBT+, de formations sur l’inclusivité ou de politiques de tolérance zéro face aux discriminations. En tant qu’employeur, il y a une obligation légale à protéger la santé et la sécurité des salarié·es et donc à fournir des ressources de sensibilisation et de soutien, comme des affichages clairs de ses engagements contre les discriminations, et des formations pour sensibiliser tous les employés. En tant qu’allié·e, quel que soit votre poste dans l’entreprise, vous avez le pouvoir de participer à créer une culture où chacun·e sait qu’il peut signaler des comportements inappropriés sans crainte de représailles. « Quand il y a des cas d’agressions ou de harcèlement, beaucoup de personnes n’osent pas en parler dans leur entreprise. J’ai un client qui a déjà attendu un an avant de rapporter un cas de harcèlement par sa collègue, et les représentants du personnel ont été un peu mous alors qu’il y a pourtant obligation légale d’agir et de sanctionner ces comportements. Concrètement, l’entreprise est censée afficher dans ses locaux ce qu’elle met en place contre ces attaques et discriminations, et si un cas est rapporté, diligenter une enquête en interne pour vérifier les faits et sanctionner la personne à l’origine des discriminations s’ils sont avérés », informe Mari·e.

8. Éviter toutes ces petites phrases (et expliquer à vos collègues pourquoi elles sont dérangeantes)

Pour résumer, voici un florilège de phrases que vous pouvez éviter de dire dans le cadre professionnel (et dans la vie). Vous pouvez même faire le/la bad cop si quelqu’un vous la sort :

  • C’est quoi ton « vrai » prénom ?
  • Je n’aurais jamais deviné que tu étais gay/bi/trans.
  • Alors, qui est l’homme et qui est la femme dans votre couple ?
  • Mais pourquoi as-tu besoin de te dire « bi » ou « pan » si tu es en couple avec une personne du sexe opposé ?
  • Ah, tu es lesbienne ? Tu as sûrement eu des expériences difficiles avec les hommes…
  • Tu es sûr(e) de vouloir faire ta transition ? Ce n’est peut-être qu’une phase.
  • Tu es trans ? Et tu as fait « l’opération » ?
  • Mais du coup tu as quoi entre les jambes ?
  • Si tu veux des enfants, pourquoi ne pas simplement adopter ?
  • On ne dirait pas que tu es lesbienne/gay. Tu n’as pas l’air.
  • Oh, tu es transgenre ? Mais tu es né(e) homme/femme, non ?
  • D’accord, mais quelle est ta vraie orientation ? Tu finiras par choisir un jour ?
  • Je connais quelqu’un qui est gay aussi, vous devriez vous rencontrer !
  • Donc tu es transexuel alors ?
  • Pourquoi tu en parles tout le temps ? Ça ne change rien pour nous.
  • Tu n’as jamais eu de vrai modèle masculin/féminin dans ta vie ?
  • Mais pourquoi tu t’identifies comme ça ? Tu n’as pas l’air mal dans ta peau.

Être un·e allié·e LGBT+ en milieu professionnel ne se résume pas à une posture de soutien ponctuel, mais à un engagement quotidien de la direction pour garantir la sécurité de ses équipes. Cela implique de comprendre les réalités des personnes LGBT+, de respecter leur identité, d’agir contre les comportements discriminatoires, et de sensibiliser son entourage à ces enjeux. Comme le rappelle Mari·e Jaudoin : « Chacun·e peut jouer un rôle clé, en particulier les personnes avec le plus haut degré de pouvoir dans l’entreprise, pour contribuer à un monde du travail où chacun·e peut être pleinement soi-même sans crainte de jugement ou de discrimination. »

Interview menée par Daniel Duchemann, article écrit par Gabrielle Predko, photographie par Thomas Decamps

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